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Bonifacio (2A), pionnière dans la réutilisation des eaux usées

Raréfaction de la ressource, besoins croissants amplifiés par la pression touristique, nécessité de préserver un environnement exceptionnel mais fragile, Bonifacio a pris la mesure des enjeux d’une gestion durable et vertueuse de l’eau. La commune s’est engagée depuis plus de dix ans dans un projet de réutilisation des eaux usées traitées (REUT), qui renouvelle le cycle de l’eau.

La station d’épuration de Puzzu Verdi réhabilitée en 2015 au cœur de la cité des falaises traite ainsi les 240 000 m3 d’eaux usées de la commune, dont la population passe de 3 000 habitants l’hiver à 15 000 en période estivale, grâce à un système de filtration membranaire. La moitié des eaux ainsi traitées est déjà réutilisée pour l’arrosage du Golf de Sperone, l’un des 18 trous les plus célèbres d’Europe.

Bonifacio s’interroge maintenant sur d’autres usages pour des eaux usées traitées à 99,9%. Elle est devenue commune expérimentale pour en diversifier les usages. La palette est large : arrosage des terres agricoles traversées par la canalisation existante, des espaces verts municipaux, hydrocurage des conduites, nettoyage des rues, plan de défense incendie, lavage des bateaux dans le port de plaisance.

A la suite des mesures contenues dans le « Plan eau » et dévoilées en mars 2023, des arrêtés devraient être publiés en décembre qui ouvriront cette nouvelle phase. Bonifacio, qui a organisé les premières rencontres internationales sur la « réutilisation des eaux usées sur le littoral méditerranéen », dispose désormais de la ressource nécessaire : 120 000 m3 en surplus, déjà traités par la station membranaire, et qui ne finiront pas fatalement à la mer.

Entretien avec Jean-Charles Orsucci

Parole de collectivité
Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio depuis 2010 - Crédits photo : Mairie de Bonifacio
Gestion quantitative de la ressource

Ce projet est présenté par :

  • Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio, Premier vice-président de la Communauté de communes du Sud Corse et Secrétaire général adjoint de l’Association nationale des élus des littoraux
L’eau épurée à 99,9% qui sort de la station à filtration membranaire de Bonifacio est d’une meilleure qualité que celle que l’on puise parfois dans les rivières ou les nappes pour remplir les besoins en eau potable d’une population
Jean-Charles Orsucci

Parole de collectivité

Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action

Comment la réutilisation des eaux usées s’est-elle imposée à l’agenda de votre collectivité ?

Dès 2007, le sujet de la réhabilitation de la station d’épuration installée au cœur de la Cité, sous les remparts, mais totalement obsolète, s’est posé. Il s’agissait même d’une obligation. Le traitement des eaux usées par filtration membranaire s’est alors imposé, car nous devions obtenir une qualité d’eau de rejet parfaite. La question du « Où rejeter cette eau ? » est venue naturellement. Plutôt que de la voir partir à la mer, vers ce goulet de Bonifacio qui constitue un environnement fragile et à préserver, l’idée de l’amener vers le Golf de Sperone a fait son chemin.

La commune a revu sa position, renoncé à percer la falaise pour construire un émissaire dans les Bouches de Bonifacio, travaillé avec le département de l’époque, devenu depuis la Collectivité de Corse, et l’Agence de l’eau. La suite n’a pas été simple. On n’en était alors qu’aux prémices de l’économie circulaire. On se devait d’être précautionneux sur les usages des eaux usées ainsi traitées. Mais Bonifacio a pris un coup d’avance sur le sujet. Et très vite, les Bonifaciens ont pu voir le résultat : l’eau du port, qui devenait de piètre qualité, a connu une amélioration fulgurante avec la mise en service de la station membranaire. Aujourd’hui, avec de nouveaux usages pour lesquels nous sommes en passe d’obtenir une autorisation, l’objectif reste le zéro rejet en mer.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet de réutilisation des eaux usées ainsi traitées ?

Les exploitants du golf de Sperone qui avait eu vent d’autres expériences menées dans le pays, nous ont soufflé l’idée. Nous nous sommes inspirés de ce qui est fait sur le golf de Sainte-Maxime.

