Valoreille – Saint Hippolyte (25) : la CCPM mise sur l’interconnexion pour sécuriser l’accès à l’eau potable sur son territoire
Pour la Communauté de communes du Pays de Maîche (CCPM) dans le Doubs (25), la question de l’eau potable est bien plus qu’un enjeu technique : c’est un défi collectif, porté par une vision politique forte et une solidarité intercommunale.
Depuis 2018, la CCPM a pris en main la compétence eau et assainissement sur un territoire à la géographie complexe et aux ressources fragiles. Aussi pour sécuriser l’accès à l’eau potable sur l’ensemble du territoire, y compris les communes les plus isolées, la collectivité a posé les bases d’un maillage hydraulique progressif, pensé comme une « toile d’araignée ».
La commune de Valoreille, alimentée depuis un captage très sensible à la sécheresse, a été régulièrement ravitaillée par camions-citernes depuis 2020. Les coûts exorbitants et l’empreinte carbone élevée ont poussé la CCPM à engager un travail de fond, intégrant des solutions techniques innovantes et un chantier vert.
À la clé : un projet ambitieux d’interconnexion entre Valoreille et Saint-Hippolyte, première pierre d’un maillage plus vaste, à l’échelle du territoire et au-delà.









Entretien avec Julien Klinguer et Georges Henry

Ce projet est présenté par :
- Georges Henry, responsable Services Eau et Technique à la Communauté de communes du Pays de Maîche (CCPM)
- Julien Klinguer, Directeur du pôle environnement et ingénierie à la Communauté de communes du Pays de Maîche (CCPM), Directeur des services techniques et Directeur général Adjoint de la Ville de Maîche
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet s’est-il imposé à l’agenda de la Communauté de communes du Pays de Maîche ?
Notre territoire est composé d’un plateau qui regroupe les ⅔ de la population et de 2 vallées, la vallée du Doubs et la vallée du Dessoubre. Sur le plateau de Maîche, situé sur un sol karstique, il n’existe pas de cours d’eau, car tout s’infiltre ce qui engendre deux problématiques : des ressources en eau limitées, ce qui nous oblige à capter des eaux superficielles sur la plupart des petites communes, et un très faible pouvoir épurateur avec des impacts directs sur nos ressources qui perdent à la fois en quantité et en qualité.
Notre principale ressource qui vient de Goumois alimente les 14 000 habitants du plateau tandis que les 5 000 habitants installés dans les vallées disposent de 27 ressources. Or suite aux épisodes climatiques, cette multitude de ressources diminue en quantité, contraignant la collectivité à recourir massivement aux camions-citernes comme à Valoreille, le cas le plus critique (44 rotations en 2022 et jusqu’à 191 en 2023 en pleine sécheresse).
Ce mode d’approvisionnement, lourd et coûteux (153 600 € HT en 2022 et 61 120 € HT en 2023) et à fort impact environnemental, générait également des déséquilibres dans le réseau causant des coupures d’eau, des casses et une surconsommation énergétique, sans compter l’usure prématurée des routes à flanc de montagne. À un moment, Franck VILLEMAIN, le président de la CC du Pays de Maîche (CCPM) a évoqué que la situation ne pouvait plus durer.
Lorsque la collectivité a récupéré la compétence eau/assainissement en 2018, les élus ont tout de suite compris l’intérêt communautaire d’une gestion de l’eau. Surtout sur un territoire vaste et peu dense. Aussi Franck VILLEMAIN et Anthony MERIQUE – Vice-Président de la CC du Pays de Maîche en charge du Cycle de l’Eau – ont décidé de professionnaliser le service.
Les premiers travaux entrepris ont été la réhabilitation de la ressource du Pont-Neuf à Cour Saint-Maurice, des travaux d’amélioration de la zone de captage de Valoreille, l’interconnexion de Cour Saint-Maurice (Village) depuis Vaucluse (SIE de Froidefontaine) et l’activation de la ressource de Blancheterre à Saint-Hippolyte.
