La Vèze d’Ougney en aval de Taxenne (39) renaît suite à son reméandrement
Dans les années 50, comme beaucoup de petits cours d’eau, la Vèze d’Ougney dans le Jura (39) a été rectifiée afin de libérer du terrain agricole. Mais ces aménagements ont entraîné des effets délétères : accélération des écoulements, crues soudaines, perte de biodiversité et rupture du fonctionnement naturel de la rivière.
Face à ce constat, le Syndicat Mixte d’Aménagement de la Moyenne et Basse Vallée de l’Ognon (SMAMBVO) et les élus ont engagé dès 2010 un programme de restauration de la Vèze. Après une quinzaine d’années d’études et d’échanges, la première phase de reméandrement est terminée.
Elle repose sur des solutions fondées sur la nature qui visent à redonner à la rivière sa dynamique, recréer des habitats pour la faune, ralentir les crues et améliorer l’infiltration de l’eau dans les sols. Une réponse concrète aux enjeux écologiques comme aux risques d’inondation.







Entretien avec Yves Marchiset-Nialon, Directeur du Syndicat Vallée de l'Ognon (SVO)
 
											Ce projet est présenté par :
- Yves MARCHISET-NIALON, Directeur du Syndicat Vallée de l’Ognon (SVO)
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet s’est-il imposé à l’agenda du Syndicat Vallée de l’Ognon (SVO) ?
À Taxenne, la Vèze d’Ougney faisait figure de ruisseau sacrifié. Rectifiée, curée à de multiples reprises, elle s’était transformée en simple fossé, incapable de retenir l’eau, de limiter les crues ou de maintenir la biodiversité. Les déséquilibres écologiques étaient tels que la rivière ne jouait plus son rôle de régulateur naturel et les communes de Taxenne et Ougney subissaient des inondations importantes.
Conscients de ces enjeux, nous avons engagé, avec les élus locaux, une longue démarche de dialogue avec les riverains. Quinze années de discussions patientes ont permis de poser les bases d’un projet ambitieux, fondé sur des solutions naturelles et durables. En tout, c’est près de 7 kilomètres de la Vèze d’Ougney qui doivent être restaurés dans les années à venir.
En début d’année 2024, nous avons signé les dernières conventions de propriétaires permettant d’engager la première phase des travaux sur le tronçon situé sur la commune de Taxenne. La 2ème phase portera sur la commune d’Ougney, la plus touchée au niveau inondation, et une 3ème étude démarrera l’année prochaine (2026) sur le secteur Rouffange.
Nous avons commencé par dévier la rivière dans un bras secondaire pour éviter de travailler dans l’eau. Ensuite le sol a été terrassé et les méandres créés hors d’eau à l’aide de pelleteuses avec GPS. C’est du travail de précision. Il faut quelques semaines pour dessiner un nouveau lit, une fois fait, le bras secondaire a été ouvert pour que l’eau s’insinue dans le nouveau lit. De plus, nous avons réalisé des modifications importantes au niveau du pont, car celui-ci n’était pas dimensionné pour laisser passer les eaux en période de crue. La partie de la digue du chemin de fer qui faisait obstacle à la montée des eaux à Ougney, nous a servi de remblais.
La remise en eau est une étape délicate, car forcément, il y aura une coupure à l’aval le temps que le lit se remplisse. Tout doit être bien calé pour qu’il n’y ait pas de perturbations.
Nous avons noué un partenariat avec les fédérations de chasse et la Chambre d’agriculture pour les plantations, essentiellement des essences locales telles que des aulnes, des noisetiers, des fusains…
C’est le seul secteur où il n’y a pas de Renouée du Japon (plante invasive), c’est la raison pour laquelle nous avons été très attentifs à ne pas utiliser de remblais extérieur et à laver systématiquement les camions au karcher.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Nous avons de plus en plus de recul sur ce type de projet puisque c’est le 5ème projet de cette envergure que nous traitons.
Quand un cours d’eau fonctionne bien, il joue son rôle d’éponge au niveau de la ressource en eau, du stockage. Les agriculteurs le disent : quand on a un ruisseau réméandré, les prairies autour sont vertes. Dans le même temps, la faune et la flore reviennent.
Pour vous donner un exemple, nous avons mené le même type de projet sur Loulans-les Forges. Aujourd’hui, ce ruisseau est une nurserie naturelle. La population de poissons a été multipliée par trois. La nature reprend ses droits à partir du moment où on l’aide un peu.
Nous souhaitons que le site de Taxenne nous serve de référence, pour que les habitants des communes autour comprennent les travaux et voient que cela fonctionne.
Et quand un ruisseau coule bien, qu’il est diversifié, le cadre de vie est quand même beaucoup plus agréable.
Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens et/ou coconstruit avec eux ?
Nous sommes capables de réaliser des projets 100% en interne, mais ça demande une logistique importante, surtout vu le nombre de dossiers traités. Il nous arrive donc de faire appel à des prestataires externes.
Nos techniciens et ingénieurs spécialisés dans le domaine des rivières vont dégrossir le travail sur le terrain et concevoir le cahier des charges qui servira de consultation au cabinet d’études choisi.
Pour mener ce genre de dossier, il faut des équipes passionnées par leur travail et des élus convaincus et motivés. Un syndicat, c’est une structure avec des gens qui siègent et qui votent des projets. Nous avons un budget à respecter, des actions programmées sur une année. Aujourd’hui le syndicat porte plus de 80 dossiers.
