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Le retrait-gonflement des argiles : une menace pour nos habitations

Cet article a été rédigé par Mylène Ries

Crédits photos : Maison affectée par le Retrait-Gonflement des Argiles en Côte d’Or suite à la sécheresse de 2018. Travaux (agrafes + micropieux) réalisés en 2025 - Banque des Territoires

Alors que les épisodes météorologiques deviennent à la fois plus intenses et plus fréquents, un phénomène géologique gagne en ampleur : le retrait-gonflement des argiles (RGA).
Discret mais dévastateur, ce phénomène est basé sur la capacité des argiles à capter et relarguer l’eau à la manière d’une éponge. Les sols argileux se gonflent et se rétractent au gré des précipitations, impactant les constructions qui subissent, mois après mois, ces lents mouvements de terrain.

Ce phénomène est devenu l’un des premiers risques naturels en France : sur les 20 principales catastrophes naturelles depuis 1989, 12 d’entre elles sont liées à la sécheresse dont 5 des 6 premières (1). Plus de 10 millions de maisons individuelles et près de 50% du territoire hexagonal sont situés en zone d’exposition moyenne ou forte au retrait-gonflement des argiles.

Conséquence : le coût des sinistres associés explose. La sécheresse de l’année 2022 a été estimée à plus de 3 milliards € (pour les sinistres assurés), un record depuis la création du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Or, avec le réchauffement climatique et les modifications associées du cycle des précipitations, ce phénomène va devenir une préoccupation majeure, non seulement pour les assureurs mais également pour les propriétaires… et les collectivités. Car loin de se limiter qu’aux maisons individuelles, ce phénomène touche également les infrastructures publiques et impacte l’ensemble de nos vies quotidiennes. Comprendre ce processus et ses impacts est donc essentiel pour protéger nos bâtiments et prévenir les désordres structurels : focus sur ce risque majeur lié au cycle de l’eau.

Un phénomène géologique lié à la nature même des argiles

Ce que l’on nomme « retrait-gonflement des argiles » est un mouvement de sol provoqué par les variations de teneur en eau des sols argileux. En effet, les argiles ont la capacité de gonfler lorsqu’elles sont humides, puis de se contracter lorsqu’elles s’assèchent. Ainsi, lorsque la teneur en eau augmente, on assiste à une augmentation du volume du sol (gonflement des argiles), ce qui exerce une pression sur les fondations des bâtiments. Au contraire, une baisse de la teneur en eau provoquera un phénomène inverse de rétractation (retrait des argiles) créant affaissements et fissures dans le sol.
A la variation de volume s’ajoute une variation de consistance : humide, un sol argileux sera souple et malléable, tandis que ce même sol, desséché, sera dur et cassant. En effet, l’eau est le liant des sols argileux : en son absence, sa structure s’en trouve modifiée et, dans les cas les plus extrêmes, affectée de manière irréversible. Ce mouvement cyclique de retrait-gonflement peut sembler anodin, mais ces lents mouvements de terrain et modifications de structure sont redoutables pour les fondations peu profondes : les murs se fissurent, les huisseries se déforment… parfois irrémédiablement.

Un phénomène aggravé par le réchauffement climatique

Au-delà de l’augmentation des températures, le changement climatique modifie profondément le régime des précipitations. Météo France prévoit à l’horizon 2100 à la fois un renforcement des pluies intenses (+15 % en moyenne) mais également une augmentation des sécheresses (la France connaîtrait en 2100 un mois supplémentaire de sol sec au nord et jusqu’à deux mois au sud). Ainsi une sécheresse comme celle de 2022 deviendrait la norme en été en 2100.
Or le phénomène de retrait et gonflement des argiles s’intensifie naturellement avec l’amplification des variations des précipitations. Des sécheresses plus longues et plus intenses engendreront une dessiccation plus profonde, un tassement et une modification de structure de l’argile plus importante, et pourront donc affecter à l’avenir des constructions pour le moment encore épargnées… Il faut ainsi s’attendre à une augmentation des aléas et de la vulnérabilité du bâti… et à un effet cumulatif des désordres. Tout ceci conduira à une sinistralité plus lourde : un nombre de sinistres en forte hausse, des dommages plus conséquents et donc des travaux de confortement associés plus coûteux.

Un impact économique et social en forte augmentation

Cela interroge la soutenabilité du modèle assurantiel actuel. Pour anticiper ces problématiques, la Fédération Française des Assureurs a étudié l’impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2050. Leur étude conclut à une très forte hausse du péril sécheresse, avec un triplement des coûts qui atteindraient 43 milliards d’euros en 2050 contre 13,8 milliards d’euros par an en moyenne entre 1989 et 2019. L’étude s’arrête à ce constat et ne précise pas l’impact de cette hausse sur les primes d’assurance et, de manière plus large encore, sur l’assurabilité des biens.

Mais le retrait-gonflement des argiles est également un enjeu social fort. Pour les propriétaires, l’impact psychologique induit par la dégradation de leur habitat n’est pas à négliger, même si moins visible que l’impact matériel. Car ce n’est pas uniquement leur maison qui se fissure, c’est toute leur vie quotidienne qui s’écroule, et souvent tout leur patrimoine qui est remis en cause. Et les sinistrés sont souvent démunis face aux conséquences des dégradations (déperditions thermiques, murs gravement détériorés et étayés, ouvrants déformés et inopérants, infiltrations, …), mais également face au coût des travaux et aux longues procédures à effectuer pour être indemnisés.

Vulnérabilité particulière de l’habitat individuel

La construction sinistrée caractéristique est une habitation individuelle, de plain-pied, avec une présence d’arbres à proximité. En effet, les maisons individuelles, aux fondations superficielles et à la structure légère, sont plus vulnérables au phénomène de retrait-gonflement des argiles que les immeubles de logements collectifs.

