En France, les nappes souterraines représentent près de 70 % des réserves destinées à l’alimentation en eau potable.
Depuis une dizaine d’années, sous l’effet du changement climatique, le processus naturel de recharge des réserves d’eau souterraine n’est plus garanti. C’est pourquoi la France s’est engagée, au travers du Plan Eau de l’Etat notamment, à plus de sobriété et à une préservation de ses ressources.
Pour soutenir le niveau des nappes et la qualité de ces réserves, il est possible de procéder à leur réalimentation, une pratique mature et écologique qui s’inspire du cycle naturel de l’eau.
De quoi s’agit-il ?
Cette pratique ancienne basée sur la nature et industrialisée depuis la fin des années 1950 par SUEZ, consiste à introduire de façon volontaire et maitrisée une quantité d’eau douce dans une nappe phréatique dédiée aux captages, pour :
- restaurer, maintenir ou augmenter les volumes d’eau disponibles dans le sous-sol en période hivernale (mais aussi en surface en période estivale en soutenant les débits d’étiage),
- préserver ou restaurer la qualité des eaux qui peut être polluée par différentes sources (intrusion d’un biseau salé, pollution aux pesticides…). A titre d’exemple, il arrive que de l’eau salée s’infiltre dans une nappe, ce qui rend l’eau inutilisable pour l’eau potable ou l’irrigation agricole. 1% d’eau de mer suffit à détériorer la qualité des nappes phréatiques et cette contamination n’est réversible qu’à long terme. Il est donc important de mettre en place des actions préventives pour empêcher l’intrusion du biseau salé en créant une zone tampon sous la forme d’une barrière hydraulique.
Quels sont les pré-requis pour la réalimentation de nappes ?
Il faut des conditions hydrogéologiques (autrement dit les caractéristiques du sous-sol) favorables. Il faut notamment disposer d’un aquifère pouvant stocker une quantité d’eau suffisante dans la durée, et d’un cours d’eau situé à proximité, capable de fournir le volume et la qualité d’eau nécessaire.
Il y a évidemment d’autres pré-requis comme une gouvernance de l’eau claire et partagée par les différentes parties prenantes, l’accès au foncier pour réaliser le projet, le financement nécessaire….
Quelles eaux brutes peut-on utiliser ?
En France, la recharge maitrisée des aquifères est essentiellement réalisée à partir d’eaux de surface, prétraitées ou non, disponibles en quantité et en qualité sur plusieurs mois, ce qui exclut les eaux de pluie (disponibles seulement sur de courtes périodes et de qualités variables).
Les eaux usées traitées sont interdites pour recharger des nappes à des fins de production d’eau potable. Toutefois, l’évolution de la réglementation sur la REUT, permet d’envisager l’introduction de ces dernières pour soutenir indirectement les débits d’étiage ou pour protéger les captages dédiés à la production d’eau potable contre une pollution, telle que l’intrusion d’eau salée.
Combien de temps prend la mise en œuvre de ces projets et quelles sont les réglementations ?
Entre l’idée et la mise en œuvre d’une recharge de nappe, 2 à 3 ans en moyenne sont nécessaires.
En France, la recharge maitrisée des aquifères est soumise au Code de l’environnement (article R214-1, rubrique 2.3.2.0) et nécessite l’obtention d’une autorisation préfectorale associée à une étude d’impact(article R122-1, annexe – item 17) dont le niveau de complexité dépend des volumes injectés. De plus, le Code de la Santé Publique peut s’appliquer si le dispositif de réalimentation se situe dans les périmètres de protection des captages bénéficiant d’un système de recharge.
Quels sont les différents dispositifs de recharge possibles ?
La recharge indirecte
Il s’agit d’un dispositif utilisé pour la réalimentation des nappes libres, qui permet de stocker de grandes quantités d’eau, allant jusqu’à plusieurs millions de m3/an. Ce dispositif permet d’améliorer la qualité d’eau injectée grâce à une filtration et une épuration naturelle entre la zone non saturée (ZNS) et la zone saturée (ZS).
Dans les années 2000, la surexploitation de la nappe alluviale du Bas Gapeau a provoqué l’intrusion du biseau salé situé sous la mer Méditerranée et a été source de problème pour la ville d’Hyères Les Palmiers (Métropole de Toulon Provence Méditerranée). Pour restaurer la ressource, SUEZ a mis en place depuis 2011, le contrôle du niveau et de la qualité de la nappe par le suivi en temps réel de 20 piézomètres et la mise en œuvre de la méthode des gradients pour piloter les prélèvements et éviter toute nouvelle intrusion du biseau salé. Depuis 2015, SUEZ a mis en place la recharge maîtrisée de la nappe d’une capacité de 650 000 m3/an à partir des eaux du cours d’eau du Roubaud, pour restaurer l’aquifère en période hivernale humide et faire obstacle à l’intrusion du biseau salé en été.
Ces mesures ont permis de diviser par trois les achats d’eau sur une période sèche de 6 ans, renforçant l’autonomie en eau du territoire grâce à la préservation et l’utilisation d’une ressource locale moins énergivore et moins coûteuse.
La ville d’Hyères a été autonome à 97% en eau un an après la fin des travaux.
Un autre exemple de recharge de nappe indirecte est le dispositif de réalimentation du Pecq-Croissy, opérationnel depuis 1959, étant donné que la ressource souterraine devenait trop limitée face aux besoins en eau croissants de l’époque. Au total, 40 Mm3/an sont réinfiltrés pour l’alimentation d’environ 650 000 d’habitants. Pour réaliser ce dispositif, 50ha d’espace naturel en milieu urbain sont nécessaires, ainsi que 10 bassins de réalimentation couvrant 15 ha.
La recharge de nappe directe
Ce dispositif est utilisé pour réalimenter les nappes captives. Il s’agit d’injecter une eau brute ou traitée au travers d’un forage, permettant de générer une « bulle d’eau » dans une eau de nappe captive native.
SUEZ exploite des sites où sont pratiqués la recharge directe comme celui de la station d’épuration de Bolivar à Adelaïde, en Australie, où de l’eau usée traitée est réinjectée dans la nappe pour usage d’irrigation ultérieur.
Quelles sont les innovations en matière de recharge de nappe ?
Pour répondre à certaines problématiques de qualité d’eau issues des captages en bord de rivière tout en faisant de la recharge indirecte, SUEZ a développé un procédé innovant écologique, la Géofiltration®. Il utilise le pouvoir filtrant et purifiant des sols, en combinant le pompage d’eau souterraine et la réalimentation artificielle de la nappe phréatique. La circulation de l’eau dans des milieux successivement sous-oxygénés du sous-sol et oxygénés des bassins permet d’abaisser les teneurs en composés indésirables : nitrates, ammoniaque, fer, manganèse… La filtration est entièrement naturelle, sans réactif chimique. La qualité des eaux destinées à la potabilisation est améliorée grâce à des étapes de filtration naturelle.
En cas de pollution accidentelle sur le cours d’eau, ce procédé peut constituer une barrière hydraulique pour protéger les nappes phréatiques.
Les gravières sont souvent de bons exemples de sites proches des cours d’eau sur lesquels ce procédé peut être mis en œuvre. Plusieurs projets ont été réalisés par SUEZ avec succès à Verneuil-Vernouillet (78) ou Flins Aubergenville (78) par exemple.
En synthèse que faut-il retenir ?
La recharge de nappes permet d’augmenter les volumes d’eau souterraine disponibles en favorisant l’infiltration d’eau vers l’aquifère de manière artificielle. Cela permet de sécuriser l’approvisionnement en eau, en particulier dans les zones qui subissent les effets du changement climatique. Elle doit venir en complément de mesures visant la réduction des consommations.
Cette pratique n’est pas réplicable d’un territoire à l’autre car elle dépend des conditions hydrogéologiques, entre autres. Mais des procédés déjà éprouvés existent et ils sont à étudier au cas par cas dès lors qu’il y a un besoin et que les conditions de mise en œuvre sont remplies.