Le syndicat des eaux du Cézallier (43) transforme la pression de l’eau en électricité verte
À l’occasion du renouvellement des conduites d’adduction de l’eau destinée à ses 36 communes, le syndicat des eaux du Cézallier a mis en œuvre une solution triplement vertueuse.
À la source, un système permet de déverser les surplus d’eau en zones humides, pour alimenter cette réserve d’eau naturelle et préserver la biodiversité. Sur le parcours, deux nouveaux ouvrages équipés de réservoirs répartissent au plus juste la quantité d’eau dans les conduites, en fonction des besoins des communes.
Enfin, ces nouveaux réservoirs et un réservoir existant sont équipés, en amont, d’une turbine qui transforme la pression de l’eau liée à la pente en électricité.
Entretien avec Gérard Bonjean
Ce projet est présenté par :
- Gérard Bonjean, président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable (SIAEP) du Cézallier
Gérard Bonjean
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet s’est‐il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
En 2014, l’agence de l’eau Loire-Bretagne nous a alerté sur les pertes d’eau dans nos réservoirs partiteurs, dus aux remous liés à la pression. En effet, avec une différence de 900 mètres entre la source, à 1 300 mètres d’altitude, et l’arrivée, à 400 mètres, nous avons 90 bars de pression à gérer.
Cela explique les remous qui se répercutaient en m 3 d’eau perdus. Nos conduites datant de 1955, nous avons décidé de les renouveler et de profiter des travaux pour résoudre ce problème de pression.
Nous avons également mené une réflexion sur la protection de la ressource et le maintien des zones humides, qui sont des réserves d’eau naturelles très précieuses et essentielles à la biodiversité.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Nous avons réalisé une étude bibliographique sur la gestion de l’acheminement de l’eau dans les zones de montagne soumises à ces problèmes de pression liée aux différences d’altitude.
Nous nous sommes notamment intéressés à des exemples suisses d’installations de turbines qui permettent de transformer l’énergie de l’eau sous pression en électricité.
Cela nous a inspirés : cette solution pouvait résoudre notre problème tout en produisant de l’énergie verte !
Concernant les zones humides, nous avons été précurseurs, car le projet a été conçu en 2015. Aujourd’hui, ces pratiques se développent.
Est‐ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Nous avons fait appel au bureau d’études local AB2R pour réaliser l’étude à partir d’un cahier des charges qui intégrait 3 objectifs. Avant tout, il s’agissait de concevoir une solution qui permette de distribuer l’eau en quantité et qualité suffisante, sans menacer la ressource.
Nous souhaitions également maintenir le surplus d’eau dans les zones humides d’altitude. Enfin, le bureau d’études devait nous proposer une solution qui prévoit l’installation de turbines pour transformer la pression en électricité verte.
À ces trois premiers points, s’ajoutaient deux autres problématiques : assurer la sécurisation de l’approvisionnement en eau des communes situées en altitude ainsi que la mise aux normes des installations pour la défense incendie. Enfin, nous voulions que les ouvrages soient, le plus possible, sur des terrains et voies publiques.
AB2R a su répondre à ce cahier des charges très ambitieux avec des installations permettant à la fois de rejeter les trop-pleins d’eau dans les milieux humides, de contrôler les débits et de répartir au mieux l’eau destinée aux différentes antennes et de faire turbiner notre eau sous pression !
Évidemment, il s’agissait également de s’équiper en canalisations de qualité… Car l’installation doit durer 80 ans !
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Quand je me suis lancé dans cet énorme projet, je ne maîtrisais pas ces sujets si techniques ! En revanche, la gestion de l’eau m’a toujours passionné. Et j’ai conscience que les enjeux en la matière sont énormes. Alors j’ai appris avec les équipes : le terrain et ses contraintes, les solutions techniques… J’ai pu bénéficier des connaissances des techniciens du Syndicat de gestion des eaux du brivadois (SGEB), dont nous faisons partie.
Et puis nous avons énormément échangé avec le bureau d’études AB2R, très investi dans cette mission. Enfin, sur de tels projets, il faut avoir de solides compétences en montage de dossiers administratifs !
En résumé, ce système d’adduction, c’est dix ans de travail !
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a‐t‐elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Le bureau d’études et les services techniques ont beaucoup travaillé sur les données de consommation des différentes antennes pour parvenir au bon dimensionnement.
Après, nous avons dû recueillir l’adhésion de mon conseil syndical. Avec un projet à 9 millions d’euros, je n’étais pas complètement serein ! Mais nous avons expliqué le contexte : l’Agence de l’eau risquait de réduire nos aides si nous dépassions un certain seuil de pertes à cause de cette pression. Le bureau d’études a fait un gros travail pédagogique pour expliquer le caractère vertueux du projet.
Quant aux habitants des secteurs en travaux, ils nous connaissent bien et pouvaient nous poser des questions. C’est l’intérêt de travailler avec des entreprises locales, connues de tous.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Sur un coût de 9 millions d’euros HT, nous avons obtenu 1,57 million de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, 1,27 million du département de la Haute Loire, 419 150 euros du département du Puy de Dôme, 7 452 euros du département du Cantal.
Les 5 communes concernées – Anzat-le-Luguet, Leyvaux, Autrac, Blesle et Chambezon – sont situées sur ces 3 départements. Pour le reste, nous avons contracté un Aqua Prêt de 4,78 millions d’euros auprès de la Banque des Territoires sur 60 ans, et autofinancé une partie.
Cet Aqua Prêt nous a permis de ne pas trop répercuter les coûts des travaux sur les factures d’eau : seulement 4 centimes d’euros au m3 supplémentaires.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et dans la réalisation de ce projet ?
Outre AB2R, notre bureau d’études et maître d’œuvre, nous avons travaillé avec les entreprises locales Marquet, TPC, ODTP43, SA Chambon, Cegelec (antenne de Brives Charensac) et CTM Vissac.
J’aimerais également citer notre fournisseur de conduites – Vonroll – un fabricant suisse de canalisations d’excellente qualité. Nous avons choisi de travailler avec les meilleurs équipements du marché : encore une fois, cette installation va alimenter les communes en eau pendant 80 ans !
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.
Le projet en détails
Dates clés
2014 - 2015
2015-2018
2018-2020
2021-2023
Chiffres clés
9
14
160
À retenir
Une préservation de la ressource en eau potable grâce à une bonne gestion des débits.
La production d’une électricité verte totalement décarbonée, grâce à des turbines fonctionnant avec la pression de l’eau.
Un entretien des zones humides en altitude, véritables réservoirs naturels d’eau et lieu essentiel à la biodiversité.
Ressources
L'éveil de la Haute Loire - Pourquoi ce chantier "titanesque" de Haute-Loire était-il aussi visionnaire ?
Le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable (SIAEP) du Cézallier a achevé, en cette année 2024, un chantier imaginé en 2015.