Seine Grands Lacs (77) : casier pilote de rétention des crues
En bord de Seine, une station de pompage permet de pomper 42 m³ par seconde en 66 heures pour l’évacuer dans un casier (espace ceinturé d’une digue dont le périmètre fait 7,6 km pour une digue de 2,50 m de haut). Le casier a la capacité de stocker 10 millions de m³ de la Seine de façon temporaire et, ainsi, de réguler indirectement les crues de l’Yonne.
Lorsque l’Yonne est en crue, on peut prélever une très grande quantité de l’eau de la Seine avant que l’Yonne ne s’y jette, pour ainsi diminuer de 42 m³/seconde le débit de la Seine après la confluence. La probabilité que cela se déclenche est d’une chance sur 6 chaque année. Et, dans ce cas, ce système de casier permet de diminuer de 10 à 15 cm le niveau d’eau à Paris, faisant économiser 15 millions d’euros par an en moyenne. Ce casier aurait, par exemple, été utilisé lors de la crue de 2016.




Entretien avec Baptiste Blanchard, directeur général des services de Seine Grands Lacs.

Ce projet est présenté par :
- Baptiste Blanchard, directeur général des services de Seine Grands Lacs.
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment ce système de casier pilote s’est-il imposé à l’agenda de Seine Grands Lacs ?
Cela remonte à une crue qu’a connu l’agglomération parisienne en 1982, à la suite de laquelle nous avons cherché des solutions. Les premières études sur ces casiers ont eu lieu dans les années 1990. Le projet a maturé et fait l’objet d’un grand débat public en 2010-2011. La crue de 2016 a accéléré le processus. Les préfets Jean-François Carenco et Michel Cadot, en fonction comme préfet d’Ile-de-France et de Police, ainsi que Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris, ont appuyé le projet. Une consultation publique formelle a eu lieu en 2020.
Au début, il était question de construire neuf casiers qui, en cumul, auraient permis de faire baisser de 40 cm le niveau d’eau. Mais avant cela, nous avons commencé par créer un casier pilote.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour construire ce casier pilote ?
Nous disposions de l’exemple des polders rhénans qui sont les modèles qui se rapprochent le plus de notre casier : deux casiers en bordure du Rhin, l’un situé à Erstein au sud de l’agglomération de Strasbourg, l’autre est le polder de la Moder, au nord du Bas-Rhin. Ils ont été réalisés dans le cadre d’une convention franco-allemande qui vise à protéger les zones urbanisées en Allemagne contre les crues du Rhin. Ces casiers ont à peu près la même superficie mais il y a une différence : ils sont alimentés de manière gravitaire, c’est-à-dire que le Rhin est « au-dessus » de ces casiers. Il est donc facile de les remplir alors que le nôtre est « au-dessus » de la Seine, il faut donc pomper pour le remplir. Nous disposons d’une station de pompage très puissante.
Nous avons notamment innové sur un plan foncier : nous avons décidé de ne pas exproprier l’ensemble des propriétaires à l’intérieur du casier mais seulement à deux endroits : aux emplacements de l’assise des digues et de la station de pompage, et des mesures compensatoires environnementales. Dans le reste de l’espace, nous avons permis aux propriétaires qui souhaitaient conserver leurs terrains de les conserver, avec une convention de servitude de surinondation. C’est-à-dire que le propriétaire accepte que l’on inonde ponctuellement son terrain en échange d’une indemnisation et d’une remise en état.
Par ailleurs, nous avons aussi surcompensé l’impact environnemental. Nous avions une obligation de 60 hectares de mesures compensatoires mais nous avons quasiment doublé la superficie restaurée d’un point de vue écologique. Soucieux de porter un projet exemplaire, ces mesures représentent 10 millions d’euros, c’est le 2ème en France dédié à l’accompagnement écologique après le canal Seine-Nord.
Est-ce qu’une étude de faisabilité du projet a été réalisée en amont ?
Bien sûr, pour obtenir une autorisation environnementale, l’étude d’impact est obligatoire. Nous en avons même réalisé deux : l’une sur le casier pilote, l’autre, plus globale, sur les huit autres casiers même s’ils ne vont pas être réalisés, du moins pas tout de suite car la décision n’est pas prise.
Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans un tel projet ?
Nous avons besoin d’une solide compétence en ingénierie. Nous avons dû recruter des ingénieurs hydrologues, etc. Nous avons dû faire appel à des experts de haut niveau en droit foncier (droit d’expropriation, servitude de sur-inondation, etc.). Nous avons aussi besoin d’ingénieurs écologues. Il nous faut aussi des compétences en géologie, en ingénieurs civils, en électrotechniciens (supervision des automates qui contrôlent les appareils de mesure, etc.), en ingénierie du métier de pompage.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment avez-vous assuré l’adhésion des citoyens ?
Nous nous sommes adaptés. Au début, le projet était prévu avec une digue beaucoup plus haute et, finalement, après des concertations et des études, nous avons revu cette hauteur.
A cet emplacement se trouvent des huttes de chasses aux oiseaux d’eau, de la chasse au gros gibier, des usages de promenades, de l’exploitation de bois et deux agriculteurs travaillent ici. Nous avons donc dû faire preuve de beaucoup de concertation, ce qui ne nous a pas empêchés de rencontrer des oppositions. Une association opposée au projet a même effectué des recours.
Aujourd’hui, nous entrons dans une période d’apaisement grâce à un traitement au cas par cas, en étudiant la situation des propriétaires. Nous connaissons les noms des 35 propriétés privées et plus de 200 propriétaires. On s’efforce de s’adapter aux usages du site. Nous avons par exemple établi un état des lieux des huttes de chasses. Nous avons signé un protocole avec les chasseurs : le chasseur subira une perte de jouissance lors des mises en eau, il percevra donc des indemnisations de compensation.
Nous avons aussi dû négocier avec une entreprise pour lui demander de quitter le site pour qu’elle se déplace ailleurs.
Nous entretenons un dialogue étroit avec les élus locaux, notamment avec les cinq maires de communes riveraines du projet, et la communauté de commune Bassée-Montois.
Comment avez-vous réussi à financer ce projet ?
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations), prévu par le Code de l’Environnement. Ce dispositif nous a permis d’obtenir 50% d’aide de l’État. La Métropole du Grand Paris, se situant en aval du projet, a quant à elle apporté 30%. Restait donc à Seine Grands Lacs de financer les 20 % restants. Dans le cadre de cet autofinancement, Seine Grands Lacs a contracté un prêt de 13 millions d’euros auprès la Banque des Territoires. L’opération financière a été complexifiée par l’inflation des matériaux. En tout, le projet est estimé à 149-150 millions d’euros.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
2018
Décembre 2020
14 octobre 2022
15 janvier 2025
Chiffres clés
15
10
42
Résultats
Le volet environnemental est très diversifié, avec des mesures contre les espèces invasives, des mesures pour la microfaune et la restauration des zones humides.
À retenir
Nous disposons d’une station de pompage qui fonctionne très bien.
Notre approche foncière est certes complexe mais très innovante.
Nous avons souhaité faire travailler les entreprises locales en multipliant les lots de travaux, mais le nombre est très élevé, avec 36 lots et une centaine d’entreprises Si c’était à refaire, nous aurions fait des lots plus conséquents pour avoir moins d’acteurs à orchestrer. Le nombre de lots nous a fait perdre du temps, pour un bénéfice insuffisant pour les entreprises locales.
Ressources
Seine grands lacs - Où en sommes-nous de la mise en eau test du casier pilote Seine-Bassée ?
Après plus de deux ans de chantier, le casier pilote de la Seine Bassée a connu sa première mise en eau test en janvier 2025. Celle-ci a permis de vérifier le fonctionnement des ouvrages, d’observer le comportement des installations et d’ajuster certains dispositifs. Cette étape marque une avancée significative dans la mise en service progressive de l’ouvrage. Le flash info de juillet revient en détail sur les étapes de cette mise en eau test et est disponible en téléchargement ci-dessous.
Les partenaires de ce projet

Banque des Territoires

ANEB
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