Est-ce qu’une étude de faisabilité et d’impact a été réalisée sur ce projet ?

Toutes les études possibles et imaginables ont été réalisées, sur l’impact de la station d’épuration membranaire, sur la canalisation à tirer jusqu’au golf, des études de sol en particulier quand on connaît l’environnement naturel exceptionnel de Bonifacio, les Bouches et la fragilité du milieu marin, les falaises de calcaire blanc, l’absence de ressources propres en eau potable…

Mais la célérité avec laquelle le projet a été mené, je la dois à une ministre de la Transition écologique, Ségolène Royal, qui, parfois contre l’avis ou la prudence de services de l’État comme l’ARS, a poussé la solution. Nous avons obtenu les autorisations pour la réutilisation des eaux usées traitées. Les décrets et arrêtés qui ont été pris, sont assortis d’un suivi environnemental très poussé. Nous allons même plus loin que ce qui est prescrit, sur le suivi bactériologique en particulier, ce qui représente un coût de 30 000 € d’analyses par an, un principe pleinement assumé.

Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans un projet de REUT comme le vôtre ?

Outre l’environnement technique pour lequel un bureau d’études spécialisé nous a accompagné, c’est sur la capacité de convaincre de l’utilité, et de la nécessité d’un tel projet qu’il faut insister. Il y a toujours ceux qui, près de dix ans après, se demandent s’il est normal que de l’argent public permette la mise en place d’un système de distribution d’eau sur un golf privé ? C’est un sujet classique que de futures utilisations des eaux retraitées suffiront à dissiper. Mais la réalité impose une autre réflexion. On avait donné à ce golf l’autorisation de puiser dans un barrage public, le lac de l’Ospedale qui est le réservoir en eau potable de toute une région où l’eau est un bien rare et précieux. Je prétends que dans une gestion intelligente de la ressource, une installation de cette nature qui est grosse consommatrice d’eau, devient un partenaire obligatoire pour un projet de réutilisation des eaux usées traitées. L’Office hydraulique qui assure la distribution de l’eau au golf, l’a compris. Il fait face, avec d’autres, à la raréfaction de la ressource. Il a ainsi fallu convaincre des partenaires publics, les services de l’État en premier lieu dont l’Agence Régionale de Santé, qui depuis l’affaire du sang contaminé ou le passage de la Tempête Xynthia, appliquent un principe de précaution poussé au maximum. L’autre point sensible a concerné le foncier si prégnant à Bonifacio, comme sur l’ensemble de la Corse, quand il s’agit de faire passer des conduites par des espaces privés. Enfin, il s’agissait de fournir un business-plan solide pour démontrer qu’en matière de coûts d’investissement et d’exploitation, l’affaire était jouable, afin d’obtenir la validation finale de la puissance publique.

Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

Ce que regardent nos administrés, ce n’est pas l’opportunité ou non d’un tel projet, mais les répercussions qu’il peut avoir sur leur santé, et sur leurs finances. La REUT n’a eu aucune incidence négative sur le prix de l’eau à Bonifacio. Et s’agissant d’une eau épurée à 99,9% à la sortie de la station, c’est-à-dire d’une meilleure qualité que celle que l’on puise parfois dans les rivières ou les nappes, elle ne représente aucun danger pour leur santé. Y compris quand il s’agira demain de se lancer dans de nouveaux usages : arroser les surfaces agricoles, les espaces verts de la commune, « hydrocurer » les conduites, nettoyer les rues, assurer le lavage des bateaux du port de plaisance. Sur ces nouveaux usages, nous avons ouvert un cycle de discussions, une étude d’acceptabilité sociale. Et la perspective est bien reçue parmi la population, les agriculteurs, les professionnels de la plaisance.

L’attention s’est aussi portée sur le modèle économique mis en œuvre. Si je n’avais pas obtenu les financements de l’État et des collectivités locales sur ce projet, je ne me serais pas lancé dans cette expérimentation.

Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées et obtenues ?