Plusieurs facteurs aggravants sont à noter : les maisons dont les fondations présentent des différences d’ancrage (construites sur des terrains en pente ou sur un sous-sol partiel) et la présence de végétation dense ou d’arbres à proximité. En effet une évapotranspiration importante favorise une dessication du sol plus rapide et plus profonde en été, les racines puisant parfois l’eau à plusieurs dizaines de mètres.

De même, des problèmes d’humidité excessive du sol peuvent amplifier les effets du retrait-gonflement des argiles : que ce soit des fuites de canalisations, un problème de drainage des fondations ou la présence d’une nappe phréatique à faible profondeur.

Vulnérabilité des infrastructures routières et publiques

Cependant, les effets du phénomène de retrait-gonflement des argiles ne se limitent pas seulement aux maisons individuelles. Les infrastructures routières y sont également vulnérables et les déformations peuvent être importantes (fissures, affaissements, ornières, …) ce qui constitue un danger pour la sécurité des usagers. Même s’il est difficile aujourd’hui d’avoir des chiffres sur l’exposition du réseau routier au risque RGA , plusieurs régions françaises ont connu des routes gravement endommagées par ces phénomènes. Mais au-delà des infrastructures routières, c’est l’ensemble du bâti public et des réseaux (réseau d’eau potable et d’assainissement, canalisations diverses) qui peuvent être gravement affectés par les mouvements de sol liés au retrait-gonflement des argiles.

Prévention et réduction de la vulnérabilité

Ainsi pour l’État, comme pour les propriétaires et les compagnies d’assurance, il est essentiel d’améliorer la prise en compte de ce phénomène et de prévenir les risques. A la construction, deux axes principaux sont actuellement mis en œuvre :

  • Une meilleure connaissance des zones exposées : avec notamment une cartographie réalisée par le BRGM mais également, dans les secteurs à risque modéré et fort, l’obligation légale de réaliser une étude de sol pour vendre un terrain à bâtir ou pour construire.
  • Une évolution des techniques de construction : fondations renforcées, drainage et imperméabilisation de la zone périphérique, chainages rigidifiants, canalisations en matériaux souples, …

Au-delà de la construction du bâtiment, agir sur l’environnement proche de l’habitation peut permettre de prévenir les dommages à moindre coût en y limitant les variations d’humidité. Il s’agit de solutions dites « horizontales » peu invasives pour le bâti telles que : le retrait de la végétation ou la pose d’écrans anti-racines, la collecte et l’évacuation effective des eaux de toiture et la vérification de l’étanchéité des réseaux.

 

Solutions mises en œuvre en cas de sinistre

En cas de sinistre, les solutions apportées sont souvent « verticales » car elles agissent sur la reprise des fondations et de l’ancrage du bâtiment :

  • Renforcement de la structure : création d’un chainage pour améliorer la résistance du bâtiment aux futures déformations et limiter l’ouverture des fissures existantes.
  • Reprise en sous-œuvre : renforcement des fondations existantes notamment à travers de la mise en place de micro-pieux et de longrines (poutres en béton armé).
  • Injection de résine : injection dans le sol d’une résine synthétique qui se dilate et durcit rapidement. Cette expansion comble les vides et corrige certains tassements.

En en sus un traitement des fissures est effectué par pose d’agrafes métalliques ou via l’injection de résine époxy.

De nouvelles solutions à l’étude

Ces travaux peuvent être cependant coûteux et lourds. C’est pourquoi, plusieurs initiatives sont en cours pour affiner la connaissance des techniques et développer des solutions alternatives aux techniques de réparation classiques. Le CEREMA expérimente actuellement une nouvelle solution appelée « MACH » (MAison Confortée par Humidification) qui consiste à maintenir constant le niveau d’humidité du sol aux abords des fondations du bâtiment. Le principe ? réhydrater le sol lors d’une sécheresse en utilisant les eaux de pluie récupérées et stockées pendant la période humide.

Ce dispositif, relativement simple et peu coûteux, permet de stabiliser des dommages de faible ampleur mais pourrait également agir en prévention. En effet, les premiers résultats ont validé la pertinence de cette solution tant en termes de stabilisation des fissures existantes qu’en termes d’absence d’apparition de nouvelles fissures… Un espoir donc de limiter le risque lié à ce phénomène dévastateur.

 

 

(1)Rapport « RGA N’attendons pas que ce soit la cata ! » Mission du député Vincent Ledoux ; 20231019_Rapport_Ledoux_RGA_.pdf
(2)Portail Géorisques ; Retrait-gonflement des argiles | Géorisques
(3)Portail Géorisques ; Retrait-gonflement des argiles | Géorisques
(4)Météo France ; Le climat futur en France : à quoi s’adapter ? | Météo-France
(5)Rapport France Assureurs « Impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2050 » ; https://www.franceassureurs.fr/wp-content/uploads/2022/09/vf_france-assureurs_impact-du-changement-climatique-2050.pdf
(6)Rapport « RGA N’attendons pas que ce soit la cata ! » Mission du député Vincent Ledoux ; 20231019_Rapport_Ledoux_RGA_.pdf
(7)CEREMA « Introduction du phénomène de RGA et ses conséquences sur les routes » Présentation PowerPoint
(8)BRGM, Visualiseur InfoTerre
(9)Gouvernement Français, Fiche « Construire en terrain argileux : la réglementation et les bonnes pratiques » Mise en page 1
(10)CEREMA, Phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) : définitions, impacts sur les ouvrages et les personnes et solutions d’adaptation au changement climatique | Cerema

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aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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Pour aller plus loin sur le retrait-gonflement des argiles

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