Epuration des eaux usées : le pouvoir des roseaux (80)
A Canaples et Halloy-lès-Pernois (80), les habitants ne disposaient pas de l’assainissement collectif. Pour y remédier, les deux villages ont lancé la construction d’une station d’épuration mise en fonction en 2021. Ce système de filtration par les plantes est adapté aux petites communes. Subventionné par l’Etat et l’Agence de l’Eau Artois-Picardie à hauteur de 60%, ce chantier d’assainissement collectif va coûter près de 6 millions d’euros pour les deux communes. Il a nécessité d’augmenter le prix de l’eau auprès des habitants, consultés en amont de ce gros projet.
Entretien avec Marcel Poisson, maire de Canaples (80)
Le projet est porté par :
- Marcel Poisson est maire de Canaples, une commune de 707 habitants située dans le département de la Somme
Marcel Poisson
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet de la construction d’une station d’épuration s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Tout est parti d’un contrôle de nos installations sanitaires mené par le SPANC (Service public d’assainissement non collectif) vers 2010 avec notre Communauté de communes Nièvre et Somme. Ce contrôle a révélé que 86% des installations d’assainissement de Canaples et des communes voisines de Pernoy, Havernas et Halloy-les-Pernois étaient non-conformes. Nous n’avions pas de réseau d’assainissement collectif et les eaux usées étaient traitées de façon très anarchique. Certaines maisons disposaient de micro-stations de traitement, d’autres faisaient de l’épandage. Une bonne partie de ces eaux usées se retrouvait dans les rivières qui traversent nos communes.
En 2012, le conseil municipal a donc acté la nécessité de créer un réseau d’assainissement collectif. L’idée a émergé de construire une station d’épuration par lagunage.
Ce projet coûteux aurait dû être financé par les quatre communes. Finalement, seules Canaples et Halloy-lès-Pernois se sont lancées. C’est Canaples qui a géré l’ensemble des dépenses en ouvrant une ligne de trésorerie dédiée, sur laquelle Halloy-lès-Pernois a effectué des virements de crédits.
Ces travaux sont à la charge des propriétaires, aidés par l’Agence de l’eau à hauteur de 1 300,00 € maximum pour un raccordement simple et 3 600,00 € maxi pour un raccordement complexe.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour réaliser ce projet ?
Nous sommes allés voir nos voisins de Fienvillers, qui avaient mis en service en 2017 une station d’épuration par filtre planté de roseaux. Les eaux usées passent dans différents bassins remplis de graviers où sont installés des végétaux filtrants tels que les roseaux. Ceux-ci développent un système de racines qui favorise le développement de bactéries qui vont épurer l’eau. Cette dernière est ensuite rejetée dans la rivière.
La méthode du lagunage s’est imposée car elle pertinente pour des populations restreintes. Par ailleurs, c’est un système moins coûteux, pour la construction comme pour l’entretien. Il suffit de nettoyer régulièrement les mauvaises herbes et d’assurer l’alimentation électrique des pompes qui envoient l’eau d’un bassin à un autre.
Nous avons acheté un terrain privé à la limite de Canaples et de Halloy-lès-Pernois pour lancer en 2020 le creusement et l’aménagement de cette station d’épuration. Celle-ci possède actuellement des capacités de traitement pour 1 300 habitants.
En parallèle, il a fallu créer le réseau d’assainissement dans chaque rue de nos deux communes. C’était une prouesse technique car ici, l’eau affleure et cela ne facilite pas les travaux. Mi 2023, l’intégralité du réseau était posé à Halloy (145 maisons) et il restait un quart du travail à mener à Canaples (250 maisons).
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Une première étude assez succincte sur la faisabilité du projet a été menée par l’EPTB Somme-AMEVA. Celui-ci apporte aux collectivités une assistance technique, juridique et administrative sur les projets de protection et de gestion de l’eau. Ensuite la société d’ingénierie Sogeti, qui travaillait pour notre Communauté de communes Nièvre et Somme, a conduit des études plus poussées pour estimer la faisabilité technique et économique du projet.