Le projet a été financé à 90% sur des aides de l’Agence de l’eau et de la Collectivité de Corse, à parts égales. Le projet d’études sur les nouvelles opportunités est financé à 80 % par l’État et la Collectivité de Corse.

Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la commune de Bonifacio dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

L’Office hydraulique de la Corse a été à nos côtés. Notre fermier, Kyrnolia, a été un facilitateur. Le Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, l’État à travers la police de l’eau qu’il exerce et l’Agence régionale de santé nous ont également accompagné.

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Le projet en détails

Dates clés

2010

Premières réflexions sur le traitement des eaux usées de la ville de Bonifacio et leur réutilisation

2014

La station d’épuration de Puzzu Verdi réhabilitée peut traiter l’équivalent de 15 000 h/jour

2019

Le plan ReUse (Réutilisation des eaux usées) permet l’arrosage du Golf de Sperone

2024

Expérimentation de nouveaux usages pour les eaux usées traitées.L'usine de potabilité sera mise en service en Mai 2025

Chiffres clés

9,8 millions d’€

Coût de la réhabilitation d’une station d’épuration à filtration membranaire d’une capacité de 15 000 équivalent-habitants

2,34 millions d’€

Coût de la création de la canalisation vers le golf de Sperone

240 000 m3

eaux usées traitées

120 000 m3

d'eaux réutilisés dans le cadre de l’arrosage et du fonctionnement du Golf de Sperone

5,7 millions d’€

Coût de la création d’une usine de potabilisation de l’eau

Résultats

  • Bonifacio est dans l'anticipation de ce qu'on appelle, avec des contours très vastes, le changement climatique.

À retenir

La réutilisation s’inscrit dans un projet plus global, où on essaie d'expliquer aux Bonifaciens qu'il faut faire attention à la ressource, utiliser moins d'eau, et où la commune montre la voie en choisissant, par exemple, des plantes endémiques, moins consommatrices en eau, pour ses aménagements paysagers. Une collectivité publique a ce devoir d’exemplarité, et d'avoir toujours un temps d’avance.

On voit bien qu'il y a des tensions hydriques. On en a connu à Bonifacio. Je suis maire depuis 16 ans, j’ai eu à prendre des arrêtés pour interdire l'usage de l'eau pendant l'été, pas seulement pour le lavage des bateaux, mais pour des restrictions qui affectent les services à la population. Notre objectif, c'est de ne plus arriver à cette situation où la seule réponse qu'on peut donner, c'est l'interdiction ou la sanction. En tant qu'élu local, je considère que c’est une situation d'échec.

Aujourd’hui encore, sur la réflexion et l’instruction autour de nouveaux usages, on nous dit qu’il y a un risque de retrouver des traces d’antibiotiques dans les plantes arrosées avec les eaux retraitées qui, ici sont épurées à 99,9%. Je comprends la mission de protection de la santé publique, mais l’ARS n’est pas toujours un facilitateur. S’y rajoute la psychologie humaine qui a du mal à accepter l'idée que de l'eau qui arrive des toilettes puisse être réutilisée à des fins d'irrigation, de nettoyage, etc… Ne parlons pas de la consommation au robinet. Il y a ensuite l'obstacle financier pour les communes, parce les financements publics ne se trouvent pas en se baissant. Je suis convaincu que sans l’intervention de Ségolène Royal, nous n’en serions pas là.

Ressources

Mairie de Bonifacio : Bonifacio, pionnière de la REUT

La station d’épuration de Bonifacio, une première en Corse

France Bleu : Bonifaziu, seule commune de Corse à réutiliser ses eaux usées

Bonifaziu est la seule commune de Corse équipée d'une station membranaire d'épuration ; il en existe seulement 80 en France.

Les partenaires de ce projet

Agence de l'eau Rhône-méditerranée-corse

Agence de l'eau Rhone-Méditerranée-Corse

Collectivité de Corse

Collectivité de Corse

OEHC

L'Office hydraulique de la Corse

Les-agences-regionales-de-sante-ARS_

Agence Régionale de Santé

Kyrnolia

Kyrnolia

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habitants

3 200

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