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Le projet Lavoisier, en recherche d’autonomie du cycle de l’eau et de réemploi des boues et eaux usées traitées (50)

Depuis 2021, le syndicat d’assainissement (SMAAG) et le syndicat d’eau potable (SMPGA) du Granvillais travaillent sur un projet commun de valorisation de la ressource que constituent les eaux usées, intitulé « projet Lavoisier ». En mettant en œuvre des technologies innovantes et en concertation avec les acteurs du territoire, ce projet, inédit en France, permettrait d’exploiter toute la valeur dans les eaux usées :  réutilisation des eaux usées traitées, production de gaz à partir des boues d’épuration, captation des calories eaux usées… Les eaux usées seraient ainsi exploitées pour produire de l’énergie, tout en étant épurées, permettant la réinjection d’une partie des eaux usées traitées dans le milieu naturel avant de rejoindre le circuit de traitement et de distribution de l’eau potable. Un projet qui a pour vocation de sécuriser la ressource en eau, en rendant plus autonome le cycle de production-distribution-traitement.

Un deuxième volet, intitulé Eau’tonomie, a pour objectif de rendre le petit cycle de l’eau plus vertueux sur l’archipel de Chausey, quartier maritime de Granville et rendre ainsi la grande île plus autonome.

Entretien avec Nathalie Genin et Yves Cabaret

Parole de collectivité
Nathalie Génin, directrice SMAAG et Yves Cabaret, directeur SMPGA - Crédits photo : SMGPA
Assainissement des eaux usées

Ce projet est présenté par :

  • Yves CABARET, directeur du SMPGA
  • Nathalie GENIN, directrice du SMAAG
Lavoisier est un projet placé sous le signe du décloisonnement des services publics, où on commence à travailler entre service d’eau potable, d’assainissement et de gestion des déchets.

Yves Cabaret

Parole de collectivité

Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action

Comment ce projet s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?

Nathalie Génin  : L’idée est née en 2021. Nos deux syndicats se sont réunis sur un axe de réutilisation des eaux usées traitées en économie circulaire, avec l’idée de sécuriser la ressource utilisée pour la production d’eau potable (fleuve côtier, le Thar). Une première réunion a eu lieu en novembre 2021 animé par les Présidents des deux syndicats et par M. le Sous-Préfet d’Avranches, en présence d’élus, de représentants de l’Agence de l’eau, du Conseil régional, du Conseil départemental et des services de l’Etat (ARS, Police de l’Eau….) .

Le projet Lavoisier s’est constitué en deux parties :

  1. L’économie circulaire avec la réutilisation des eaux usées traitées voire le recours à d’autres eaux non conventionnelles : sur la partie continentale, une étude de la stratégie d’opportunité de la réutilisation des eaux usées traitées a été menée. Cette étude a démontré l’intérêt de la réutilisation de ces eaux sur le territoire, directement pour les usages qui le permettent ou indirectement par le soutien de la ressource utilisée pour la production d’eaux potable. Cette étude sur la partie continentale sera complétée par un projet dédié à la partie îlienne. Le projet Eau’tonomie sur l’Archipel de Chausey, rattaché au territoire de Granville, où nous souhaitons rendre le système de distribution et traitement de l’eau de l’île plus autonome, notamment pour prendre le relais en cas de crise. Aujourd’hui, l’archipel est alimenté en eau potable par bateau. L’idée de ce projet est de faire un bilan global de la ressource en eau de l’île (pour l’instant une nappe sur la partie privée de l’île, deux petites stations de traitement).
  2. La deuxième partie du projet s’axe davantage sur la transition énergétique. Le SMPGA s’est d’ores et déjà engagé dans cette démarche de transition avec la pose d’une turbine en entrée de station pour convertir l’énergie créée par la chute de l’eau entre le bassin de stockage et l’entrée de la station en énergie électrique. Dans le cadre de ce projet, nous avons souhaité confié au CEREMA une étude sur le potentiel de production d’énergie via le photovoltaïque sur le foncier des 2 Syndicats. Cette étude sera complétée par un projet R&D portant sur le recours à un procédé innovant dénommé gazéification hydrothermale pour le traitement des boues de la station d’épuration, procédé qui permet de réduire la matière à sa portion la plus congrue et de la transformer en gaz. Nous réfléchissons aussi à récupérer les calories, la température des eaux usées, par exemple, pour chauffer les bassins de piscines.

