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Eutrophisation de l’eau : définition et solutions

Cet article a été rédigé par Pierre Gilbert

Crédits photos : Ifremer

Le terme eutrophisation vient du grec eutrophe, qui veut dire « bien nourri ». Cet état correspond de fait à une surabondance de matière organique dans un cours d’eau, un lac ou une zone côtière. Le milieu est alors dit “Eutrophe” (en opposition à un milieu dit “Oligotrophe” qui lui est pauvre). C’est un phénomène qui entraîne l’asphyxie du milieu, donc une perte dramatique de biodiversité, mais également des pollutions aux coûts directs et indirects très élevés. Limiter le phénomène d’eutrophisation est donc un enjeu majeur et chacun peut agir à son échelle, a fortiori les collectivités.

Eutrophisation de l’eau ou état Eutrophe : définition

Le phénomène d’eutrophisation est une réponse de l’écosystème aquatique suite à un apport excessif de nutriments, essentiellement en azote et phosphore. Stimulées par cet apport de « fertilisants », certaines algues et microalgues se multiplient de manière excessive, en particulier dans les couches d’eau de surface ou la lumière essentielle aux végétaux est disponible. Ces algues en excès vont attirer une quantité anormale de bactéries qui vont dégrader cette matière organique tout en consommant l’oxygène présent dans l’eau. Ces bactéries peuvent être de nature différente et émettre du CO2, du méthane (CH4), voir carrément du sulfure d’hydrogène (H2S) et des cyanotoxines, issues des cyanobactéries, qui sont toxiques à l’inhalation ou l’ingestion.

Résultat : il n’y a plus assez d’oxygène dans l’eau pour tout le monde et la lumière ne passe plus. Le milieu est asphyxié. Les poissons et autres animaux qui ne peuvent pas migrer vers des eaux plus oxygénées meurent. Les eaux peu vives comme celles des lacs, retenues, marais, certaines rivières et baies sont particulièrement sensibles à ce phénomène, alors que les eaux vives, brassées et oxygénées en permanence, sont beaucoup moins sensibles.

 

Les causes de l’eutrophisation

Les deux coupables principaux conduisant à l’eutrophisation sont l’azote et le phosphore, que l’on retrouve surtout dans les engrais et les eaux usées. L’agriculture est ainsi le pourvoyeur principal de phosphates (pour le phosphore) et d’ammonium, nitrates, et nitrites (azote). Depuis 1960, la consommation mondiale d’engrais azotés de synthèse a été multipliée par neuf. En France, les quantités utilisées s’élèvent à 140 kg par hectare en moyenne pour les grandes cultures (blé, orge, colza, maïs, etc.), un chiffre en augmentation de 35% depuis les années 1970.

Les plantes n’absorbent que la moitié de ces engrais. L’autre moitié alimente des bactéries qui émettent entre autres de l’ammoniac et du protoxyde d’azote – un gaz 265 fois plus puissant que le CO2 – et ruisselle dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. Les épandages de lisiers, lorsque trop importants, entraient aussi des ruissellements d’azote. En Bretagne, ils sont responsables de la prolifération d’algues vertes à la putréfaction toxique dans certains estuaires. Le phosphore suit la même logique : la moitié des phosphates épandue fini par ruisseler dans les eaux et provoquer de l’eutrophisation.

Comme pour la fertilisation azotée, les pratiques agricoles varient fortement selon les territoires. Les régions pour lesquelles les apports de phosphates sont les plus importants sont situées sur un axe Sud-Ouest/Nord-Est, en raison principalement des cultures de maïs, très consommatrices. Les sécheresses, accentuées par le changement climatique, renforcent les risques d’eutrophisation en diminuant le débit des cours d’eau, ce qui augmente la concentration de l’azote et du phosphore.

 

Le phénomène d’eutrophisation des milieux aquatiques

L’eutrophisation des rivières

Tous les milieux aquatiques peuvent être touchés par des formes d’eutrophisation. Les rivières souffrent principalement de développements excessifs d’algues planctoniques, comme la Loire, suivis parfois d’implantations envahissantes d’algues et de plantes aquatiques bien visibles – ce qu’on appelle les macrophytes. L’indice IBMR (Indice Biologique Macrophytique en Rivière) est un outil qui permet de déterminer le statut trophique des rivières.

