Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une classe de molécules de synthèse qui sont utilisées depuis des décennies pour de nombreux usages (imperméabilisation, cosmétiques, antiadhésifs, etc.). Il existerait aujourd’hui près de 12.000 molécules composant la famille des PFAS, également appelés « polluants éternels ». En effet, au regard de leur persistance, ces substances ne se dégradent que difficilement et celles-ci sont à l’origine d’une pollution exposant la population à des risques sanitaires.
Depuis peu, cette problématique est abordée directement par le droit et la première approche a été réalisée sous l’angle de la qualité de l’eau potable distribuée. Ainsi, la directive européenne n° 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (dite « directive eau potable »), transposée sur ce point en France par arrêté du 30 décembre 2022, a fixé des obligations en matière de PFAS pour les fournisseurs d’eau potable. Ces obligations ont été étendues par la loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
Quelles sont les obligations applicables en matière de PFAS pour la fourniture d’eau ?
Le fournisseur d’eau doit veiller au respect des exigences de qualité définies par le Code de la santé publique (CSP). A cet égard, l’eau distribuée doit notamment se conformer à des limites de qualité (article R. 1321-2 du CSP).
La directive eau potable fixe notamment des valeurs limites en matière de PFAS que doivent respecter les eaux destinées à la consommation humaine :
- tout d’abord, la somme de 20 PFAS identifiés en annexe de la directive ne doit pas dépasser la valeur de 0,10 µg/L ;
- la totalité des PFAS (c’est-à-dire au-delà des 20 PFAS identifiés) ne doit pas dépasser 0,50 µg/L (conformément à des lignes directrices techniques).
L’arrêté du 30 décembre 2022 susmentionné a repris la limite de qualité liée à la somme des 20 PFAS identifiés par la directive. Il est donc nécessaire, pour que l’eau distribuée corresponde aux limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine, que la concentration en PFAS n’atteigne pas la valeur limite de 0,10 µg/L (pour la somme des 20 PFAS identifiés par l’arrêté). Concernant les eaux brutes, cette valeur est fixée à 2 µg/L. Cette limite de qualité est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
Le fournisseur d’eau doit également assurer le contrôle sanitaire de l’eau, et un second arrêté du 30 décembre 2022 a intégré les PFAS à ce contrôle en application de la directive eau potable. Il est ainsi désormais prévu que le contenu des analyses types à effectuer sur les échantillons d’eau prélevés au niveau de la ressource (eau brute) et au point de mise en distribution inclut les 20 PFAS identifiés par la directive. Il est à ce stade prévu que ce contrôle entre en vigueur au 1er janvier 2026.
Mais la loi du 27 février 2025 prévoit l’extension de la liste des PFAS intégrés au contrôle sanitaire de l’eau potable aux substances identifiées par un nouveau décret à venir ainsi qu’à l’ensemble des PFAS quantifiables dont le contrôle est justifié par des circonstances locales.
Quelle réaction avoir en cas de découverte d’une pollution aux PFAS ?
Lorsque les limites de qualité de l’eau potable sont atteintes, le fournisseur d’eau doit adopter plusieurs mesures définies aux articles R. 1321-26 et suivants du CSP. Il doit tout d’abord en informer le maire et le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) et mener une enquête sur les causes de cette mauvaise qualité (article R. 1321-26 du CSP), mais surtout prendre le plus rapidement possible les mesures correctives nécessaires afin de rétablir la qualité de l’eau (article R. 1321-27 du CSP). La loi du 27 février 2025 impose par ailleurs au gouvernement d’élaborer dans le délai d’un an un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables des services publics d’eau potable et d’assainissement.
Si ces mesures correctives ne permettent pas de rétablir la qualité de l’eau, la personne responsable de la distribution d’eau doit solliciter auprès du Préfet une dérogation aux limites de qualité (article R. 1321-31 du CSP).
Dans tous les cas, si le Préfet estime, sur le rapport du directeur de l’ARS, que la distribution de l’eau constitue un risque pour la santé des personnes, il lui revient de demander au fournisseur d’eau de restreindre, voire d’interrompre la distribution ou de prendre toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé des personnes (article R. 1321-29 du CSP). Le fournisseur d’eau est également tenu d’informer les consommateurs lorsque les limites de qualité ne sont pas respectées (articles L. 1321-4 et R. 1321-30 du CSP).
Comment identifier les pollueurs ?
La première difficulté consistera tout d’abord pour le fournisseur d’eau à identifier les auteurs des pollutions aux PFAS. Plusieurs outils sont alors à sa disposition pour aider à cette identification.
- Des informations publiques sont tout d’abord disponibles sur plusieurs sites tel que celui des ARS ou encore la plateforme Géorisques. En outre, la loi du 27 février 2025 impose à l’Etat d’élaborer une carte des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS, ce qui pourrait faciliter l’identification des pollueurs.
- Il est également possible d’envisager de mobiliser le droit d’accès à l’information environnementale. Cette démarche devrait permettre au fournisseur d’eau d’obtenir des analyses et informations détenues par des administrations, telles que les ARS ou les préfectures et les Agences de l’eau, sur la qualité de l’eau ou encore sur certains rejets aqueux pouvant être émis par des installations classées pour la protection de l’environnement.
- Enfin, une fois les premières informations disponibles obtenues, il est également possible de demander au juge d’ordonner la réalisation de mesures d’expertise afin de déterminer l’origine et l’étendue d’une pollution aux PFAS. C’est notamment ce qu’a décidé le Tribunal judiciaire de Lyon dans une récente décision du 2 août 2024 (TJ de Lyon, 2 août 2024, Métropole du Grand Lyon et a., n°24/00538). Selon les faits de chaque espèce, il importe toutefois d’identifier précisément quel ordre juridictionnel, administratif ou judiciaire, doit être saisi. Saisi d’une demande d’expertise en matière de PFAS dirigée contre une entreprise, le juge administratif a par exemple pu se reconnaitre incompétent (TA de Lyon, 17 octobre 2023, commune d’Irigny, n° 2303006).
Comment engager la responsabilité des pollueurs ?
Une fois les pollueurs identifiés, il pourra être envisagé d’engager leur responsabilité. Les régimes de responsabilité à mobiliser dépendront alors des circonstances de l’espèce et également de la nature de l’auteur de la pollution : une personne publique ou une personne privée.
S’agissant des personnes privées, les régimes de responsabilité pour faute, négligence, ou encore la responsabilité du fait des choses souvent invoquée en cas de pollution, pourraient être mobilisés.
Le régime du trouble anormal de voisinage, aujourd’hui consacré à l’article 1253 du Code civil, a également pu être mentionné par le juge dans sa décision du 2 août 2024 sur une demande d’expertise en matière de PFAS (TJ de Lyon, 2 août 2024, préc.).
La responsabilité des personnes publiques pourrait être envisagée pour faute ou, le cas échéant, sur le fondement de la responsabilité pour dommage causé par des ouvrages ou travaux publics.
Comment faire cesser la pollution ?
Si, une fois identifiées, les pollutions aux PFAS sont causées par des ICPE, il pourrait également être envisagé de se rapprocher des services de l’Etat d’une demande tendant à ce que des prescriptions plus restrictives et spécifiques aux PFAS soient adoptées et imposées à l’exploitant, voire d’imposer des sanctions si des prescriptions existantes ne sont pas respectées.
Par ailleurs, la loi du 27 février 2025 impose à l’Etat d’adopter une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux des PFAS des installations industrielles, de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans.