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La data au service d’une gestion écologique de l’eau : zoom sur 2 solutions et une initiative

Cet article a été rédigé par Florence Léandri

Crédits photos : Banque des Territoires - Techsprint 2024

Analyse de la pollution de l’eau et actions correctives ou définition d’une stratégie de planification urbaine et de gestion des eaux pluviales : l’innovation apporte des solutions là où il y a des manques ou trop de complexité. Et facilite les échanges entre les acteurs du cycle de l’eau. Démonstrations avec Waterwatch et Omni-Diag, deux solutions primées par le TechSprint de la Caisse des Dépôts.

 

Waterwatch, pour analyser la pollution des milieux aquatiques, la corriger, l’anticiper

Entretien avec Richard Barre, directeur général de Pixstart, à propos de sa solution Waterwatch. 

Que permet Waterwatch ?

C’est un service qui fournit une vision complète de l’état des milieux aquatiques dont les matières en suspension, la transparence de l’eau et le phytoplancton. Grâce à l’utilisation de la technologie satellitaire et de l’intelligence artificielle, la dynamique écologique des milieux aquatiques est appréhendée spatialement et temporellement. L’interprétation par nos experts de cette évolution spatio-temporelle permet de mieux appréhender les facteurs de pressions et la dynamique écologique globale ; mais aussi d’identifier les actions préventives et correctives requises pour améliorer et/ou sauvegarder la qualité de l’eau. Et comme les mesures satellitaires sont archivées nous pouvons suivre l’efficacité de ces actions dans le temps (passé, présent et futur).

Quelle est la genèse de Waterwatch ?

Waterwatch est le fruit des 20 ans d’expérience de Pixstart qui a pour vocation d’évaluer l’impact de l’homme sur la nature et de travailler pour un monde économiquement viable et plus résilient. Il y a quatre ans, l’une de nos associées, Lydwine Gross, qui a travaillé notamment au sein d’un laboratoire de la NASA sur le suivi de la qualité des océans par satellite, a été sollicitée par une filiale de Suez. Confrontée à des efflorescences récurrentes de cyanobactéries sur des bassins de rétention, la demande de la filiale de Suez était précise : pourvoir mesurer et anticiper le comportement de cette bactérie.
Photosynthétique, la cyanobactérie est essentielle au bon fonctionnement d’un milieu aquatique. Mais certaines ont la capacité de libérer des toxines dans l’eau qui, consommées, peuvent être dangereuses pour les humains et les animaux. Il y a donc des seuils réglementaires à respecter. De plus, une forte concentration de cette bactérie correspond à un début d’eutrophisation, soit une surabondance de matières organiques avec comme risque une asphyxie du milieu aquatique concerné.

Pour répondre au besoin de la filiale de Suez, nous avons conçu un modèle d’analyse satellitaire que nous avons affiné et complété au fil du temps pour délivrer une solution complète et opérationnelle.

Qu’apporte Waterwatch aux collectivités et aux syndicats des eaux ?

Waterwatch s’adresse à différents acteurs du cycle de l’eau. Avec cette solution, les responsables de l’assainissement sont à même de mieux comprendre et d’améliorer les effets de l’assainissement sur la qualité de l’eau et de repérer les zones susceptibles d’abriter des cyanobactéries toxinogènes. Pour les producteurs d’eau potable, l’analyse de l’eau conduite permet aussi d’agir en amont pour éviter la dégradation de l’eau brute et optimiser leur traitement.

 

Waterwatch – Pixstart

Pour les syndicats mixtes qui gèrent des étendues d’eau avec des activités nautiques, Waterwatch est le moyen de basculer d’un mode réactif, qui consiste à appliquer les mesures prônées par les Agences régionales de santé, à un mode préventif, pro-actif.

Et, pour les acteurs en charge de la qualité de l‘environnement et de la biodiversité, Waterwatch est le socle qui permet de rentrer dans une boucle vertueuse. Outre ces apports propres à chaque acteur, Waterwatch, en fournissant des données sincères, est un outil d’interaction entre les différents partenaires du cycle de l’eau et un facilitateur dans la recherche de financement pour mener des actions de correction.

Comment fonctionne Waterwatch ?