Le cabinet d’études IRH qui est devenu notre maître d’œuvre a également réalisé une étude financière pour évaluer la répercussion des travaux sur le prix de l’eau.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
La réglementation, l’hydraulique, la conduite d’opérations et la programmation technique. Les compétences techniques et le volet économique ont nécessité l’intervention d’un cabinet d’études pour le suivi des travaux ainsi que l’Agence de l’Eau Artois-Picardie pour des conseils plus particuliers.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
En 2012, nous avons effectué un sondage auprès des habitants, en leur présentant le coût moyen de l’assainissement individuel, celui de l’assainissement collectif et l’importance que ces travaux auraient sur le cadre de vie. Trois rivières traversent Canaples, elles font partie du paysage et les gens y sont sensibles. 70% des habitants se sont déclarés favorables à l’assainissement collectif. C’est ce qui nous a décidés à entamer les études. Les premières ont été lancées en 2012 et il y a eu une enquête publique en 2015.
Les travaux ont été réalisés sur plusieurs années à partir de 2019. Pour chaque tranche, nous avons organisé des réunions publiques avec les entreprises. Les raccordements au réseau collectif ont été étudiés maison par maison. Pour certaines, situées en contrebas du village, il a fallu installer des pompes de relevage.
Ces raccordements ont coûté entre 300€ et 6 000€ selon leur complexité. Ils sont à la charge des habitants mais avec des aides de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie. Il leur faut pour cela produire un certificat de conformité établi par un organisme indépendant. C’est la mairie qui se charge de monter les dossiers et de reverser aux habitants la subvention.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Pour Canaples, la création du réseau communal et le cofinancement de la station d’épuration a coûté 4 millions d’euros. Nous avons été aidés à hauteur de 60% par l’Agence de l’Eau Artois-Picardie (jusqu’à 40% du coût global HT) et l’Etat via la DETR (Dotation d’équipements des territoires ruraux). Celle-ci détermine un plafond de 900 000€ par tranche. Cela nous a conduits à étaler les travaux sur plusieurs tranches, pour obtenir plus de financements.
Deux emprunts de 400 000€ nous ont permis de financer les 40% restant à la charge de la commune. C’est une belle somme, mais ce réseau d’assainissement est là pour plusieurs générations. Il nous a fallu par ailleurs augmenter le prix de l’eau pour ce nouveau service et son entretien. L’eau est désormais facturée à 7€ le m3, contre 5€ en moyenne dans le département de la Somme.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné votre commune dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
La société IRH Ingénieur Conseil (62) a assuré la maîtrise d’œuvre, veillant à l’exécution des travaux, au respect des délais et du budget. Les travaux ont été menés par les sociétés Eiffage et Sturno (76) qui est spécialisée dans les travaux de bâtiments et génie civil en milieu humide.
Nous avons également une entreprise, La Saur, qui effectue l’entretien de la station d’épuration et une astreinte sur le réseau d’assainissement.
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Le projet en détails
Dates clés
2012
2013-2014
2018-2019
2020-2024
Chiffres clés
6 000 000
7
495
Résultats
- Amélioration de la qualité de vie des habitants
À retenir
Amélioration de la qualité de vie des habitants et augmentation de la valeur des habitations des habitants
La situation hivernale s'est déjà améliorée. Avant, les eaux coulaient un peu partout et gelaient, créant des plaques de verglas. Ce n'est désormais plus le cas
Travaillant par tranches pour obtenir davantage de subventions, la commune est en travaux tous les ans depuis 2020. Mais ce sera fini en 2024.
Ressources
Assainissement et lotissement en vue à Halloy-lès-Pernois
Les travaux d’assainissement, qui débuteront à la fin du mois, devraient s’achever début 2022.
Agence de l'eau Artois-Picardie : Rapport d'activité 2019
Page 19 : Les communes de Canaples et de Halloy-les-pernois ont décidés suite à la réalisation de plusieurs études (schéma d’assainissement et études de projet) de constituer un syndicat intercommunal d’assainissement en vue de substituer les assainissements non collectifs par un assainissement collectif offrant une meilleure efficacité de traitement