D’après les scientifiques, nous allons perdre la moitié de nos ressources en eau d’ici 50 ans, aussi nous allons étendre l’interconnexion, à la manière d’une toile d’araignée, pour, à terme, sécuriser progressivement et durablement l’accès à l’eau potable sur l’ensemble des communes de notre territoire quel que soit le nombre d’abonnés. Et même au-delà puisque notre approche « supra-territoriale » nous pousse à élargir notre maillage vers le pôle métropolitain Belfort-Montbéliard confronté aussi à une raréfaction de ses ressources.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Notre démarche s’inscrit dans une logique de continuité : elle s’ inspire du maillage hydraulique amorcé par nos prédécesseurs depuis plus de 100 ans. Les élus de l’époque avaient déjà été contraints de puiser dans la vallée du Doubs à Goumois, en zone frontalière suisse, pour alimenter les villages du plateau confrontés à un déficit en eau, via la source historique de Blanchefontaine (puits artésien). Puis, afin de sécuriser cette ressource, un forage profond (80 mètres en dessous du Doubs) a été réalisé en 2013, et vient compléter aujourd’hui notre ressource principale.
C’est à cette époque que les canalisations ont été créées avec une contrainte de dénivelé de 500 mètres entre le point haut et le point bas.
Pour sécuriser Valoreille nous avions 2 possibilités : raccorder la commune au SIE de Froidefontaine (périmètre ne faisant pas partie de notre collectivité), ou interconnecter la commune depuis Saint-Hippolyte, une commune dans la vallée du Doubs.
Le problème est que la ressource de Saint-Hippolyte n’est pas une ressource profonde, ce qui nous oblige à continuer le maillage sur la deuxième tranche Saint-Hippolyte / Montandon qui permettra de redescendre l’eau de Goumois jusque dans la vallée du Dessoubre.
L’idée est de toujours préserver nos ressources. C’est-à-dire que tant que la ressource de Valoreille suffit, elle est conservée. Si elle ne suffit plus, on s’alimente depuis Saint-Hippolyte et si ça ne suffit plus, on s’alimente depuis Goumois.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Une étude de faisabilité complète a été réalisée en interne, combinant des critères techniques, économiques, énergétiques et environnementaux.
Deux scénarios principaux ont été comparés : l’achat d’eau à un syndicat voisin et une interconnexion avec Saint-Hippolyte. Chaque option a été analysée sous l’angle du coût d’investissement, mais aussi du coût d’exploitation sur 20 ans, avec prise en compte des produits de traitement, du coût de l’énergie, des impacts environnementaux, des ETP et du volet technique, jusqu’au trajet moyen de l’eau au robinet !
Ce travail de comparaison a montré que la solution a priori la plus coûteuse pouvait, à terme, s’avérer plus économique et plus pérenne. Ce processus a permis aux élus de prendre la meilleure solution technico-économique et c’est donc l’interconnexion depuis Saint-Hippolyte qui a été choisie.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Le succès du projet tient à une maîtrise d’œuvre totalement internalisée, ce qui nous confère une grande réactivité, notamment dans la capacité à monter rapidement un dossier solide pour répondre à un appel à projets, car sans financement nous n’aurions tout simplement pas pu réaliser ce projet.
Les élus voulaient une direction technique qui rassemble plusieurs services stratégiques (environnement, urbanisme, infrastructures…), favorisant une vision transversale. Georges Henry, ancien gérant de bureau d’études a un double profil terrain (travaux publics) et ingénierie alors que j’ai un profil public, nous nous complétons, de plus, nous avons la chance d’avoir un vice -président très présent. Nous avons tous suivi des études techniques et sommes complémentaires, c’est très important car sur ce type de projet on ne peut pas travailler en silo.
Georges, a piloté l’ensemble du projet, de sa conception à sa réalisation.
Nous avons dû surmonter de nombreux points techniques spécifiques : le choix des conduites, le passage en encorbellement sous le pont du Dessoubre, la mise en place d’un réseau PEHD renforcé, la construction d’un regard de surpression mais aussi la capacité à valoriser l’empreinte écologique d’un chantier à travers un budget vert. Par exemple, l’utilisation de canalisations de fonte ZMU nous a permis de réutiliser les matériaux extraits des tranchées. Sur 6.5 kilomètres de réseau, nous avons évité les allers et retours de 300 semi-remorques sur des routes fragiles.