L’eutrophisation des lacs

Les lacs, mares et étangs souffrent principalement du développement d’algues en surfaces et d’une perte d’oxygène dans les couches profondes, à cause de la dégradation de la matière organique qui y coule. L’indice IBML (Indice Biologique Macrophytique en Lacs) en permet le suivi. Les nappes phréatiques peu profondes (phréatiques, alluviales, karstiques…) ne sont pas épargnées par les infiltrations d’engrais, que l’on peut mesurer avec un indice de concentration de nitrates.

L’eutrophisation des littoraux et des océans

Les littoraux et les océans sont également vulnérables : les marées vertes en Bretagne ont des conséquences sur la biodiversité et le tourisme, sans parler de drames humains réguliers en raison de l’inhalation de sulfure d’hydrogène. Les zones mortes océaniques se multiplient dans le monde, comme par exemple au nord du golfe du Mexique, largement asphyxié par les eaux chargées en engrais du Mississippi. La lagune de Venise et le nord de l’Adriatique connaissent un phénomène similaire en raison des rejets du Pô.

 

Quelles sont les conséquences de l’eutrophisation ?

Les conséquences de l’eutrophisation artificielle peuvent être désastreuses pour le tourisme et la pêche. Les matières organiques présentes dans le milieu peuvent occasionner des désordres digestifs liés à l’ingestion de bactéries, en cas de baignade par exemple. D’autre part, le coût du traitement de potabilisation de l’eau s’en trouve considérablement augmenté. Une trop forte concentration en nitrates rend en effet la consommation de l’eau toxique, et plus particulièrement pour les nourrissons. Les équipements et les réactifs nécessaires pour éliminer les micro-organismes ou les composés chimiques azotés sont chers. Le surcoût relatif à la dépollution des eaux en nitrates en France se chiffre en milliards chaque année.

 

Quel est le processus d’eutrophisation ?

L’eutrophisation est un processus progressif qui suit plusieurs étapes.

  • La première se caractérise par un enrichissement excessif en nutriments (principalement azote et phosphore) d’un milieu aquatique, menant à une prolifération végétale.
  • La seconde étape, marquée par la mort et la dégradation de ces végétaux, entraîne la désoxygénation du milieu aquatique.

 

Ce phénomène peut être classé en quatre stades : oligotrophe, mésotrophe, mésoeutrophe et eutrophe, selon la concentration en nutriments dans l’eau.

Il est à noter que l’accumulation d’algues et de bactéries anaérobies, qui absorbent l’oxygène présent dans l’eau, peut entraîner l’état de dystrophisation, qui est une forme avancée et potentiellement destructrice de l’eutrophisation.

 

Comment réduire ou traiter l’eutrophisation (déseutrophisation) ?

Des solutions curatives coûteuses et parfois risquées

La lutte contre l’eutrophisation peut être préventive (de loin le plus efficace) ou curative. Les mesures curatives passent par des procédés coûteux et parfois risqués en matière d’impact sur le vivant, comme l’oxygénation, la déstratification (technique de traitement des eaux utilisée principalement en prétraitement, pour des plans d’eau de profondeur moyenne), la lutte chimique contre les algues, avec du sel de cuivre par exemple. Le traitement poussé dans les stations d’épuration, par l’élimination de l’azote et surtout du phosphore, est un moyen de prévention lié aux eaux usées. Le lac d’Annecy a par exemple été sauvé de l’eutrophisation complète par un détournement et traitement des effluents. Remplacer les produits qui dans notre quotidien contiennent des phosphates, comme dans les produits lave-vaisselle, est également efficace dans la lutte contre l’eutrophisation.

Des solutions préventives de loin plus efficace

Compte tenu des volumes, il faut surtout réduire l’apport de nutriments dans les milieux aquatiques par l’agriculture. Pour cela, il est nécessaire de limiter l’utilisation des engrais en agriculture. Le passage des bassins versants à l’agroécologie montre ainsi des résultats déterminants et des coûts de dépollution divisés. Ce fut le cas pour la ville de Munich en Allemagne, qui incite depuis 1991 les agriculteurs situés dans la zone d’influence des points de captage d’eau à se convertir à l’agriculture biologique. L’eau du robinet y est désormais pure et non traitée, alors qu’elle était très chargée en nitrates avant cela.

