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La petite rivière fantôme ne paralysera plus l’Aquitaine

Crédits photos : Les travaux réalisés en mars 2023 ont consisté à aménager un tunnel sous l’autoroute pour faciliter le passage des crues de la Retrève - Crédits photo : Vinci Autoroute @Mitravision

Elle était invisible mais elle est parvenue à bloquer l’autoroute A10 pendant dix jours au nord d’Orléans, en 2016. La Retrève, discrète rivière souterraine, a été canalisée aux prix de coûteux travaux pour passer plus facilement sous l’autoroute élargie.

Dans le Loiret, un petit ruisseau a fait de grandes catastrophes. La Retrève, très discrète rivière souterraine naissant en forêt d’Orléans et s’évanouissant en Beauce, a provoqué le blocage de l’autoroute A10, l’Aquitaine, fin mai 2016. Les images spectaculaires de centaines de voitures et camions les roues dans l’eau, immobilisés face à une autoroute transformée en canal, ont fait l’ouverture des journaux télévisés pendant plusieurs jours. Car l’évacuation de plus de 300 véhicules à l’arrêt forcé, dans les deux sens, a nécessité l’intervention des services de secours et de l’Armée pour prendre en charge les naufragés de l’autoroute, les héberger et les nourrir. L’assèchement de la chaussée, submergée par près d’un mètre cinquante d’eau sur plusieurs kilomètres, a fait tourner des pompes jour et nuit. Ensuite, la remise en état de la voirie a repoussé la réouverture à la circulation au 10 juin, après dix jours de fermeture de l’entrée nord d’Orléans en provenance de Paris. La coupure de l’autoroute a posé de sérieux problèmes d’approvisionnement des plateformes logistiques de la métropole orléanaise qui figure parmi les quatre plus importantes de France.

Trois mois de précipitations en quelques jours

Cet événement exceptionnel, unique depuis la mise en service de l’A 10, résulte de la conjonction de deux facteurs : une pluviométrie record et le sous-dimensionnement du franchissement de la Retrève sous l’autoroute. Le mois de mai 2016 s’est, en effet, caractérisé par un niveau de précipitations inégalé en Ile-de-France et dans le Centre-Val de Loire. Météo France a relevé 175 mm de pluie sur Paris, contre 63 mm en moyenne à la même période, et 178 mm sur Orléans, soit l’équivalent de trois mois de précipitations. Un niveau jamais observé, le précédent record s’établissant à 148 mm en mai 1982.

Gorgés d’eau, les sols ne parvenaient plus à absorber le déluge incessant et tous les cours d’eau débordaient, même la discrète Retrève. Le parcours de cette micro-rivière d’environ 18 km de long est le plus souvent invisible. Elle est qualifiée de rivière intermittente, voire fantôme, car elle ne devient visible à l’air libre que lors de forts événements pluvieux. Cela ne s’est produit qu’à deux reprises au cours des 50 dernières années, dont le fameux printemps 2016.

Supérieure à une pluie centennale

Une étude* du BRGM, dont le siège national est situé à Orléans, a démontré que les crues exceptionnelles de la Retrève n’étaient pas dues à un débordement de la nappe de Beauce mais bien au ruissellement de pluies exceptionnelles sur un sol imbibé et peu perméable. L’intensité des précipitations du 30 mai 2016 étaient, en effet, supérieure à celle d’une pluie centennale, dont la probabilité d’apparition se mesure en siècle. Les anciens avaient bien noté ce phénomène en baptisant le cours d’eau capricieux du nom de Retrève qui signifie en vieux français « l’eau qui remonte ».

En sortant d’un lit dont elle est le plus souvent absente, la Retrève a provoqué de gros dégâts tout au long de son parcours d’est en ouest, au nord d’Orléans. Elle a, en particulier, inondé le site des laboratoires pharmaceutiques Servier situé sur la commune de Gidy, en bordure de la N20 vers Paris. L’usine-village de 64 hectares où travaillent 800 personnes, plus grande unité du groupe, a été fermée temporairement. Le temps de mettre en service des pompes rejetant l’eau excédentaire dans des gouffres naturels reliés à la nappe phréatique, 40 mètres sous terre.

255 millions d’euros de dégâts

Dans les villages qu’elle traverse, Cercottes, Gidy, Bricy, Coinces, Boulay-les-Barres, Huêtre, la Retrève a envahi les maisons et les lotissements. Des centaines de logements ont été dévastés. Plusieurs jours après la catastrophe, en traversant les communes, on pouvait voir de hauts monticules de mobiliers, d’appareils ménagers et d’objets inutilisables attendant d’être transportés vers les déchetteries. Globalement, dans le Loiret, où d’autres rivières sont aussi sorties de leur lit, la Fédération française de l’assurance a recensé 21 000 sinistrés. 255 millions d’euros d’indemnisation ont été versés par les assurances pour ce seul département. En France, une quinzaine de départements ont été touchés par les inondations du printemps 2016. Les dégâts ont été estimés à plus d’un milliard d’euros, classant ces crues au deuxième rang des événements les plus coûteux après la tempête Xynthia de février 2010.

Inscrit dans le plan de relance autoroutier

L’envahissement de l’autoroute A 10 résulte aussi du sous-dimensionnement du dispositif de passage de la Retrève sous la chaussée. Une buse de 1,50 mètre de diamètre avait été posée lors de la création de cette section de l’autoroute en 1973, mais elle n’avait pas la capacité d’absorber un flux aussi volumineux. Le concessionnaire Vinci Autoroute en a tenu compte et a procédé à d’importants travaux qui ont été intégrés au programme du plan de relance autoroutier signé avec l’Etat. Lancé en 2019, ce programme comprend notamment le réaménagement des bifurcations avec l’A71 et l’A19 ainsi que la création d’une quatrième voie dans chaque sens de circulation sur 16 km de façon à supprimer le redouté « point noir » d’Orléans. Les travaux de réaménagement des bifurcations ont été achevés en 2023 et ceux de création de quatrième voie se terminent en 2024.

Un tunnel et des caméras

Le nouveau passage de la Retrève sous l’A10 a, lui, été réalisé en mars 2023. Au préalable, pendant l’été 2022, une zone de compensation a été aménagée en amont de l’autoroute sur un terrain agricole de façon à pouvoir absorber une partie des éventuelles crues. En lieu et place de la buse d’un mètre cinquante de diamètre, c’est un véritable tunnel de quatre mètres de large sur trois mètres de haut que Vinci Autoroute a creusé sous la chaussée. Il est constitué de 45 cadres en béton rivés entre eux et formant un « dalot » étanchéifié. Pour assurer une sécurité supplémentaire, des caméras ont été installées et surveilleront la montée des eaux.

Le nouveau tunnel de la Retrève représente un investissement de trois millions d’euros sur une enveloppe totale de 220 millions d’aménagements de l’A10 à Orléans. En contrepartie, Vinci verra sa concession prolongée jusqu’en 2034, et la Retrève restée sagement dans son lit, espère-t-on !

Cet article vous est proposé par aquagir

aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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