En dévastant 30 000 hectares de forêts et en provoquant l’évacuation de 50 000 personnes, les incendies de l’été 2022 en Aquitaine auront laissé une trace durable dans l’environnement et les mémoires. Les leçons ont été tirées de cette catastrophe et d’importantes mesures préventives et curatives ont été prises. Le point sur un dossier brûlant.

A petites causes, grands effets. Le 12 juillet 2022, vers 15h, un véhicule utilitaire tombe en panne sur une piste forestière près de la Dune du Pilat, sur le territoire de la Teste-de-Buch (Gironde). Il prend feu et les flammes se propagent dans les broussailles puis dans les pins maritimes qui s’embrasent comme des allumettes. Moins d’une heure plus tard, un autre incendie se déclare à 70 km de là, à Landiras près de Langon. Cette fois, l’origine criminelle est fortement suspectée et une enquête sera ouverte. Les deux phénomènes conjugués vont donner naissance à l’un des plus importants incendies de forêt en Aquitaine depuis 1949. 30 000 hectares seront dévastés et il faudra près de deux mois, pendant cet été particulièrement sec et venteux, pour en venir finalement à bout, début septembre.

3 000 pompiers mobilisés

La mobilisation des moyens humains et matériels aura aussi été sans précédent. Dans un vaste mouvement de solidarité européenne, des pompiers venus d’Italie, d’Allemagne, de Suisse, d’Autriche, de Pologne, de Roumanie et de Grèce sont venus épauler et renforcer leurs 1 800 collègues de Gironde et des 60 départements français engagés dans cette longue guerre du feu. Au plus fort de la crise, ce sont près de 3 000 pompiers qui lutteront pour combattre les flammes, mais aussi créer des coupe-feu et protéger les habitations et bâtiments menacés. Outre les véhicules d’intervention et camions-citernes, 10 avions bombardiers d’eau sont intervenus sans relâche avec le soutien de deux hélicoptères et d’un drone Reaper spécialisé dans le repérage des départs de feu.

Bilan miraculeux

Malgré son intensité et sa longueur, le combat sera au final remporté sans pertes humaines, sinon plusieurs blessés parmi les pompiers. Un bilan quasi miraculeux par comparaison aux grands incendies landais d’août 1949 qui avaient provoqué la mort de 82 personnes.

Sur le plan matériel également, les dégâts ont été relativement limités. Cinq campings et une trentaine de bâtiments ont été détruits alors que 600 se trouvaient dans la zone sinistrée et que 4000 étaient potentiellement menacés. Surtout, le risque de propagation à l’ensemble du massif des Landes a été écarté, de même que la destruction de site sensibles, dont un site pétrolier classé Seveso et plusieurs installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Il aura fallu néanmoins organiser l’évacuation de près de 50 000 personnes au total pour les mettre à l’abri du brasier menaçant.

Une organisation bien rodée

Ce bilan relativement positif est aussi à mettre à l’actif de l’expérience acquise dans la prévention et la lutte contre le risque incendie depuis des décennies sur ces terres sablonneuses plantées majoritairement de résineux, facilement inflammables. Depuis la fin du 19^ème siècle, la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) y est prise en charge de façon très organisée. La DFCI Aquitaine recouvre quatre départements (Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne) qui rassemblent 212 associations syndicales lesquelles peuvent s’appuyer sur plus de 2 500 bénévoles actifs. Le cloisonnement de la forêt avec la création d’un vaste réseau de pistes facilite l’accès des services d’intervention tandis que 21 tours de guet sont réparties sur l’ensemble du massif. Exception faite de l’été 2022, les grands incendies de plus de 1000 hectares y sont assez peu fréquents, le plus récent remontant à 2017 (1100 ha à Cissac-Médoc) et le précédent à 2002 (1500 ha à Carcans).

Sept fois plus de surfaces brûlées

Les circonstances de l’été 2022, précédées par un longue période de sécheresse, ont aussi été à l’origine de nombreux incendies en France et dans le monde. Le système européen d’information sur les feux de forêts (Effis) a révélé que la surface forestière brûlée en France avait atteint un niveau record en 2022. Ce sont, en effet, quelque 66 360 hectares de forêts qui sont partis en fumée contre une moyenne annuelle de 9 714 hectares exactement, observée entre 2006 et 2021, soit près de sept fois plus.

Au lendemain de la catastrophe de l’été 2022, des mesures ont été annoncées par la préfecture de la région Nouvelle Aquitaine et par l’Etat. Elles visent à la fois à anticiper, prévenir et répondre aux futures crises.

Une enveloppe de 7,6 millions

Des moyens supplémentaires ont été attribués par l’État avec une enveloppe de 7,6 millions d’euros affectée principalement au DFCI Aquitaine. Elle finance des travaux de réaménagement de l’accès au massif par les services de secours et l’achat de véhicules et de camions-citernes mis à la disposition des bénévoles. La subvention porte également sur l’acquisition d’outils de relevés nécessaires à l’établissement par la préfecture d’une carte détaillée du risque d’incendie.

Des moyens supplémentaires ont été accordés aux sapeurs-pompiers. Neuf avions et hélicoptères bombardiers d’eau sont venus compléter la flotte nationale, désormais constituée de 47 appareils. Des caméras de surveillance ont été installées au sommet des 21 tours de guet, scrutant la cime des arbres et la moindre fumée.

Débroussaillage obligatoire

Un encouragement à la plantation d’espèces feuillus sur leurs parcelles est proposé aux sylviculteurs. En effet, contrairement aux résineux, les feuillus résistent mieux aux incendies et peuvent en limiter la propagation.

Les incendies de Gironde ont révélé que, notamment dans le secteur de la Teste-de-Busch, l’entretien des parcelles n’était pas toujours respecté. Une loi impose désormais aux propriétaires le débroussaillage régulier dans la forêt des Landes, et le montant des amendes en cas d’infraction a été doublé.

Enfin, les actions pédagogiques et de communication auprès du grand public ont été renforcées. 90% des feux de forêt sont malheureusement d’origine humaine, soit par malveillance, soit par négligence. Il reste à espérer que les images spectaculaires de l’embrasement de la belle forêt landaise, et les déboires du fameux camping des « Flots bleus », auront favorisé une salutaire prise de conscience collective.