La lutte contre le phénomène d’eutrophisation passe par une lutte contre l’érosion des sols agricoles. Les bandes enherbées, les cultures en couverts permanents, les arbres et haies champêtres sont autant d’alliés déterminants qui permettent de structurer les sols, d’augmenter leur capacité de rétention d’eau et de métaboliser les polluants. Le boisement systématique des berges, y compris des plus petits cours d’eau par ripisylviculture (ripi = rive; sylva = forêt) se révèle très efficace également, et peut être facilement mis en place par les collectivités. En France et en Europe, la mise en place de zones tampons est obligatoire le long des cours d’eau et des lacs, mais elle n’est pas toujours respectée.

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Pour aller plus loin sur l'eutrophisation

Qu'est-ce que la dystrophisation ?

La dystrophisation est considérée comme l'état ultime de l'eutrophisation, caractérisé par une quasi-absence d'oxygène dans le milieu aquatique. Ce phénomène est principalement causé par une dégradation excessive de la matière organique engendrée par une prolifération accrue du phytoplancton. Plus précisément, les bactéries aérobies consomment l'oxygène dissous dans l'eau pour décomposer la matière organique morte, aboutissant à une anoxie du milieu. Ce processus peut mener à la mort des organismes animaux et végétaux supérieurs, provoquant ainsi une véritable mort de l'écosystème. Notamment, dans le sud de la France, ces crises de dystrophisation sont souvent désignées sous le terme de "malaïgues".

Comment éviter l'eutrophisation ?

Pour éviter l'eutrophisation des milieux naturels, un certain nombre de mesures peuvent être prises : 1) Réduire l'utilisation d'engrais chimiques : l'utilisation excessive d'engrais dans l'agriculture mais également dans d'autres activités humaines est l'une des principales causes de l'eutrophisation. Il est donc important de limiter l'utilisation d'engrais chimiques et d'opter pour des alternatives plus durables, telles que l'utilisation d'engrais organiques. 2) Contrôler les rejets d'eaux usées : Les eaux usées domestiques et industrielles contiennent des nutriments qui peuvent contribuer à l'eutrophisation des cours d'eau. Il est donc essentiel de mettre en place des systèmes de traitement des eaux usées efficaces pour réduire les rejets de nutriments dans l'environnement. 3) Gérer les activités agricoles : Les pratiques agricoles telles que l'épandage excessif de fumier et les cultures en bordure de cours d'eau peuvent entraîner le ruissellement des nutriments dans les cours d'eau. Il est important de mettre en place des pratiques agricoles durables, telles que la rotation des cultures, la conservation des sols et la gestion des engrais, pour réduire l'apport de nutriments dans les cours d'eau. 4) Protéger les zones humides : Les zones humides jouent un rôle crucial dans la filtration des nutriments et la prévention de l'eutrophisation des cours d'eau. Il est donc important de protéger et de restaurer les zones humides afin de maintenir leur fonctionnement naturel. 5) Sensibiliser et éduquer : Informer et sensibiliser le public sur les problèmes liés à l'eutrophisation et les actions à prendre est essentiel pour encourager la participation et l'adoption de pratiques durables

Qu'est-ce que les cyanobactéries ?

Les cyanobactéries, aussi appelées "algues bleu-vert", sont des organismes photosynthétiques microscopiques qui vivent dans l'eau douce et salée. Elles sont connues pour leur capacité à produire de l'oxygène et à fixer l'azote atmosphérique. Les cyanobactéries sont capables de proliférer lorsque les conditions sont favorables, notamment en présence d'une grande quantité de nutriments, comme c'est le cas lors de phénomènes d'eutrophisation. Elles peuvent être planctoniques, flottant librement dans l'eau, ou benthiques, se développant sur des substrats minéraux au fond des cours d'eau. Elles peuvent également se développer à la surface des plantes aquatiques. Les cyanobactéries sont importantes pour l'écosystème, mais leur prolifération excessive peut avoir des conséquences négatives, notamment la production de cyanotoxines, des substances toxiques pour les humains et la faune aquatique.

Quel est le lien entre eutrophisation et cyanobactéries ?

L'eutrophisation est un processus de dégradation de la qualité de l'eau qui se produit lorsque des nutriments, tels que les nitrates et les phosphates, s'accumulent en grande quantité. Lorsque les niveaux de nutriments augmentent, cela favorise la prolifération des cyanobactéries, également connues sous le nom d'algues bleu-vert. Les cyanobactéries peuvent produire des toxines dangereuses pour les animaux et les humains, ce qui pose des problèmes graves pour la santé et l'environnement.

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