Renaturer une portion du cours d’eau de l’Orne en centre-ville pour améliorer la gestion de la ressource en eau (61)
Sur la promenade du Vivier, circuit touristique du centre-ville de Sées, une portion du cours d’eau de l’Orne a été renaturée pour retrouver un fonctionnement naturel du milieu aquatique.
Alors que jusqu’ici le maintien d’un système de vannage en position fermée créait un effet « barrage » sur l’Orne, l’ouverture des vannes a permis de réactiver la dynamique du cours d’eau, de libérer la circulation des espèces aquatiques et de diversifier les écoulements.
Pour amplifier les bénéfices, le projet a été complété par la mise en place de fascines pré-végétalisées d’hélophytes sur une portion de 80 m.





Entretien avec Camille Roullier, technicien rivières et bassins versants

Ce projet est présenté par :
- Camille Roullier, technicien rivières et bassins versants de la Communauté de communes des Sources de l’Orne
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment ce projet s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
La Communauté de communes des Sources de l’Orne a été sollicitée dès le début de l’année 2021 par la ville de Sées pour mener une réflexion sur l’aménagement de la portion de l’Orne au droit de la Place du Vivier, située en centre-ville, où un ancien vannage maintenait une ligne d’eau artificielle sur près de 300 mètres. La présence de ce système, qui assurait auparavant la mise en fonctionnement d’un lavoir, générait des impacts négatifs sur le milieu aquatique, notamment sur la faune et leur habitat, mais aussi sur la qualité des eaux : réchauffement des eaux et diminution de la teneur en oxygène dissous dans l’eau, eutrophisation du milieu … Le projet s’est donc déroulé en deux étapes, dont la première a été exécutée dès l’automne 2021. Il s’agissait d’abord de maintenir les vannes ouvertes, ce qui a permis à l’Orne de retrouver un axe d’écoulement principal et une partie des sédiments fins ont pu être mobilisés. Le « dénoiement » a permis la réapparition de cinq zones dites de « radier » (zones de ré-accélération de la vitesse du courant).
La Ville de Sées avait pour idée première de curer la retenue et évacuer les vases. Mais face aux difficultés d’accès au chantier, le volume de matériau à extraire, le coût de l’intervention et sachant que cette opération ne résoudrait pas les problèmes inhérents à cette retenue, la Ville a sollicité les services de la Communauté de communes, structure compétente dans la Gestion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations (GEMAPI), pour mener une réflexion plus globale et plus adaptée au contexte actuel (réchauffement climatique, érosion de la biodiversité, dégradation de la qualité de la ressource en eau, diminution du débit des rivières, …). Et c’est en ce sens que le projet d’aménagement de l’Orne a été conçu, sans compromettre l’aspect patrimonial et esthétique du lieu. Cette action locale s’inscrit aussi dans une démarche générale menée par la Communauté de communes des Sources de l’Orne depuis plusieurs années visant à restaurer le « bon état » des cours d’eau sur son territoire.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
J’ai trouvé finalement assez peu de retours d’expérience se rapprochant de notre contexte. Mais pour nous, la recherche d’un milieu plus fonctionnel et plus naturel était au cœur de notre démarche de restauration. Pour cela, il apparaissait donc évident de s’appuyer sur des Solutions d’adaptation fondées sur la Nature (SafN) et notamment l’emploi de techniques issues du génie végétal. Ces techniques qui s’attachent à reproduire un environnement naturel représentent des solutions efficientes face aux dérèglements climatiques et sont très souvent plus économiques. Je me suis donc rapproché d’entreprises d’aqua pépiniériste pour m’informer sur les produits les plus adaptés à notre situation, sur les modalités de mise en œuvre, de suivis et d’entretien. C’est ainsi que notre choix s’est porté sur les fascines pré-végétalisées d’hélophytes.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Une étude diagnostique a été menée en régie par la communauté de communes pour mieux appréhender les effets de la retenue d’eau sur la qualité physico-chimique, physique et biologique du milieu. Avec notre stagiaire, nous avons cherché à identifier les problématiques de cette retenue d’eau, nous avons fait des analyses, une vidange pour constater les espèces en présence, et effectuer un état des lieux. Les résultats ont démontré une influence de la retenue d’eau sur la dégradation de la qualité de l’Orne, et notamment une augmentation de la température de l’eau de +1,3°C par rapport à la température mesurée à l’entrée de la Ville, ainsi qu’une baisse de la concentration en oxygène dissous dans l’eau. Mais c’est une autre analyse qui a permis d’expliquer la mauvaise qualité de l’Orne. Il s’agit des matières phosphorées et plus particulièrement des orthophosphates (PO43-). Ces derniers sont l’un des principaux facteurs de prolifération de plantes aquatiques et d’eutrophisation des cours d’eau. Ils proviennent des activités agricoles et des rejets d’agglomérations. Leur concentration, le jour de l’analyse, le 8 juin 2021, était relativement élevée (>1,10 mg/l), expliquant notamment le phénomène d’eutrophisation observé sur le milieu.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans un projet ?
