Cette conférence est organisée dans le cadre du projet « Les SfN pour les risques liés à l’eau : de la théorie à la pratique » financé par INRAE (Programme Post-AgreenSkills Fund).
Le concept de « Solutions fondées sur la Nature » (SfN ou « Nature-based Solutions » en anglais NbS) – voit le jour à la fin de la décennie 2000, à une période caractérisée par des crises multiples, économique, financière, environnementale, et climatique. Ce concept a été porté par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), qui a défini formellement les SfN en 2016 comme regroupant « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bienêtre humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité » (Cohen-Shacham et al., 2016).
Envisagées comme un concept « parapluie », elles désignent des solutions génériques englobant des concepts préexistants comme la restauration écologique, l’ingénierie écologique, ou les infrastructures vertes, tant qu’elles permettent de produire des effets bénéfiques pour la biodiversité et la société. Les SfN sont présentées comme des solutions à deux problèmes publics contemporains majeurs, que sont le changement climatique et l’érosion de la biodiversité (Drapier et al., 2023). D’abord promues dans les arènes internationales, les SfN ont depuis été reprises par une diversité d’acteurs intervenant à des échelles multiples, qu’il s’agisse de la Commission Européenne, de l’Office français de la biodiversité (OFB) en France, ou encore du gouvernement fédéral américain (Guerrin et al., 2023). Les SfN représentent une des « innovations conceptuelles » (Meadowcroft et Fiorino, 2017) aujourd’hui incontournables dans les politiques de préservation de la biodiversité et les politiques climatiques, à tous niveaux d’action publique et dans de nombreux États.
Les risques liés à l’eau constituent aujourd’hui un domaine d’application des SfN relativement développé. Les canicules, sécheresses et inondations sont en effet aujourd’hui, de façon assez consensuelle, rapportées au changement climatique. En ce qui concerne le déclin de la biodiversité, les écosystèmes aquatiques apparaissent comme des milieux particulièrement dégradés et vulnérables, et donc prioritaires. Restaurer le bon état de ces milieux, et la biodiversité qu’ils hébergent, est présenté comme produisant également un effet bénéfique sur la qualité des ressources en eau, leur disponibilité par la recharge des nappes, ainsi que sur la gestion du ruissellement ou la prévention des inondations. Les acteurs des politiques publiques de l’eau et des risques s’approprient de plus en plus, dans beaucoup d’États et de territoires, la notion de SfN.
Largement adopté et diffusé, ce concept revêt néanmoins des acceptions différentes selon les acteurs et les institutions qui s’en saisissent (Guerrin et al., numéro spécial DDT, 2023). Ainsi, certaines institutions ont un cadrage plutôt économique du concept (comme la Commission Européenne), lorsque d’autres insistent sur la préservation de la biodiversité (comme l’IUCN) ou plus largement de la nature et de la société (comme le gouvernement fédéral Etasunien). Cette ambiguïté peut être productive lorsqu’elle facilite l’action collective dans les situations qui s’accommodent de cette diversité de significations. Mais la définition et la mise en œuvre des SfN provoquent aussi localement, et à l’international, des tensions et des conflits. De grands groupes pétroliers et d’autres acteurs privés s’emparent également de ce concept, quitte parfois à le détourner de son sens initial et à l’utiliser par exemple pour promouvoir un combustible ‘neutre en carbone’ grâce à la compensation écologique (Drapier et al., 2023).
En fin de compte, les SfN relèvent du consensus mou, ou d’une ambiguïté qui ne s’avère pas toujours productive. La littérature en sciences sociales existante autour des SfN vise à faciliter leur mise en œuvre dans des contextes variés. La littérature distanciée voire critique est encore peu développée. Cette conférence vise à faire dialoguer des recherches de type critiques autour des SfN en proposant de se centrer spécifiquement sur l’action publique dans le domaine des risques liés à l’eau, dans des contextes variés. Cet évènement scientifique est organisé dans le cadre de la fin du projet Post AgreenSkills Fund « Solutions fondées sur la nature, de la théorie à la pratique : comparer la France et les Etats-Unis » (2021-2024) qui s’était focalisé sur le domaine des inondations. Nous invitons les scientifiques (en particulier dans le champ des sciences humaines et sociales ou qui travaillent selon des approches interdisciplinaires avec les sciences biophysiques) à échanger autour du thème des solutions fondées sur la nature qui sont utilisées pour la prévention des inondations, mais aussi d’autres types de problématiques liés au cycle de l’eau dans des contextes géographiques variés (gestion quantitative, qualité de l’eau, érosion…).
Cette conférence sera l’occasion de présenter les résultats du projet comparatif France/Etats-Unis et de les faire dialoguer avec d’autres recherches, de continuer et d’élargir les réflexions initiées dans le cadre d’un numéro spécial publié de la revue Développement Durable et Territoires en 2023. La réflexion s’articulera autour des axes suivants :
Axe 1 : Gouverner (par) les SfN : quels modes de gouvernement et de gouvernance des SfN ?
Axe 2 : Quelles perceptions des SfN ? Quelles natures des SfN ?
Axe 3 : Quelles territorialisations des SfN ?
Axe 4 : Quelles recherches futures autour des SfN ?
Comité scientifique Rémi Barbier (ENGEES), Mathieu Bonnefond (CNAM), Antoine Brochet (CNRS), Ludovic Drapier (INRAE), Sara Fernandez (INRAE), Marie Fournier (CNAM), Joana Guerrin (INRAE), Carine Heitz (INRAE), Julien Pelet (ENGEES), Mathias G. Kondolf (Université de Californie Berkeley), Freddy Rey (INRAE), Anna Serra-Llobet (Université de Californie Berkeley).
Comité d’organisation Rémi Barbier (ENGEES), Sara Fernandez (INRAE), Joana Guerrin (INRAE), Carine Heitz (INRAE), Julien Pelet (ENGEES).