Waterwatch repose sur une imagerie satellitaire qui passe en continue et fournit tous les 2 à 5 jours une image très complexe du milieu aquatique visé, qui va de l’ultraviolet au proche infra-rouge. C’est le travail sur la couleur de l’eau qui permet de jauger de la concentration de tel composant – chaque composant a sa couleur- avec une précision équivalente à un prélèvement in situ, en dessous du microgramme par litre.

Quel rapport entretiennent les collectivités vis-à-vis de l’innovation technologique selon vous ?

A mon sens, il y a eu une bascule sur les deux dernières années, en lien avec l’accélération du changement climatique. Les acteurs locaux sont prêts à s’approprier les innovations technologiques car ils ont besoin de solutions performantes pour agir rapidement. L’objection la plus fréquente est la difficulté, réelle ou surestimée, à intégrer l’innovation dans les processus. Chez Pixstart, nous veillons à accompagner tant l’intégration que l’utilisation des nouvelles données.

Le vrai frein à la pleine appropriation par les collectivités des innovations vient plutôt des institutions étatiques. Ainsi, la réglementation actuelle portée par le ministère et les ARS se fonde encore et seulement sur les prélèvements in situ. De leur propre retour, il est essentiel cependant de compléter le contrôle réglementaire par des mesures spatialisées, qui favorisent l’analyse approfondie et la correction des éventuels déséquilibres des milieux aquatiques.

Quel est à date le déploiement de Waterwatch et quelles sont ses perspectives ?

Waterwatch est déployé depuis 3 ans avec une constante fidélité des premiers clients. Notre déploiement s’est accéléré en 2023 grâce au TechSprint : en multipliant par 3 le nombre d’acteurs utilisant la solution en un semestre et avec l’accompagnement dispensé, nous avons amélioré notre solution et recruté des commerciaux financés par le programme. Nous intervenons sur tout le territoire et travaillons avec des acteurs privés et publics sur un large spectre de taille. Et si récemment nous avons été sollicités pour intervenir sur la Seine, nous avons une solution budgétaire adaptée à chaque territoire, qu’il s’agisse d’un seul lac ou d’une rivière de plusieurs kilomètres. Côté perspectives, nous négocions des contrats en Europe !

Quelles sont les prochaines évolutions de votre solution ?

Technologiquement nous travaillons à une évolution de notre solution à destination des industriels pour réduire la pollution en amont des bases d’eau, à l’élargissement de nos zones de surveillances tel que le suivi des zones humides et à l’ajout de paramètres mesurables : après le carbone organique en 2024, nous nous attaquons à d’autres espèces de macro-algues et microalgues.

 

Omni-Diag : pour préserver les écosystèmes et construire des trajectoires d’adaptation au changement climatique

Entretien avec Edouard Patault, Responsable Recherche & Développement d’Altereo, à propos de la solution Omni-Diag 

Que permet Omni-Diag ?

C’est une solution digitale qui aide les collectivités à définir leur stratégie de planification urbaine et de gestion des eaux pluviales en leur fournissant un diagnostic intégré de leur territoire, sur deux volets : la gestion des eaux pluviales et l’artificialisation des sols.

Ce diagnostic identifie les opportunités dont les collectivités peuvent se saisir pour établir et mener à bien leur projet de territoire, au regard des besoins fonciers ou de la nécessité désimperméabilisation des sols par exemple.

Quelle est la genèse d’Omni-Diag ?

Tout a commencé avec notre participation à un projet R&D dans le cadre d’un appel spécifique de l’ADEME début 2022 en réponse aux exigences de la loi Climat et Résilience qui, à horizon 2050, impose zéro artificialisation nette (Zan). Il s’agissait d’apporter une réponse technique et opérationnelle à ce fameux objectif Zan. Notre projet, porté par un consortium réunissant différents instituts de recherches, des territoires d’expérimentation et des financeurs, s’est construit autour de la modélisation de l’artificialisation des sols. Car la loi, très contraignante pour les collectivités, exige une nouvelle approche faite certes de mesure quantitative mais aussi qualitative, c’est-à-dire d’une analyse des fonctionnalités, notamment écologiques, rendues par les sols. Or face à cet impératif, il y avait un manque d’outils pour poser ce double diagnostic initial. Les premiers développements portés par notre projet ont pallié ce manque : Omni-Diag était né.

Qu’apporte Omni-Diag aux collectivités/syndicats des eaux ?

Sur la partie artificialisation, Omni-Diag permet de calculer des bilans spatio-temporels d’artificialisation des sols, d’identifier les potentiels fonciers mobilisables, et d’évaluer les multifonctionnalités des sols. Comparé à d’autres solutions existantes qui pêchent par manque de précision, nos développements méthodologiques permettent une meilleure efficacité.
En matière de gestion des eaux pluviales, Omni-Diag identifie les zones les plus adaptées à la désimperméabilisation des sols et aussi les zones les plus impactantes si on les déconnecte du système d’assainissement. Ceci afin de permettre aux collectivités de s’aligner avec une exigence portée par la révision de la directive DERU, dite DERU 2 : réduire le rejet des eaux usées par temps de pluie.

Omnidiag

Sur toutes ces questions, Omni-Diag fournit des analyses territoriales robustes et donc un socle objectif favorisant les échanges au sein des collectivités désireuses de construire des trajectoires d’adaptation au changement climatique. C’est un plus très important car la gestion des eaux pluviales et la planification territoriale, qui relèvent de la compétence de différents acteurs, nécessitent un travail collaboratif et une vision à 360°.

Comment fonctionne Omni-Diag ?

Omni-Diag repose sur le traitement, via des algorithmes spécifiques développés en interne par Altereo, d’une quarantaine de catégories de données environnementales dont les fichiers fonciers parcellaires, les enveloppes urbaines, les friches disponibles, les périmètres de captages AEP, les périmètres des sites et sols pollués et la remontée des nappes.

Quel rapport entretiennent selon vous les collectivités vis-à-vis de l’innovation technologique ?

Les collectivités font face à un grand nombre de données territoriales sans avoir le plus souvent les moyens humains et techniques pour les traiter. Elles ne peuvent donc pas les utiliser sauf au prix d’une gestion couteuse et complexe. L’innovation technologique, et tel est le parti pris d’Altereo, décharge les collectivités de ce poids : elles peuvent donc se concentrer sur la stratégie. Ainsi, dans le cas du recours à Omni-Diag, leur valeur ajoutée peut se porter sur la mise en contexte local et l’élaboration du projet territorial.

Quel est à date le déploiement d’Omni-Diag et quelles sont ces perspectives ?

Le module Artificialisation des sols est expérimenté par différents syndicats mixtes dans le cadre du Schéma de cohérence territoriale (SCoT).
Celui sur la gestion des eaux pluviales est déployé sur le territoire de plusieurs communautés de communes. La première expérimentation de la solution complète s’est faite sur le territoire de l’Euro métropole de Strasbourg grâce à notre participation au TechSprint et nous travaillons à poursuivre le déploiement d’Omni-Diag sur les territoires qui ont la volonté de se projeter dans la nécessaire adaptation climatique.

Quelles sont les prochaines évolutions de votre solution ?

La première évolution est la résultante là aussi de l’accompagnement dispensé par le TechSprint. Il s’agit, pour chacun de nos modules, du développement d’une interface web facilitant l’appropriation des résultats et leur prise en main par les collectivités via des tableaux de bords interactifs et dynamiques.
L’autre évolution est en lien avec un appel à projet du CeremaLab dont Omnia-Diag est lauréat : c’est une nouvelle brique de notre solution afin de caractériser les ilots de chaleur urbains sur les territoires. Là encore, notre approche est de diagnostiquer et d’identifier les opportunités.

 

 

Zoom sur le TechSprint de la Caisse des Dépôts

Entretien avec Audrey Gortana Vallet, directrice du TechSprint, Caisse des Dépôts (CDC)

Pourquoi le TechSprint ? Quelle est sa vocation ?

C’est une initiative lancée en février 2023 par la direction des opérations et du pilotage de la transformation opérationnelle (DOT) de la CDC, en lien avec la Banque des Territoires et la direction de la politique durable du groupe CDC. Le programme vise à sélectionner et diffuser des solutions DATA/IA fiables et impactantes au service des politiques publiques de transformation écologique.

Le TechSprint repose sur 3 convictions :

  • Face à l’urgence et à l’ampleur du défi de la transition écologique, les solutions data et IA sont un vecteur d’accélération de la transition écologique ; c’est ce qu’on appelle la Tech for green.
  • La mobilisation de l’écosystème, public et privé, pour rassembler la multiplicité des acteurs et de leurs données sur l’ensemble de la chaine de valeur est un levier pour concrétiser ces enjeux nationaux. Le rôle de la CDC comme tiers de confiance facilite cette approche.
  • Le positionnement de la CDC, au service de l’intérêt général, doit aussi permettre de diffuser des garanties et des bonnes pratiques telles que la sobriété numérique et l’éco-conception (Green for tech) ou encore la souveraineté numérique afin de garantir le contrôle des données par chaque partie prenante et une gouvernance démocratique.