Pour les canalisations, nous avons choisi la durabilité avec des épaisseurs de fonte de classe 100 (plus importantes que celles utilisées normalement), qui peuvent durer entre 120 et 150 ans. Une conduite est soumise à l’agression du sol, aussi un revêtement extérieur en mortier de ciment ZMU offre une protection anticorrosion à long terme. En parallèle, nous avons lancé des études A3DV (étude non destructive qui permet de scanner les réseaux existants sans avoir besoin de les couper), pour scanner les canalisations existantes et déterminer à quel moment nous devions les changer.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Franck VILLEMAIN, le président de la CC du Pays de Maîche (CCPM) a mis en place une commission pour travailler sur le sujet, laissant au conseil communautaire décider. Un exemple de bonne démocratie. Les 2 propositions ont été débattues en commission cycle de l’eau, puis présentées au bureau exécutif, aux maires de Valoreille et Fleurey, à l’ARS et au SIE de Froidefontaine.
Si les usagers finaux ne participent pas directement à la co-construction, leur avis compte : le prix de l’eau est un enjeu clé. Aussi nous avons veillé à donner aux élus toutes les clés pour qu’ils puissent relayer et justifier les décisions dans leurs communes.
L’eau potable, c’est un patrimoine, un investissement sur le long terme, et un projet collectif.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Nous avons répondu à un appel à projets de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse intitulé « Sécurisation de l’alimentation eau potable pour les collectivités ayant eu des ruptures d’alimentations en eau potable ».
Ce projet a été financé à 50% par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC) soit 548 885 €. Le conseil départemental du Doubs a apporté 10 % soit 109 328 €, le reste à charge pour la CCPM était de 40% soit 435 067 €
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la Communauté de communes du Pays de Maîche dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Nous avons travaillé avec les entreprises Soval et Von Roll pour les canalisations en fonte de classe 100 avec revêtement ZMU. Un choix qualitatif qui permet d’utiliser les matériaux de déblais et nous offre un taux de renouvellement de 120 ans. L’entreprise Telcomat nous a fourni les tuyaux PEHD.
L’entreprise Lacoste est intervenue sur le chantier pour la pose du réseau fonte, la construction du regard de surpression, l’entreprise Tattu a posé le PEHD et l’entreprise Veolia a équipé le regard de surpression avec les différents équipements électromécaniques.
L’ARS nous a fourni un soutien technique et réglementaire.
Vu la complexité du chantier, la longueur et la durée, nous avons également travaillé avec un coordinateur SPS.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
2018
1er janvier 2023
2023 - 2024
mars 2024 - décembre 2024
Chiffres clés
1 093 280
6 520
9
À retenir
L'arrêt des convois de camions-citernes ainsi que l’approche “budget vert” ont permis de quantifier les gains environnementaux (réduction CO₂, moindre impact transport)
La continuité du maillage sécurise l’eau
La topographie du territoire (vallées encaissées, fortes pentes, sols hétérogènes) ainsi que le contexte rural ( routes étroites, accès limités...) ont compliqué les travaux
Ressources
L'Est Républicain : une alimentation en eau potable comme une toile entre villages
En charge de la compétence eau depuis 2018, la Communauté de communes du pays de Maîche (CCPM) a fait réaliser d’importants travaux afin de garantir à tous un même accès à ce service public essentiel qu’est l’alimentation en eau potable.
Les partenaires de ce projet

Agence Régionale de Santé

Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC)

Conseil départemental du Doubs

Veolia
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
En savoir plus sur la Communauté de communes du Pays de Maîche
habitants en 2022
communes membres
Données de contact
Les autres projets - Distribution de l’eau
La Métropole Nice Côte d’Azur (06) propose, via des fontaines innovantes, de l’eau fraiche plate et pétillante aux riverains et touristes
Valoreille – Saint Hippolyte (25) : la CCPM mise sur l’interconnexion pour sécuriser l’accès à l’eau potable sur son territoire


Le syndicat des eaux du Giromagny (90) renouvelle, pas à pas, son réseau de canalisation d’eau potable


Vous êtes passés à l'action sur la gestion de l'eau ?