 

Yves Cabaret : En ce mois d’octobre 2024, nous venons de conclure une première phase d’études, que nous avons présentée auprès des élus et de la presse. Nous avons ainsi dévoilé nos premiers enseignements liés à l’étude menée par le Cerema sur la réutilisation des eaux usées traitées. Les conclusions sont bonnes : il y a une vraie opportunité, un projet qui peut naître derrière, et une liste d’études supplémentaires de faisabilité vont être mises en place .

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?

Y.C et N.G. : Forcément, sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’eau potable, nous avons pensé au projet Jourdain. C’est le premier en France qui a officialisé l’idée que les eaux usées traitées issues de la station d’épuration des Sables d’Olonne puissent être utilisées pour soutenir la ressource utilisée pour la production d’eau potable.. Notre pourcentage de réutilisation d’eaux usées traitées est particulièrement bas par rapport à nos voisins européens, comme l’Espagne par exemple, qui utilise beaucoup d’eau usée pour l’irrigation de ses cultures. Aujourd’hui, comme un grand nombre de collectivités, nos boues sont valorisées sur les terres agricoles par épandage. Pour trouver d’autres moyens de les valoriser, nous avons exploré ce qu’il existait à travers le monde.

Nous avons découvert une usine en Hollande, unique au monde, mise en service début 2024, qui utilise le procédé de la gazéification hydrothermale, qui consiste à soumettre les boues des eaux usées à une très haute pression et une très forte température afin d’obtenir du gaz (méthane, CO2, hydrogène). Cette étude est également un projet R&D pour le Cerema. qui comporte notamment une étude de gisement pour évaluer si d’autres déchets humides pourraient être traités par ce procédé et faire de cette solution, une solution territoriale.. Nous pourrions ainsi réinjecter directement le méthane produit dans le réseau GRDF ou de GRTgaz par exemple. Ce procédé permet également d’extraire une eau chargée en azote, qui pourrait servir ensuite d’engrais.

Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?

N.G. : Pour Chausey, une étude est en cours de lancement pour deux ans ; nous allons associer habitants, professionnels, collectivités, Conservatoire du Littoral, Société Civil Immobilière de Chausey afin de faire en sorte de co-construire la stratégie à mettre en œuvre et définir des solutions partagées, avec des réunions d’échanges. C’est une démarche participative, sur le temps long. Sur la gazéification hydrothermale, nous terminons actuellement l’étude de gisement, et sommes en attente des résultats d’analyses sur un pilote qui permettra notamment de calculer la quantité de gaz produit à partir des boues de la station d’épuration et d’autres intrants.

La faisabilité technique, réglementaire et financière sera appréciée ensuite dans la seconde partie de l’étude. S’agissant de la réutilisation des eaux usées traitées, des études complémentaires vont devoir être menées. Ces études porteront sur le milieu naturel avec notamment pour objectif de vérifier l’acceptabilité du milieu et d’améliorer la connaissance du fonctionnement du cours d’eau et de sa nappe d’accompagnement et celles sur les aspects réglementaires lors de la modification ou la création de points de rejet. Seront également intégrées les études préalables qui permettront de définir les ouvrages à créer et de faire une première estimation, le tout étant affiné lors des études de maîtrise d’œuvre qui suivront, Nous espérons que dans 5 ans le projet sera fait.

Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans un projet ?

Y.C et N.G. : C’est important de mener politiquement ces décisions, et chaque étude amène une nouvelle étape pour affiner notre vision globale des tenants et aboutissants avant d’arriver à la réalisation. Lorsque nous lancerons les études restantes, nous formerons un groupe de travail avec les services de l’Etat afin d’être le plus efficace possible sur le volet administratif, et éviter une perte de temps.

Y.C. : L’intérêt aussi sur notre structure, c’est que certains ouvrages existants dans le système de l’eau potable pourraient être utilisés dans notre projet, ce qui limiterait nos investissements.

Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

N.G. : Nous sentons une grande ouverture sur ces projets-là, bien que ceux-ci prennent du temps dans la phase d’études. Il faut accumuler des données, être fiable et complet pour être sûr de valider. Pour Chausey, le projet va continuer de se mettre en place dans l’échange, le dialogue, avec tous les acteurs impliqués, citoyens… Contrairement à ce qu’on peut penser, l’idée de la réutilisation des eaux usées est assez acceptée, comme l’a montré la réaction de la population au projet Jourdain. Du moment qu’on montre la technologie qu’il y a derrière, qu’on souligne les enjeux sur la ressource et le risque du manque d’eau. La question qui se pose c’est de trouver le temps de le faire. En tant que directrice et directeur de syndicats nous en avons discuté avec nos élus, avec nos présidents, qui sont réceptifs et motivés par ce projet.

 

Y.C. : On est sur un territoire qui a toujours été en tension sur l’eau potable. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la reconquête de la qualité de l’eau. Nous avons un pool d’élus qui a bénéficié d’années de sensibilisation via nos syndicats et qui a une vraie approche sur la question de l’eau.

Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?

Pour l’étude sur la réutilisation des eaux usées traitées, nous avons bénéficié du financement du Conseil régional pour l’innovation, et de l’Agence de l’Eau. Pour ce qui concerne le traitement des boues par gazéification hydrothermale, l’Agence de l’Eau a apporté son soutien et le CEREMA a pris en charge une partie du temps passé par son personnel puisqu’il s’agit d’une projet Recherche & Développement.

Le volet sur l’Archipel de Chausey fait également partie de cette catégorie de projet induisant une prise ne charge également par le CEREMA. Un financement nous est attribué au travers d’un temps d’ingénieurs que l’organisme prend à sa charge, et qui représente 25% du montant HT. Sur les 75% restant, nous prévoyons un accompagnement de l’Agence de l’eau Seine-Normandie et du Conseil régional en espérant atteindre les 80%.

Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagné dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

N.G. : Sans l’Agence de l’eau, partenaire qui nous soutient depuis notre création, nous n’aurions rien pu réaliser.

Y.C. : La Région nous soutient aussi sur la partie étude. Pour la réalisation, on compte sur le soutien des financeurs et des banques.

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Le projet en détails

Dates clés

2021

Naissance du projet

2024

Restitution de l’étude d’une stratégie d’opportunité pour la réutilisation des eaux usées traitées

2025

Lancement de l’étude du projet Eau’tonomie sur Chausey prévue sur 2 ans

2026

Fin du projet Lavoisier

Chiffres clés

5000

m3/ jour, c’est le volume minimum qui sort en eaux usées de la station de la Goëlane toute l’année, à mettre en regard de la capacité nominale de l’usine de production d’eau potable du SMPGA implantée à St-Pair / Mer qui s’élève à 6 500 m3/j.

3000

m3/ jour, qui serait le volume d’eau usée traitée qui pourrait être envoyée dans le Thar petit fleuve côtier dont l’eau est utilisée pour produire l’eau potable et qui correspond aussi à ce qui manque en cas de sécheresse.

45

% de la capacité d’usine qui pourrait être assurée par des eaux usées

À retenir

L’innovation globale de ce projet : à la fois parce qu’il mêle nouvelles technologies, réponse à la transition énergétique et économie circulaire, mais aussi par son double volet ; entre projet à taille d’Archipel sur Chausey, et projet d’ensemble sur la gazéification.

C’est aussi un projet placé sous le signe du décloisonnement des services publics, où on commence à travailler entre service d’eau potable, d’assainissement et de gestion des déchets… La transversalité de ce projet, sur le petit cycle de l’eau mais aussi sur le grand cycle.

Une des principales difficultés est celle de tout projet complexe : ce côté impalpable, et la difficulté sur un projet encore en construction. La durée dans le temps et la nécessité de décomposer en étape, fait que le temps semble long. Sur l’aspect financier aussi, on peut souligner la difficulté de se projeter sur les aides, les subventions, et les futures coupes de budgets. Les partenaires financiers révisent leurs positions.

Ressources

Ouest-France - Pour « une utilisation plus vertueuse de l’eau » dans la Manche, le projet Lavoisier avance

Réinjecter les eaux usées traitées, un usage plus vertueux de l’eau potable à Chausey (Manche), gazéification hydrothermale : trois réflexions dans le cadre du projet Lavoisier.

Les partenaires de ce projet

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Cerema

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Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet

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