Le TechSprint c’est cela : un défi de place afin de stimuler le déploiement de services de data et d’IA innovants dans les territoires et les filières économiques.

Qu’est-ce que le TechSprint apporte à ses bénéficiaires ?

D’abord un label fort puisqu’il repose sur une sélection exigeante mobilisant des experts, notamment l’ADEME pour les projets relatifs à l’eau.

Le TechSprint est aussi un programme d’accompagnement qui dure 6 mois et a pour but d’amplifier et d’accélérer le projet. Premier axe de la phase « tremplin » : l’optimisation et la fiabilisation de la solution technologique. Pour cela nous bénéficions de l’appui de l’Institut Mines-Télécoms sur la data de confiance et la souveraineté, lesquels constituent un avantage compétitif indéniable. Ce tremplin vise aussi à maximiser l’apport écologique de la solution : ainsi, l’ADEME aide à la mise en place des indicateurs et à l’adéquation avec les grilles d’analyse d’impact, dans le souci constant de lutter contre le green washing.

Le TechSprint est aussi un facilitateur dans l’accès au marché notamment à la commande publique, grâce au label et au référencement dont Greentech Innovation d’Ecolab  ou encore à des marketplaces dédiées dont celle d’Aquagir. Les lauréats sont immergés dans un large écosystème privé et public, afin de se constituer un réseau et de promouvoir leurs solutions. Ils sont accompagnés technologiquement et opérationnellement, mais aussi financièrement avec des subventions de 100 000 ou 200 000 euros selon la maturité du projet.

Quels sont les critères pour candidater au TechSprint ?

Seules les solutions data et IA s’appuyant sur un consortium projet réunissant une start up ou une jeune entreprise innovante (JEI) et des acteurs sectoriels qui ont un cas d’usage de la solution peuvent candidater. Des acteurs territoriaux pour l’expérimentation et des acteurs technologiques peuvent utilement faire partie de ce consortium.
Mais cela ne suffit pas : l’impact de la solution sur la transition écologique doit être significatif au niveau national et s’inscrire dans les priorités nationales du plan France Nation Verte. Enfin le niveau de maturité de la solution doit être à minima au niveau d’un POC ou Proof of concept c’est-à-dire une démonstration de sa faisabilité.

Quels sont les critères pour être lauréat du TechSprint ?

Les critères de sélection du projet sont au nombre de 8 et comprennent notamment l’impact écologique, la connaissance du marché cible, la solidité du porteur du projet qui se jauge notamment aux expertises présentes en interne. Ou encore la capacité de la solution à faire levier sur le marché visé : elle doit pouvoir devenir un standard, un outil clé en main pour une filière.

La gestion de l’eau est le cœur d’activité de 3 des 13 lauréats des éditions 1 & 2 du TechSprint. Pourquoi un tel bouillonnement d’idées selon vous ?

L’eau est une ressource clé, particulièrement menacée par le changement climatique et c’est donc une grande priorité du plan France Nation verte. Or l’eau est un vaste champ à appréhender : dans le grand et le petit cycle de l’eau, les enjeux à adresser sont multiples : stress hydrique, inondation, sécheresse et stress hydrique, gestion des eaux pluviales, gestion de la captation… Cette ressource est clé et concerne tout autant les citoyens, les territoires, l’industrie. Il y a des sous-enjeux multiples et donc autant de défis qui peuvent se décliner en de multiples projets.

Quel est le prochain défi du TechSprint ?

Le nouvel appel à projets sera lancé en 2025 selon des thématiques et des modalités renouvelées, toujours dans l’objectif de combler les manques et les urgences au regard des priorités des pouvoirs publics. En parallèle, nous réfléchissons à amplifier la création de valeur de ce dispositif en mobilisant l’écosystème selon des modes alternatifs autre que l’appel à projet collaboratif.

Pour en savoir plus sur le TechSprint

 

 

 

Cet article vous est proposé par aquagir

aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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