Pour ce projet, le syndicat a acheté 3.4 hectares à l’aval, là où il y aura un autre reméandrage. Le propriétaire refusait tout, tout dialogue avec nous. Finalement au bout de 6 mois et après de nombreux allers et retours, nous avons réussi à nous mettre d’accord pour le rachat de la parcelle. Acquérir du terrain, c’est préserver notre travail et assurer l’avenir.
En effet, la grosse problématique dans ce genre de dossier est que la plupart des terrains concernés sont privés. Une collectivité ne peut pas intervenir sans les accords des propriétaires et quand vous en avez entre 50 et 70 à convaincre ce n’est pas simple.
Reméandrer veut dire que forcément, perte de terrain pour les propriétaires, toutefois, nous finançons la remise en état. Par exemple, pour la GAEC Vernois de Taxenne, la plus impactée par rapport à la surface, nous avons signé une convention dans laquelle nous nous sommes engagés à installer des passages et 3 abreuvoirs solaires de 5 000 litres.
Des clôtures seront construites le long du ruisseau pour éviter que les bêtes aillent dedans.
Puis nous allons replanter et ensemencer la prairie avec des graines locales, ce qui lui fera de la fauche et du pâturage de meilleure qualité.
Nous avons donc procédé à différentes réunions techniques avec les riverains afin d’expliquer les objectifs et les avantages de la reconquête du ruisseau, notamment l’atténuation du phénomène de crue. Ce sont des discussions à bâtons rompus, parfois agréables parfois très virulentes.
La réussite d’un projet tient aussi à la pédagogie. Il faut beaucoup de patience et savoir garder son calme, ne pas répondre aux attaques, mais voir chaque personne individuellement, car dans les villages, un règlement de comptes familial peut bloquer un projet.
Avez-vous mené une étude en amont du projet pour définir sa faisabilité et/ou son impact ? Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?
La première étude sur l’ensemble du ruisseau a démarré il y a plus de 10 ans afin de repérer tous les dysfonctionnements pour les traiter, puis 5 ans après, nous avons mené la deuxième. Entre le début de l’étude qui dure en général un an et demi, l’instruction réglementaire, l’appel d’offres et le début des travaux, c’est très long.
Avant les travaux, nous commençons par un état des lieux, tout ruisseau a un talweg, le point le plus bas. La première chose que nous faisons est de rechercher ce point, car c’est là que l’eau se dirige naturellement. Ensuite grâce aux ombres dessinées par une vue aérienne, nous avons retrouvé le tracé de l’ancien cours. Nous cherchons toujours à remettre le ruisseau dans son lit originel.
Une fois le reméandrage terminé, le suivi des aménagements sera assuré par le SVO. Trois ans après la fin des travaux, il évaluera les premiers effets sur la biodiversité, la qualité de l’eau et la prévention des inondations. Puis, des diagnostics seront conduits à 5 et 10 ans.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?
Ce projet est évalué à 524 000 € HT.
Le coût total des travaux, hors suivi, a été financé à hauteur de 70 % par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse et de 10 % par la région Bourgogne Franche-Comté.
20 % du montant sont restés à charge du Syndicat de la Vallée de l’Ognon (SVO).
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Nous avons mis en place un comité de pilotage comprenant le syndicat, le bureau d’études et tous les partenaires, qui vont de l’Agence de l’eau aux différents financeurs et aux services réglementaires de l’État ainsi que la Fédération de pêche et de chasse. Tout le monde est autour de la table, le projet est présenté, débattu, discuté. Une fois validé, il est instruit. C’est la marche logique, il n’y a pas de surprises.
Téléos a été chargé de mettre en place l’étude définitive, d’instruire le dossier réglementairement avec la DDT, de faire l’appel d’offres, puis de manager le chantier.
Quels conseils donneriez-vous à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?
Pédagogie, concertation. Et si ça concerne son territoire, faire abstraction de tout ce qui est relationnel. Et puis expliquer et réexpliquer, c’est de la redite. Il faut négocier, ne pas lâcher, nous sommes là pour les générations futures.
Reméandrer un cours d’eau est un travail de fond. Il faut faire preuve de diplomatie, prendre le temps. Or, le temps c’est de l’énergie et de l’argent pour une collectivité.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.
 
													Le projet en détails
Dates clés
Fin 2023
2024
2024 - 2025
Fin septembre 2025
Chiffres clés
1 095
80
454 000
À retenir
Le projet est réalisé et correspond à nos attentes
Le projet a répondu aux attentes sur l'inquiétude des riverains à propos des crues
La négociation avec les propriétaires a été compliquée
Ressources
Restauration de la Vèze d'Ougney en aval de Taxenne
Syndicat de la vallée de l'OGNON
Les partenaires de ce projet

Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse

Région Bourgogne Franche-Comté

Fédération de pêche et de chasse
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
En savoir plus sur le Syndicat de la Vallée de l’Ognon
EPCI membres
Données de contact
Les autres projets - Prévention des inondations
La Vèze d’Ougney en aval de Taxenne (39) renaît suite à son reméandrement
À Vitreux (39), la lutte contre les inondations passe par la création de deux bassins de rétention
 
													 
													Dans l’Aude (11), le SMMAR renforce le suivi hydrométrique pour prévenir les crises hydriques
 
													 
													Vous êtes passés à l'action sur la gestion de l'eau ?
 
													 
								
 
													