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Les raisons de la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales

Cet article a été rédigé par Alexis Treilhes

Crédits photos : Romain Delfosse - Agly asséchée

Si la pluie est revenue sur les Pyrénées-Orientales ces derniers mois, permettant au préfet Thierry Bonnier d’alléger les principales restrictions d’eau, le département n’est pas pour autant sorti de la sécheresse critique en place depuis 2022, comme en témoigne la situation des nappes, évaluée régulièrement par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). De façon assez remarquable, le département était, au 1er mai 2025, le seul à connaître un niveau des nappes « très bas ».

 

          Source : brgm

La sécheresse : un seul mot, plusieurs définitions

Avant d’analyser les causes à l’origine de cette sécheresse record dans les Pyrénées-Orientales, commençons par rappeler qu’il existe plusieurs typologies de sécheresses :

  • La sécheresse météorologique, qui désigne une période prolongée avec un déficit de pluviométrie par rapport aux moyennes de saison
  • La sécheresse agricole (ou édaphique), marquée par une baisse de l’humidité des sols (cf. article eau bleue – eau verte) et donc de la réserve utile, c’est-à-dire de la quantité d’eau accessible aux plantes
  • La sécheresse hydrologique, correspondant à une baisse anormale des débits des rivières et cours d’eau et de la quantité d’eau contenue dans les lacs et nappes phréatiques (eau bleue)

 

Ces différentes formes de sécheresse sont liées entre elles, au travers notamment de ce que l’on appelle le bilan hydrique :

P = R + ET + ΔS

Où :
P = précipitations
R = ruissellement des eaux de surface vers les lacs, les rivières…
ET = évapotranspiration
ΔS = variation du stock d’eau

Dans le langage courant, le terme sécheresse renvoie généralement à la sécheresse météorologique, mais nous allons voir que les Pyrénées-Orientales sont en réalité concernées par les 3 types de sécheresses. Le bilan hydrique est, quant à lui, affecté aussi bien par le manque de précipitations que par l’augmentation de l’évapotranspiration.

Un déficit pluviométrique historique

Le département connaît un déficit de précipitations chronique depuis janvier 2022, avec seulement quatre mois excédentaires ou proches des normales en 2022 et 2023 et des déficits dépassant les 80% en février 2022 et janvier 2023. Entre avril 2023 et mars 2024, le déficit cumulé sur un an sur la partie est du département – traditionnellement la plus sèche – a été compris entre 60% et 70%.

Ce déficit a également été particulièrement marqué lors de la saison de recharge des nappes (de septembre à mars, correspondant à la période de dormance des plantes), avec une baisse de 61% sur l’automne-hiver 2023-2024.

          Source : Météo France

 

Une partie des causes de ce déficit provient des particularités géographiques du département. Celui-ci reçoit traditionnellement très peu de précipitations provenant de l’ouest à cause de l’effet de foehn induit par le massif pyrénéen, qui provoque un ciel dégagé et un vent chaud et sec. Or, la France métropolitaine a connu pendant cette période une situation atmosphérique dans laquelle les vents dominants, transportant de l’air humide et frais, ont soufflé d’ouest en est. Si le reste de l’Hexagone, globalement marqué par la sécheresse estivale de 2022, a pu profiter de ces perturbations atlantiques, cela n’a pas été le cas pour les Pyrénées-Orientales.

          Source : Météo France

 

La région est donc très dépendante des dépressions apportées par un flux d’est et se formant en Méditerranée, en particulier au niveau des Baléares, pour l’apport de pluie. Or, sur cette période, la zone méditerranéenne a été marquée par des conditions anticycloniques persistantes, empêchant la formation de nuages et donc de pluie.

Bien que cela puisse sembler tentant, il n’est pour autant pas possible d’affirmer que le changement climatique est le seul responsable de ce déficit pluviométrique prolongé. Le climat méditerranéen est particulièrement extrême et marqué par une variabilité interannuelle de la pluviométrie pouvant aller du simple au quadruple en termes de cumul annuel, notamment à cause des épisodes de fortes précipitations. Météo France indique néanmoins que les précipitations ont diminué de l’ordre de 10% au cours des cinquante dernières années, en particulier en hiver. Le climat actuel de Perpignan se rapprocherait de celui que connaissait Valence en Espagne, pourtant située 350 km plus au sud, lors de la période préindustrielle (début du XIXe siècle).

Même si les températures vont continuer à augmenter à cause du changement climatique, il est par ailleurs difficile de prévoir avec certitude comment évolueront les précipitations sur le long terme en raison des fortes incertitudes qui pèsent sur la modélisation de ce paramètre. Les projections climatiques moyennes indiquent néanmoins une baisse des précipitations totales sur le bassin méditerranéen, avec un renforcement de l’intensité des fortes précipitations, nettement moins bénéfiques pour le rechargement des nappes. Par ailleurs, la chaleur croissante entraînera implacablement des répercussions sur le bilan hydrique (cf. paragraphe suivant).

