Souligné-sous-Ballon (72) a levé le risque inondations

Comment la prévention des inondations s’est-elle imposée à l’agenda de votre collectivité ?

La commune n’avait jamais connu d’inondation, ni de mémoire d’habitants, ni dans les archives. En juin 2018, un orage s’est abattu pendant deux heures. L’eau n’a pas eu le temps de s’infiltrer. La route départementale a collecté les eaux de ruissellement depuis les parcelles agricoles et les a conduites jusqu’au village, situé dans une cuvette. L’exutoire n’était pas calibré pour recevoir autant d’eau. L’eau du ruisseau situé en contrebas du village est montée de 1,40 m en une heure.

Résultat : 150 habitations inondées. Le grand beau temps qui a suivi a permis aux habitants, aidés par un élan général de solidarité, de se lancer dans un grand nettoyage. Deux jours plus tard, deuxième coup de massue : un nouvel orage et une nouvelle montée des eaux à 1,40 m. Il a fallu reloger des habitants. Nous avons monté une cellule de crise pour les accompagner dans leurs démarches administratives. Les employés municipaux ont reçu le soutien des communes environnantes. Très vite, le bourg a retrouvé une allure présentable. Mais certaines personnes ont dû attendre un an pour regagner leur maison. Dès la fin 2018, nous avons engagé une étude pour comprendre ce qui s’était passé. Les conclusions ont été rendues un an plus tard.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?

L’étude hydrologique et hydraulique a identifié plusieurs facteurs aggravant le déversement rapide d’une telle quantité d’eau dans le village :

• un manque d’aménagements pour gérer le ruissellement le long de la départementale :
• une hausse du niveau de la route par la superposition des enrobés au fil des ans, d’où une chaussée plus haute que les seuils des habitations ;
• un cours d’eau trop creusé ou contraint à certains endroits, ce qui accélère sa vitesse d’écoulement ;
• une perte du maillage bocager avec un profil agricole qui a beaucoup changé ces dernières décennies : l’élevage a fait place à de grandes cultures et les haies ont été arrachées ;
• la chaussée du moulin a créé un obstacle et détourné les eaux ;
• notre commune est de plus en plus urbanisée et imperméabilisée, ce qui accroit le ruissellement vers les points bas.

Nous avons mis des mesures de prévention en face de chaque facteur aggravant le risque d’inondation.

Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?

Beaucoup de partenaires se sont engagés à nos côtés et ont conduit les études nécessaires sur leur champ d’action.

Ainsi, le département de la Sarthe a réalisé les études et travaux pour des aménagements d’ouvrages. En 2022, des aménagement ont été créés de part et d’autre de la départementale pour dévier l’eau des fossés vers les terres agricoles. Au printemps 2023, le dimensionnement du pont a été revu pour augmenter la capacité d’écoulement de 1 à 2 m³ par seconde.

En amont du village, le syndicat d’aménagement et d’entretien du bassin de l’Orne Saosnoise a renaturé près de 2 km de linéaire de l’Aunay entre 2021 et 2022. Cela ralentit son écoulement et rend possible son expansion sur des parcelles agricoles, en accord avec les exploitants. Au cœur du village, pour découvrir la partie souterraine du cours d’eau et lui donner une zone d’expansion, nous avons acheté puis rasé 3 maisons. Une partie du cours d’eau reste canalisée sous la voirie mais le dimensionnement a été revu.

Un inventaire complet des haies a été réalisé en 4 à 5 jours en partenariat avec la Chambre d’agriculture et des associations de randonneurs.

Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?

Nous faisons le constat qu’il faut aborder la rivière différemment. Autrefois, nous avons vu le curage comme une solution pour lutter contre les inondations. Aujourd’hui, nous avons le recul sur les dégâts engendrés par une telle pratique. Nous avons aussi révisé le PLU afin de protéger les haies qui freinent l’eau et retiennent les sols. Là où cinq maisons ont été rasées, nous avons classé le secteur non habitable. C’est devenu un espace vert où nous avons installé un kiosque avec un repère de crues et des panneaux rappelant l’événement. Il est essentiel de garder une mémoire collective. Cela participe à la connaissance du risque.

Désormais, les élus sont préparés à faire face à une crise, avec le plan communal de sauvegarde mis en place en 2019. Il recense les risques, les réponses adaptées et les protocoles à suivre : la liste du matériel mobilisable sur la commune, les solutions de relogement… Ce document a été réalisé en collaboration avec l’IUT Hygiène et Sécurité de Tulle. Toutes les communes devraient lancer ce travail, c’est une aide précieuse pour réagir vite en cas de crise.

Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

Cet événement a créé un traumatisme collectif. Mais il a aussi aidé les habitants à intégrer l’idée du risque et facilité la mise en place de solutions. Parfois, cela demande de la pédagogie. Certains nous parlaient du curage qui n’a pas été réalisé. Les agents du syndicat de bassin versant ont multiplié les rencontres avec les habitants. Les travaux de renaturation du cours d’eau nécessitaient la coopération des agriculteurs, qui n’ont eu aucune réticence. L’intervention s’est faite dans les parcelles en respectant les cultures.

Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?

Les travaux ont été financés par :

• Fonds d’urgence inondations Région : 27 830€
• Département : 120 000€ pour le pont et 46 988€ pour les enrobés
• Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) dit fonds Barnier : 144 000€
• Fonds d’Etat (DETR) : 35 610€
• Syndicat du bassin de l’Orne Saosnoise : 26 215€ (subventionnés à 76% par la région) et 191 853€ (subventionnés à 60% par l’agence de l’eau et 20% par la Région)
• Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable (travaux sur canalisation aux abords du pont) : 25 000€
• Financement commune de Souligné-sous-Ballon : 52 167€ (dont 5 457€ d’aide de la Région – aide Territoire engagé pour la Nature)

C’était le premier dossier de ce type conduit par la DDT de la Sarthe. Nous avons obtenu une prise en charge de 100 %.

Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

Nous avons été bien soutenus par le Département de la Sarthe et la DDT.