Anticiper, sur le temps long, les périodes d’étiages et de crues en Corrèze (19)
Situé sur les contreforts du Massif central, souvent présenté comme « le château d’eau de la France », le département de la Corrèze abrite les sources des rivières emblématiques comme la Corrèze, la Creuse, la Vézère et la Vienne.
Pourtant, depuis quelques années, ces cours d’eau exceptionnels sont soumis à des bouleversements inquiétants. En été, leurs affluents s’assèchent de plus en plus tôt. Et dès que l’automne s’installe, ces cours d’eau, pourtant si calmes, se transforment en torrents, débordent de leurs lits et inondent caves et rez-de-chaussée.
Dans ce contexte, comment parvenir à maintenir une gestion optimale de la ressource eau, tant pour la consommation, que pour l’irrigation et les loisirs ?



Entretien avec Pascal Coste, président du Conseil départemental de la Corrèze

Ce projet est présenté par :
- Pascal Coste, président du Conseil départemental de la Corrèze
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le plan départemental de la gestion de l’eau s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
On a la chance, ici, en Corrèze, de bénéficier d’une ressource en eau abondante, et les projections indiquent qu’elle le restera jusqu’en 2080. Cependant, cette abondance ne sera plus aussi régulière qu’auparavant. En clair, les assecs vont s’allonger, tout comme les épisodes de fortes pluies. Or, si on veut maintenir l’attractivité du territoire, si on veut préserver notre agriculture et sauvegarder la forêt, il est impératif de s’adapter à ces changements. Deux solutions s’offrent au département : soit on laisse la nature suivre son cours, soit on définit une stratégie claire, sur la ligne que doit prendre la Corrèze, en concertation avec l’ensemble des associations environnementales, des acteurs économiques et des élus.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
En la matière, le département de la Corrèze fait office de précurseur. En s’appuyant sur les études de climatologues du GIEC, nous constatons que les pertes en pluviométrie peuvent atteindre près de 20 % selon les périodes, mais surtout l’été. Or, pour un territoire comme le nôtre, ce serait catastrophique. Nous avons donc développé un outil avec les services du département, afin de constater les impacts réels de ces projections scientifiques pour la Corrèze. Cet outil permet de réaliser une modélisation des pertes et excès d’eau d’ici 2050 à l’échelle départementale.
La bonne nouvelle, c’est que sur l’ensemble de l’année, la pluviométrie en Corrèze sera quasi équivalente en 2050. Elle serait même en légère augmentation d’ici 2070. Mais entre les mois d’été extrêmement secs, et ceux d’hiver très humides, les différences sont énormes. Cet outil nous permet donc d’anticiper la durée des périodes d’étiages. Et peut-être à terme d’étudier des solutions pour capter de l’eau en période d’abondance pour mieux la répartir sur une période sèche. Cette situation engage notre responsabilité pour l’avenir de la Corrèze en matière de préservation de la ressource pour le territoire, mais aussi en termes de solidarité amont-aval et même interbassin. Parce que nous ne sommes pas seuls !
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Nous n’avons pas réalisé d’études de faisabilité, parce que nous sommes face à un constat cruel : le changement climatique est là. C’est une réalité, et les priorités se dessinent sans détour. En tant que responsables politiques, il est de notre devoir d’apporter des solutions avec l’ensemble des acteurs de l’eau sur le territoire, afin de dépasser les postulats de base et prendre la pleine mesure des enjeux.
Il faut bien se dire qu’on va manquer d’eau en été. Mais que les inondations, elles, vont s’intensifier en hiver dans certaines zones du département. Nos usages devront évoluer vers une certaine forme de sobriété. Ensuite, il faudra aussi envisager des solutions de stockage de l’eau en l’hiver, afin de pouvoir la réutiliser en période estivale. Pour l’agriculture, il s’agit d’aller vers des pratiques plus agroécologiques, où les prairies peuvent retenir l’eau. La gestion de forêt, devra, elle aussi, être repensée de façon plus durable, avec un renouvellement des essences présentes. Quant au tourisme, il doit devenir toujours plus éco-responsable afin de préserver une activité économique essentielle et garantir l’avenir de notre territoire.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
