Toutes les deux minutes, un incendie se déclare en France. Assurer la sauvegarde des biens et des personnes contre ce fléau est un enjeu majeur de sécurité civile pour les élus locaux. La compétence de Défense Extérieure Contre l’Incendie (DECI) qui leur incombe s’articule autour des notions de protection des personnes et des biens, de zones à défendre et de la disponibilité des ressources en eau.
La réforme de la DECI en 2011 et ses décrets d’application en 2015 instaurent respectivement un pouvoir de police spéciale du maire et les règlements départementaux comme clés de voûte de la DECI. Le législateur a ainsi souhaité encourager une gestion plus appropriée aux spécificités des territoires passant d’une approche nationale standardisée à une approche adaptée aux risques locaux.
Aucun suivi statistique ne permet aujourd’hui d’évaluer précisément la mise en œuvre de cette réforme. Cependant, dix ans après sa promulgation, force est de constater que son application est très lente. En effet, la couverture de la DECI est toujours déficiente en France, avec près d’une habitation sur trois non-protégée. Le chemin à parcourir pour atteindre la conformité sur la défense extérieure contre l’incendie dans nos communes est long, alors que ce domaine de compétence reste mal connu de nos élus locaux.
Qu’est-ce que la défense exterieure contre l’incendie ?
La défense extérieure contre l’incendie (DECI) vise à protéger et à garantir la sécurité publique contre le risque d’incendie. Elle est définie comme l’ensemble des aménagements fixes, publics ou privés, susceptibles d’être employés pour alimenter en eau les moyens de lutte contre l’incendie. Ces aménagements sont appelés Point d’Eau Incendie (PEI). Généralement des poteaux ou des bouches d’incendie, ils peuvent être raccordés au réseau d’eau potable sous pression, mais aussi à des réserves naturelles ou artificielles.
Son cadre juridique est fixé par les articles L.2213.32, L.2225-1 à 4 et L.5211-9-2-1 du CGCT qui précisent la responsabilité des maires en matière de DECI. Le référentiel national (RNDECI) définit ensuite les grands principes de la DECI. Celui-ci est enfin adapté localement au travers des règlements départementaux (RDDECI) et des schémas communaux (SCDECI).
Le règlement départemental compte toutefois trois exclusions. Les espaces naturels (les forêts en particulier), les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et enfin, les sites particuliers (tunnels et autres ouvrages routiers ou ferroviaires) font l’objet de réglementations spéciales, distinctes du RDDECI, et ne relèvent donc pas de la compétence des maires.
Qu’est-ce que la compétence défense extérieure contre les incendies ?
La compétence DECI revêt à la fois le caractère d’une police spéciale du maire et celui d’un service public. Au titre de son pouvoir de police spéciale, le maire doit s’assurer de l’existence, de la suffisance et de la disponibilité des ressources en eau pour la lutte contre l’incendie, au regard des risques à défendre. Il est également responsable de la mise en place du service public qui assure, ou fait assurer, la gestion matérielle de la DECI.
Les maires ont la possibilité de transférer l’intégralité de ce domaine de compétence au président de leur EPCI, si celui-ci est à fiscalité propre. Pour les métropoles, ce transfert est automatique et obligatoire. En revanche, dans le cas des syndicats intercommunaux (EPCI sans fiscalité propre), seul le service public est transférable, le pouvoir de police spéciale restant à la charge du maire.
En plus des responsabilités mentionnées ci-dessus, l’autorité de police (maire ou président d’EPCI) est chargée de l’élaboration de deux documents. Le premier, l’arrêté communal ou intercommunal de DECI est obligatoire. Il a pour but d’inventorier les PEI du territoire et doit être mis à jour annuellement. Le second, facultatif, est le schéma communal ou intercommunal de la DECI. Ce document analyse les risques existants et futurs et y répond en planifiant le remplacement, le renforcement ou l’ajout d’équipements de DECI.
Quel est le rôle des autres acteurs dans la sécurité incendie ?
Le service public de la DECI
Le service public de la DECI est un service public administratif qui assure, ou fait assurer, la gestion matérielle et financière de la DECI. Ses missions portent principalement sur la création, la maintenance et l’entretien des points d’eau incendie, leurs signalisations, l’organisation de leurs contrôles techniques et, au cas échéant, leurs remplacements. Clairement distinct du service public d’eau potable, il est financé par le budget général de la collectivité compétente.
