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Politiques de l’eau : Entretien avec Guy Pagnard, Maire de Saint-Yvi et vice-président de Concarneau Cornouaille Agglomération

Crédits photos : Guy Pagnard - aquagir

Guy Pagnard est Maire de Saint-Yvi dans le Finistère, et vice-président à l’eau potable, à l’assainissement et au grand cycle de l’eau de Concarneau Cornouaille Agglomération depuis 2018. Il est également consultant au sein du cabinet Futurouest, qui accompagne les collectivités territoriales dans la définition de leurs schémas directeurs et documents de planification.

 

Bonjour M. Pagnard et merci d’avoir accepté notre invitation. Où en est votre communauté d’agglomération en matière de politiques de l’eau ?

Sur l’eau comme sur l’assainissement, la sécheresse de 2022 a déclenché une prise de conscience importante, y compris en Bretagne, dans des secteurs pluvieux en hiver, où nous avons observé que l’approvisionnement en eau potable était loin d’être assuré l’été suivant. Quatre communes ont frôlé la coupure d’eau, certaines communes ont secouru leurs voisines. Concernant la faune et la flore des milieux aquatiques, nous avons été contraints de demander des dérogations au respect du débit réservé réglementaire pour éviter des coupures dans les communes. Cela n’a pas eu d’incidence sur les populations de poissons, mais nous avons pris un risque !

Outre les sécheresses, les rendements de nos réseaux d’eau ne sont pas suffisants : des fuites subsistent (autour de 20%) et le patrimoine posé dans les années 50-70 est vieillissant. Les taux de renouvellement sont insuffisants, à ce rythme-là nous aurons renouvelé le réseau dans 200 ans, alors qu’il faudrait l’avoir fait dans 60 ans !

Ainsi les problématiques que nous soulevions à la commission de l’eau ont commencé à être davantage prises au sérieux. Nous avons trop longtemps repoussé ces investissements nécessaires, de peur de devoir augmenter le prix de l’eau et de déplaire aux usagers-consommateurs. Dorénavant la collectivité voit davantage l’intérêt d’investir dans la maitrise de la consommation, ainsi que dans la production et la disponibilité de l’eau potable.

Quand je présentais pour la première fois le projet de schéma directeur eau potable on me disait « ohlala ça va demander beaucoup d’argent, le prix de l’eau va augmenter, comment les usagers vont-ils prendre cela ? »… mais 6 mois après, suite à des comités de crises jusqu’aux pluies d’octobre 2022 (niveaux d’étiage alarmants), le schéma directeur a finalement été voté à l’unanimité , pour sécuriser l’équilibre ressources-besoins d’ici une quinzaine d’années, avec un plan d’investissement à 84 millions d’euros.

 

Qu’en est-il de la partie assainissement ?

Nous avons pris du retard sur ce schéma directeur. Nous parlons là aussi d’un chantier conséquent de rénovation du réseau d’assainissent, à hauteur de 33 millions d’euros à ce jour. Nous subissons des intrusions d’eaux usées dans le réseau d’eaux usées. Ce n’est pas tant la capacité technique des stations d’épuration qui pose un problème, mais la capacité hydraulique. Des volumes d’eau trop importants arrivent d’un coup, notamment lors des périodes pluvieuses d’hiver.

Dans certains territoires français, dernièrement, les services de l’Etat (Agence Régionale de Santé, Direction départementale des territoires et de la mer, Préfectures) viennent de suspendre certains Schémas de COhérence Territoriaux (SCOT). Tout nouveau projet de développement urbain est suspendu, sous réserve d’avoir résolu le problème de l’assainissement-eaux pluviales. Les services de l’Etat relient les documents de planification urbaine avec les questions sanitaires liées à l’assainissement et aux eaux pluviales pour demander des garanties d’un développement urbain propre. Nous voulons éviter d’en arriver là chez nous !

 

Revenons au schéma directeur Eau potable. Que prévoit-il ?

Il y a un fait majeur dont je n’ai pris conscience qu’en 2018, lorsque la compétence Eau potable fut transférée à la communauté d’agglomération : nous sommes à 95% autonomes sur la ressource ! Nous n’avons pas besoin d’interconnexions avec d’autres bassins versants mais nous dépendons de deux petits bassins versants littoraux.

Il n’y a pas de grandes rivières lointaines depuis lesquelles nous pourrions envisager d’acheminer de l’eau par canalisation. Ainsi, contrairement à d’autres territoires qui importent de l’eau de l’extérieur, nous nous sauverons tout seuls où nous ne nous sauverons pas ! C’est le fil conducteur de notre stratégie de long terme. Il faut que nous restions majoritairement autonomes demain, mais pas non plus en autarcie. Nous travaillons avec notre voisin Quimperlé Communauté, dont la taille est proche de la nôtre. Nous travaillons sur le cofinancement d’une interconnexion entre nos réseaux afin de sécuriser mutuellement notre approvisionnement en eau. Sachant qu’ils ont une ressource plus abondante, avec des cours d’eau et des débits plus importants, y compris en période estivale. Donc ils auraient la capacité à secourir nos communes littorales en cas de sécheresse comme en 2022.