La gestion de l’eau ne fait pas partie des compétences pures des départements. En l’occurrence, si nous le faisons, c’est parce que nous sommes conscients que le climat change et qu’il a des conséquences. Or, cette démarche volontaire de créer un plan départemental de gestion de l’eau, s’appuie sur la nécessité de comprendre que le changement climatique a déjà des impacts tangibles sur notre territoire. Qu’à l’avenir les assecs seront beaucoup plus longs, comme on a pu le voir en 2022; et que les périodes de pluie seront aussi plus intenses comme durant l’hiver 2023-2024. Et si l’on en croit les projections scientifiques du Giec, ces situations exceptionnelles aujourd’hui seront la norme en 2050 !
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Je crois que le réchauffement climatique et les dérèglements climatiques vont finir par nous mettre tous d’accord, car si nous n’agissons pas, nous allons aggraver la situation. Donc, il y a un sujet qui nous rassemble, c’est bien celui-là ! Au-delà des postures parfois affichées en assemblées générales, il y a une volonté commune : celle de réunir autour de la table des acteurs capables de temporiser sur certains points, d’être plus exigeants sur d’autres, mais surtout, de converger pour élaborer des solutions durables.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées et obtenues ?
À ce stade, aucun financement n’a encore été demandé. Nous sommes encore dans une phase de réflexion, destinée à poser les bases du projet. Ce n’est qu’après cette étape que nous engagerons les démarches pour mobiliser les financements nécessaires. Dans tous les cas, depuis 2017, le Département de la Corrèze a inscrit son action dans une stratégie ambitieuse, portée par le plan Corrèze Transition écologique, en mettant au cœur de ses priorités la sobriété, la gestion de l’eau, l’énergie et les mobilités. Sans une impulsion forte des élus locaux et une mobilisation conjointe des acteurs écologiques et économiques, nous ne pourrons assumer pleinement notre mission.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné le Département de la Corrèze dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Tous les acteurs sont mobilisés : préfecture, Agence de l’eau, chambres consulaires (CCI, CMA), Chambre d’agriculture, associations environnementales, parc naturel régional, offices de tourisme et collectivités locales… Le Département n’est pas là pour imposer sa vision. Son rôle est de s’assurer que les propositions issues de ses Assises sur l’eau, puissent devenir forces de loi, que ce soit dans les plans locaux d’urbanisme ou dans les documents-cadres sur l’eau… Le territoire dispose aujourd’hui d’outils et de leviers stratégiques pour pouvoir agir sur la gestion de cette ressource vitale, face au dérèglement climatique.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
Septembre 2021
Octobre 2021
Janvier 2022
Octobre 2024
Chiffres clés
20
À retenir
Rassembler l’ensemble des acteurs liés au monde de l’eau pour mieux comprendre leurs besoins tout en dépassant les postures figées
Encourager une concertation autour de solutions de gestion des flux d’eau adaptées à l’ensemble des parties prenantes : agriculteurs, professionnels du tourisme ou défenseurs de l’écologie
Réussir à synthétiser les besoins de chacun, afin d'éviter d'imposer une solution unique et de privilégier une approche collective et inclusive
Ressources
La Montagne - Le Département de la Corrèze en pointe sur la gestion de la ressource en eau pour l'avenir
Depuis deux ans, le conseil départemental de la Corrèze travaille avec les services de l’État à l’établissement du Plan départemental de la gestion de l’eau en Corrèze. Une initiative saluée par le préfet et l’agence de l’eau Adour-Garonne.
Les partenaires de ce projet

Agence de l’Eau Adour-Garonne

Préfecture de Corrèze

Chambre d'Agriculture
En savoir plus sur le département de la Corrèze
habitants (en 2021)
communes
plans d'eau aménagés
km de ruisseaux et rivières
Données de contact
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