Le Service Départemental de Secours et d’Incendie (SDIS)
Le SDIS est chargé de la prévention, de la protection et de la lutte contre l’incendie. En tant qu’utilisateur principal du réseau de DECI, il est le conseiller technique de référence des élus pour déterminer les besoins en eau en fonction des risques à défendre ainsi que le type et le dimensionnement des PEI. Il effectue régulièrement des reconnaissances opérationnelles et le contrôle technique des PEI tous les trois ans a minima. Enfin, il assure l’actualisation de la base de données et de la carte des PEI.
Les services de l’Etat
Le Préfet arrête le règlement départemental (RDDECI) rédigé par le SDIS à l’issue d’une concertation avec les maires. Les services de l’État peuvent également répondre aux questions relatives au financement ou aux liens DECI-urbanisme.
Comment le risque est-il classé ?
L’efficacité des opérations de lutte contre les incendies dépend notamment de l’adéquation entre les besoins en eau pour l’extinction des risques à couvrir et des ressources disponibles. C’est pourquoi le travail d’analyse des risques lors de l’élaboration du RDDECI et du SCDECI est essentiel.
Il existe trois types de risques dits « courants » (faibles, ordinaires, importants) cohabitant avec des risques dits « particuliers » sur certaines zones (zones d’activité, bâtiments agricoles…). Plus le risque est élevé, plus le service public de DECI doit être renforcé. Le référentiel national et le règlement départemental établissent ainsi pour chacun d’entre eux une quantité d’eau de référence mobilisable, la distance à respecter entre la zone à défendre et les PEI, la distance entre PEI, ainsi que les règles d’intervention du SDIS (délais, équipements, etc.).
La prise en compte de la DECI dans l’aménagement du territoire est donc essentielle afin de garantir la conformité de la couverture prescrite. Le code de l’urbanisme fait d’ailleurs référence à la réglementation de la DECI sous les termes « sécurité publique » ou « équipements publics ».
Comment financer la DECI ?
Qu’il s’agisse de rénover le réseau d’eau incendie, de l’étendre pour assurer la couverture requise du risque ou d’assurer la maintenance et l’entretien de ce réseau, la DECI représente un coût important pour les collectivités compétentes. En effet, avec un taux de non-conformité des communes françaises estimé à 79%, les besoins de financement en vue de leur mise aux normes est évalué par le Sénat à environ 400 millions d’euros par an sur au moins trois an. Le coût de ces projets s’élève en moyenne à 15 000 euros, mais peut dans certains cas atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros.
Afin de soutenir les communes dans cet effort financier conséquent, les Conseils Départementaux et l’Etat peuvent apporter leur concours. Par exemple, les travaux de mise aux normes considérés comme des « opérations prioritaires » peuvent bénéficier d’aides de la part de l’Etat au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Ces aides peuvent tout à fait être combinées avec d’éventuelles subventions départementales.
Enfin, pour le financement des équipements publics nécessaires suite à l’urbanisation d’une nouvelle zone, les communes peuvent allouer une part de la taxe d’aménagement à cet effet.
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L’application de la reforme DECI sur le terrain se confronte à un ensemble de difficultés mais aussi à des lacunes. En effet, dans un rapport intitulé « Assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires », le Senat pointait en 2021 le manque d’évaluation au préalable des RDDECI et de concertation autour de ceux-ci, bien que cela soit une obligation explicitée par le référentiel national.
Côté difficultés, c’est avant tout l’impact financier qui prime. La DECI fait peser sur les communes une contrainte financière supplémentaire dans un contexte budgétaire déjà tendu. Les plus petites d’entre elles, souvent en zone rurale, voient ainsi leurs capacités d’auto-financement et d’emprunt s’assécher. Dans les cas les plus extrêmes, il en résulte simplement l’incapacité de fournir la couverture dans certaines zones représentant 6 à 7 millions habitants.
C’est donc dans cette logique que les sénateurs ont préconisé l’attribution d’une enveloppe de 1,2 milliards d’euros à la DECI dans le cadre du plan France Relance. Outre une meilleure répartition des coûts, leurs recommandations tendent vers une remise à plat de ce domaine en vue faire émerger une culture véritablement partagée du risque entre tous les acteurs concernés.