Pour le reste, le Schéma Directeur prévoit d’interconnecter de manière plus complète l’ensemble des communes au sein de notre agglomération. Il y a un écart de pluviométrie important entre le nord rétrolittoral de l’agglomération et les communes littorales, donc l’objectif est que les communes du nord soient interconnectées avec les communes du sud d’ici 2036.

Parmi d’autres projets, nous prévoyons de réaliser un diagnostic plus précis de nos ressources : nous avons par exemple découvert que des captages avaient été abandonnés par certaines communes, or ils demeurent potentiellement utiles. Nous allons mener une prospection de nouvelles ressources, car nous avons encore des secteurs non-exploités.

Concernant le réseau, outre les interconnexions et la réduction des taux de fuite, nous prévoyons de travailler sur d’autres paramètres, notamment la régulation des pressions (autour de 3 bars), élément très important dont j’ai pris conscience récemment.

Enfin nous travaillons évidemment sur la maitrise de la demande, avec la sensibilisation et l’accompagnement des usagers. Nous distribuons par exemple gratuitement des réducteurs de débit pour les douches et les robinets, en commençant par les communes les plus proches de coupures lors de l’été 2022. Nous proposons aussi un chèque de 50€ pour l’achat de récupérateurs d’eau de pluie dans les jardineries locales.

Nous essayons aussi de sensibiliser les usagers sur les fuites après compteur : il y a souvent des fuites dont les usagers ne s’aperçoivent qu’au moment des relèves, tous les 6 mois. Parfois les fuites ne sont repérées que tous les 12 mois, au moment du passage d’un agent releveur. Entre temps on a perdu des centaines voire milliers de mètres cubes, lorsqu’il s’agit de gros consommateurs comme les industriels, les agriculteurs et les campings dont quelques-uns sont particulièrement consommateurs d’eau sur notre territoire. Pour éviter cela nous sensibilisons les usagers sur la nécessité de surveiller leur compteur plus régulièrement dans leur intérêt et celui de la collectivité. Nous étudions également le retour sur investissement d’une télérelève automatisée pour détecter immédiatement ces fuites.

 

A ce propos, quelles sont vos démarches auprès du monde agricole ?

Nous sommes dans un secteur de production de légumes destinés à la transformation en conserves. L’irrigation est faite par retenues collinaires de l’eau de ruissellement d’hiver (et non par des bassines qui prélèveraient dans la nappe phréatique). La production de légumes s’étant réduite, de nombreuses retenues collinaires  ne servent plus. Dans notre problématique de ressources, nous n’avons donc pas un enjeu très fort sur les cultures mais plutôt sur l’abreuvement des animaux lorsque les forages agricoles donnent moins l’été.

 

Est-ce que vous jouez sur la tarification afin d’inciter à la sobriété ?

Nous nous sommes aperçus, par l’analyse des données des usagers, que la contribution des industriels, agriculteurs et campings à nos recettes était inférieure à leur poids dans la consommation d’eau ! Donc en quelques sorte les particuliers et autres petits consommateurs (ex. petits commerces) payaient pour les gros usagers. La raison est que les gros consommateurs jouissaient de tarifs dégressifs, avec des réductions sur le prix quand ils consommaient de gros volumes dans 6 communes sur 9.

En décembre 2023 nous avons voté des grilles tarifaires progressives. Les prix augmentent en fonction des tranches de consommation, pour tous les usagers, y compris les agriculteurs et les industriels. Nous espérons que cela les incitera à chercher des économies d’eau !

Le nouveau schéma tarifaire entrainera des augmentations de recettes, que nous pourrons utiliser pour financer notre plan d’investissement de 84 millions d’euros sur 14 ans pour la production et la distribution d’eau potable.

 

Pour terminer, comment intégrez-vous ces enjeux dans votre approche d’aménagement du territoire ?

En Bretagne et Finistère Sud cela fait un moment qu’on a des schémas d’aménagement de gestion des eaux (SAGE) qui sont effectifs. Notre territoire dépend du SAGE Sud-Cornouaille et du SAGE de l’Odet. Depuis les années 2010 on a des éléments très précis sur la délimitation et la préservation des zones humides, intégrés aux documents d’urbanisme, qui interdisent par exemple de les assécher ou les remblayer. Nous n’avons donc pas attendu la loi climat-résilience et le Zéro Artificialisation Nette pour cela.

Concernant la gestion des eaux pluviales, dans toutes les opérations d’aménagement, la gestion des eaux pluviales doit se faire à la parcelle pour les particuliers. Pour les voiries, elle doit se faire par des ouvrages qui écrêtent le ruissellement, avec un débit de fuite ne dépassant pas 3l/s/ha, seuil autorisé par le SDAGE Loire- Bretagne. De nombreux dispositifs d’infiltration des eaux pluviales ont été réalisés dans les schémas d’aménagement pour le respecter.

 

Merci beaucoup M. Pagnard pour votre retour d’expérience.

Merci à vous !

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