La connaissance du fonctionnement naturel des cours d’eau (l’hydromorphologie) est essentielle dans la mise en œuvre d’une opération de génie écologique. Il faut avoir un état de référence en tête, des connaissances techniques et pratiques. Il faut aussi de solides compétences dans le montage des procédures administratives et réglementaires. Nous avons dû également démontrer que le projet n’avait pas d’influence sur le risque d’inondations.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Etant donnée que le site est un lieu de passage touristique et du fait de la proximité avec la cathédrale de Sées, la bonne intégration paysagère du projet a été un volet très important, car déterminant dans l’acceptation du projet, notamment par les riverains, les élus et l’architecte des Bâtiments de France. C’est pour cela que l’utilisation de fascines pré-végétalisées d’hélophytes a été pertinente. La mise en place des fascines s’est déroulée début octobre 2023, alors que l’Orne était toujours en période d’étiage.
Au vu du contexte urbain, l’un des gages de réussite du projet a été la communication préalable auprès de la population. L’idée était de les informer sur les problématiques rencontrées et de les préparer aux évolutions du site, notamment visuelles, avec la disparition de la retenue d’eau. La prise en compte des remarques a été prépondérante dans l’acceptation du projet. Cette communication avec la population a démarré dès la définition du projet et a duré 2 années, rendant l’adhésion plus facile. Aussi, s’agissant d’une action encore assez peu déployée dans la région, l’avis des différents acteurs de la gestion de l’eau a été très important pour trouver un consensus sur l’évolution des usages. Les riverains ont accepté la disparition d’un paysage « figé » de plan d’eau pour voir apparaître un paysage remuant avec une eau courante et changeant au gré des saisons ainsi que l’installation d’une végétation moins maîtrisée. Le projet offre donc une formidable opportunité pour la population de se réapproprier les lieux et de redécouvrir l’Orne un peu plus « sauvage ».
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
L’action a été intégrée dans le Programme Pluriannuel mené par la Communauté de communes des Sources de l’Orne.
Le coût des travaux était de 23 525 € HT, avec des aides au financement :
- Agence de l’Eau Seine-Normandie : 60 %
- Région Normandie/Europe (FEDER) : 30 %
Le reste à charge de 10% a été pris par la Communauté de communes des Sources de l’Orne. Les aides régionales et européennes sont intervenues dans le cadre de leur axe « Préservation de la nature et de la biodiversité hors Natura 2000 ».
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagné dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
La Ville de Sées et son service Espace Vert, la Fédération de pêche de l’Orne et son association locale : APPMA, l’architecte des Bâtiments de France et l’entreprise titulaire du marché public SAS PROVERT (61).
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
Début 2021
Octobre 2021
Octobre 2023
Chiffres clés
50
120
3-4
À retenir
Ce projet est l’illustration que la Nature est capable de reprendre ses droits très rapidement, si tant est qu’on lui donne un léger coup de pouce. Moins d’un an après les travaux, le changement est flagrant visuellement. Une végétation variée s’est installée. Nous sommes passés de 3 essences végétales à plus de 18 espèces aujourd’hui. Le retour de la truite ne s’est également pas fait attendre, l’hiver suivant l’ouverture du vannage, une frayère a été observée dans l’emprise de l’ancienne retenue.
Du fait qu’il s’agisse d’un projet peu commun, ce dernier a été présenté aux Trophées de l’adaptation au changement climatique Life ARTISAN Normandie. Même si la candidature n'a pas été lauréate du concours, l'Agence normande de la biodiversité et du développement durable a souhaité valoriser le projet et a proposé à la Communauté de communes d’intervenir lors des rencontres du réseau "Biodiversité & territoires" sur la thématique des Solutions d'adaptation fondées sur la nature (SafN).
Il est primordial de bien considérer l’aspect patrimonial du bâti, de composer avec ces contraintes. Mais aussi de prendre en compte les observations des riverains. Il faut bien sensibiliser la population sur les enjeux de qualité de l’eau. Dans le cadre de ce projet, la communication a vraiment été un facteur de réussite.
Ressources
CC Sources de l'Orne - Service rivières et bassins versants
Apporter des solutions aux problèmes récurrents d’inondation rencontrés particulièrement sur les communes dont le point commun est de se situer sur les bassins versants de la Thouane et de la Sennevière, dans le cadre de la GeMAPI.
Les partenaires de ce projet

Commune de Sées

Agence de l’eau Seine-Normandie

FEDER

Fédération de pêche de l’Orne

Association des Architectes des Bâtiments de France
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
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