La nature comme alliée pour prévenir les inondations en Pays fléchois (72)

Comment ces projets de prévention des inondations se sont-ils imposés à l’agenda de la communauté de communes du Pays fléchois ?

Jean-Claude Boiziau : La lutte contre les inondations constitue un axe prioritaire depuis plusieurs années sur le Pays fléchois, avant même la prise de compétence puis le vote de la taxe GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et protection contre les inondations) en 2018. Les aménagements sur le Cherruau s’inscrivent dans un projet plus large de restauration écologique. Ils répondent à un risque avéré d’inondation, source d’inquiétude pour les citoyens, d’autant plus que le ruisseau se jette dans la Faucillette, en cœur de ville de La Flèche.

Camille Janvier : Le Cherruau était sur-creusé et recalibré suivant un tracé rectiligne. Nous avons donc réfléchi à plusieurs dispositifs en parallèle des travaux écologiques, afin de lutter contre les inondations et protéger les habitations riveraines. Le reméandrage permet à la fois de rétablir le fonctionnement naturel du cours d’eau et de ralentir l’écoulement de l’eau. L’aménagement comprend également une zone de débordement et des merlons. À Mareil-sur-loir, les élus nous ont sollicités parce qu’ils étaient confrontés à un problème d’érosion et de ruissellement dans un ancien chemin creux, entraînant des inondations en contre-bas. Nous avons proposé la réalisation de fascines et de paliers pour créer une zone tampon et ralentir l’écoulement des eaux et sédiments.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour élaborer vos solutions de prévention des inondations ?

Camille Janvier : La communauté de communes du Pays fléchois réunit régulièrement ses partenaires techniques pour valider les orientations de travaux. Ces échanges ont permis d’identifier différents dispositifs de lutte contre les inondations et des retours d’expériences sur des sites similaires, notamment rapportés par l’Office Français de la Biodiversité.

Les relations nouées avec les riverains et d’anciens élus apportent une connaissance précieuse du terrain et de l’historique des cours d’eau. Dans le cas du Cherruau, ces discussions nous ont aidés à comprendre le fonctionnement du ruisseau avant rectification. À Mareil-sur-Loir, l’idée des fascines est venue du monde agricole, car ce sont des méthodes utilisées pour lutter contre l’érosion dans les champs. Notre innovation est de reprendre ce principe dans un chemin creux.

Jean-Claude Boiziau : ces deux projets ont été réfléchis en interne, dans une approche globale et en impliquant les services et les élus pour développer des solutions fondées sur la nature et des dispositifs anti-érosion innovants. Sur les deux sites, nous avons réutilisé des matériaux sur place, en récupérant les branchages sur les fascines et les remblais pour les merlons, ce qui permet de minimiser à la fois l’impact sur le terrain et sur le plan financier.

Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?

Camille Janvier : Une étude diagnostic du territoire a été conduite dans le cadre de la prise de compétence GEMAPI. Ensuite, des études préalables par bassin versant ont amené à définir les grands principes et prioriser les travaux en fonction des sections et des sites. Ces études offrent une vision à long terme, avec une planification jusqu’en 2031.

Par ailleurs, sur tous nos projets nous réalisons des suivis morphologiques et biologiques avant et après travaux. Les suivis faune-flore  et biologiques sont externalisés et nous réalisons en interne les suivis morphologiques. Avant les travaux, les suivis permettent d’identifier d’éventuels habitats ou espèces à enjeu. Ils sont pris en compte pour dimensionner les projets et organiser la phase de chantier. Après les travaux, les suivis permettent de mesurer l’efficacité des projets et l’évolution écologique du site après travaux.

Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?

Jean-Claude Boiziau : l’équipe technique réalise une partie des études mais elle suit aussi les études et travaux des prestataires. Elle oriente la mise en œuvre en fonction des objectifs de la collectivité et apporte sa connaissance du terrain aux entreprises.

Camille Janvier : De nombreuses compétences sont mobilisées concernant la restauration morphologique des cours d’eau, en phase de conception et de mise en œuvre, ainsi que la compréhension du fonctionnement des milieux aquatiques et humides. Il est également nécessaire de bien maîtriser la logique de bassin versant pour une bonne intégration des projets dans une approche cohérente à l’échelle territoriale. Ces projets requièrent également un savoir-faire en matière d’animation et de concertation.

Le projet sur le Cherruau s’est appuyé sur plusieurs services de la communauté de communes, en particulier le service patrimoine naturel, le bureau de dessin, les espaces naturels de la ville pour l’entretien et les travaux, le service voirie et enfin le service communication de la Flèche, pour l’information des riverains et du grand public. Le CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement Vallées de la Sarthe et du Loir) nous a apporté son expertise en écologie et biodiversité.

Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

Jean-Claude Boiziau : La communication est essentielle pour que les habitants s’approprient les réalisations mais en comprennent aussi les difficultés et limites. Le cas de Mareil-sur-Loir est particulier car nous avons été sollicités par les élus. Le maire a témoigné de l’efficacité de ce nouveau dispositif lors d’une réunion sur site au printemps 2025. Pour le Cherruau, situé en pleine ville, nous communiquons vers les riverains sur la renaturation du ruisseau et sur la prévention des crues.

Camille Janvier : Nous avons organisé des réunions publiques et diffusé des informations régulières dans les boîtes aux lettres ainsi que via les réseaux sociaux et journaux. Des panneaux sensibilisent aux enjeux écologiques sur le site. Les échanges avec les habitants ont pu faire évoluer le projet, par exemple la création d’un merlon après une réunion publique. Le site du Cherruau constitue une vitrine à la fois par sa situation en cœur de ville, mais aussi parce qu’il rassemble une large palette de solutions de prévention des inondations.

Concernant le dimensionnement, nous avons sollicité l’appui technique de nos partenaires, en particulier l’Office Français de la Biodiversité et la Direction Départementale des Territoires.

Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?

Les budgets des deux projets sont les suivants :

• Travaux sur le site du Cherruau à La Flèche : 34 762 € hors taxe
• Travaux de Mareil-sur-Loir : 10 475 € hors taxe

Les deux projets ont bénéficié de financements dans le cadre du Contrat Territorial Eau Loir Aval 2022-2024 :

• de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne à hauteur de 50% des montants éligibles
• de la Région Pays de la Loire à hauteur de 30%

La réalisation des fascines à Mareil-sur-Loir a bénéficié d’un soutien spécifique de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne en raison de son caractère innovant, expérimental et préventif en lien avec les enjeux d’érosion.

Le plan de financement est complété par la communauté de communes du Pays fléchois à hauteur de 20%, via la taxe GEMAPI. Le montage financier a donc permis de limiter l’impact budgétaire pour la collectivité.

Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la communauté de communes du Pays fléchois dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

L’élaboration et le travail d’ingénierie ont été menés en interne par les services, des relevés topographiques au dimensionnement des aménagements.

Les travaux ont été réalisés par des prestataires locaux :

• Travaux à Mareil-sur-Loir : AUBEL Environnement (La Chapelle d’Aligné)
• Travaux sur le Cherruau : Luc DURAND TP (Longué-Jumelles)

La valorisation au public du site du Cherruau s’inscrit dans le dispositif Territoire Engagé pour la Nature, porté par la Région Pays de la Loire, avec l’appui de partenaires institutionnels (département, AELB, OFB et préfecture de région/DDT). La communauté de communes s’appuie également sur ses partenaires techniques : Établissement Public Loire, Fédération de pêche et associations locales, CPIE.