          Source : Météo France

Des températures sensiblement plus élevées que les normales de saison

Si le manque de pluie explique en grande partie la sécheresse qui a frappé les Pyrénées-Orientales, il n’est pas le seul responsable. Depuis janvier 2022, près des trois quarts des températures quotidiennes enregistrées dans le département ont dépassé les normales de saison, avec une fourchette de dépassement de l’ordre de 1,5°C à 2°C par rapport à la moyenne 1991 – 2020.

Ces températures élevées ont plusieurs conséquences :

  • D’une part, elles sont responsables d’une évaporation plus rapide des masses d’eau en circulation. L’eau « verte » contenue dans les sols y reste moins longtemps et recharge moins les nappes phréatiques par infiltration. L’eau « bleue » des rivières, lacs et retenues d’eau s’évapore elle aussi plus rapidement.
  • D’autre part, l’air chaud peut contenir davantage de vapeur d’eau que l’air froid. Les climatologues considèrent que, pour chaque degré de réchauffement supplémentaire, l’humidité augmente de 7 % dans l’atmosphère. La saturation de l’air est donc atteinte plus tardivement, ce qui modifie le régime des pluies.
  • Enfin, cette augmentation de température induit un déficit d’enneigement important, se manifestant par une réduction des débits des cours d’eau et des réserves des barrages lors de la période de fonte.

Tous ces mécanismes impliquent une réduction significative de la quantité d’eau douce disponible pour les besoins humains (consommation domestique, irrigation…). Les Pyrénées-Orientales n’ont pas subi qu’une sécheresse météorologique : les fortes chaleurs ont aussi contribué à l’installation d’une sécheresse édaphique et d’une sécheresse hydrologique durables.

Des sols secs compromettant la recharge des nappes

Les températures élevées allongent par ailleurs la saison végétative, c’est-à-dire la période durant laquelle les plantes se développent et consomment de l’eau. Le redémarrage de la végétation explique également pourquoi les précipitations du printemps sont considérées comme moins efficaces que celles de l’automne pour le remplissage des nappes phréatiques. Toutefois, elles permettent dans le même temps de réduire les prélèvements nécessaires à l’irrigation.

Lorsque l’eau vient à manquer, les plantes ferment leurs stomates (c’est-à-dire les orifices permettant les échanges gazeux entre la plante et l’air ambiant) pour limiter la perte d’eau par transpiration et se retrouvent en stress hydrique. Dès que la pluie revient, elles captent autant d’eau que possible pour assurer leur survie et leur croissance, limitant alors l’infiltration par gravité vers les nappes phréatiques, donc leur recharge.

Par ailleurs, plus un sol est sec et plus sa capacité à absorber l’eau se réduit. L’eau ruisselle alors vers les cours d’eau et finit généralement par rejoindre la mer sans avoir alimenté la végétation ou les nappes phréatiques.

Pour ces deux raisons, les épisodes pluvieux épars, comme cela a été le cas dans les Pyrénées-Orientales, rechargent très peu les nappes dans le cas des sécheresses prolongées. Un véritable cercle vicieux se met en place : plus le sol est sec, moins il parvient à s’humidifier, et ainsi de suite. Dans le cas de pluies violentes, comme cela se produit parfois dans le département, le risque d’inondations est paradoxalement accru.

Des conséquences pour les habitants… et la biodiversité

Entre septembre 2022 et mars 2025, les autorités locales ont instauré des restrictions d’usages de l’eau, qui ont été progressivement renforcées. Plusieurs communes ont été contraintes de se faire approvisionner en eau par camion-citerne, y compris en plein hiver, source de dépenses importantes. Les agriculteurs et viticulteurs, à l’origine de 80% des 300 millions de m3 d’eau prélevés chaque année, ont eux aussi souffert de cette situation avec des pertes de rendement significatives.

La biodiversité a également été durement affectée par cette crise de l’eau. Les arbres des ripisylves (c’est-à-dire poussant sur les rives d’un cours d’eau) comme les saules et les peupliers ont connu une mortalité accrue, pouvant atteindre 100% dans certaines zones. Cette disparition de la végétation a eu des répercussions sur les écosystèmes aquatiques, fortement dépendants de l’ombrage et de la fraîcheur apportée par les arbres.

Un avertissement pour l’avenir

Comme mentionné en introduction, la situation s’est depuis (légèrement) améliorée dans les Pyrénées-Orientales. Néanmoins, cette crise a montré que la gestion de l’eau devra s’adapter aux nouvelles réalités climatiques, en plus des fluctuations habituelles du climat méditerranéen et de sa situation à l’est des Pyrénées. S’il réussit à relever le défi, ce département deviendrait un laboratoire d’innovation pour la gestion durable de l’eau, qui pourrait servir de modèle au reste du territoire français… sachant que celui-ci ne sera pas non plus épargné par les sécheresses dans les années à venir.

Cet article vous est proposé par aquagir

aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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