Véritable enjeu d’hygiène et de santé publique, l’assainissement existe depuis l’époque romaine. Aujourd’hui, les installations de traitement doivent contribuer aux objectifs d’amélioration de la qualité des milieux aquatiques, et sont donc soumises à certaines obligations, notamment à travers deux directives européennes, celle relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (DERU) et celle sur l’eau (DCE).
En France, la compétence assainissement est définie par l’article L2224-8 du Code Général des Collectivités Territoriales. Depuis la loi NOTRe, cette compétence est transférée aux EPCI à fiscalité propre qui deviennent ainsi les autorités responsables de son exercice, en lieu et place des communes.
Qu’est ce que la compétence assainissement ?
L’assainissement est l’ensemble des techniques d’évacuation et d’épuration des eaux usées. Sa compétence se matérialise par la mise en place d’un service public. Les missions de celui-ci dépendront du mode d’assainissement retenu par la collectivité compétente.
En effet, dans les zones à forte densité de population, la collectivité peut décider de mettre en place des ouvrages publics (tout-à-l’égout, raccordements, collecteurs, station d’épuration, etc.). Les eaux usées sont alors collectées et traitées par un service public d’assainissement collectif (SPAC). À l’inverse, dans les zones d’habitat plus dispersé, un assainissement non-collectif peut être financièrement plus intéressant. La collecte et le traitement des eaux usées sont alors assurés par les propriétaires eux-mêmes, sous le contrôle d’un service public d’assainissement non-collectif (SPANC). Ces deux modes peuvent cohabiter sur une même commune.
Quel que soit le mode de gestion dudit service public (régie, affermage, délégation de service public), la collectivité est dans l’obligation de remettre aux abonnés chaque année deux documents. Le premier est le règlement de service dans lequel elle fixe les prestations assurées par le service public, ainsi que les obligations respectives de l’exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires. Le deuxième est un rapport sur le prix et la qualité du service public (RPQS) pour l’année écoulée.
Quelles sont les responsabilités de la collectivité et celles des propriétaires ?
La collectivité compétente doit tout d’abord définir, après enquête publique, un zonage délimitant les zones d’assainissement collectif et non-collectif, ainsi qu’un zonage pluvial¹. Elle est ensuite responsable de la mise en place des services publics associés.
En zone d’assainissement collectif, le propriétaire d’un logement est tenu de raccorder son domicile au réseau de collecte des eaux usées². De son côté, la commune contrôlera ce raccordement et assurera le service public d’assainissement – c’est-à-dire la mise en place du réseau, la collecte des eaux usées, leur assainissement, ainsi que l’élimination des boues produites. Elle peut dans certains cas se charger des branchements à la demande du propriétaire. Pour améliorer la connaissance patrimoniale des réseaux, les collectivités sont tenues de définir un schéma d’assainissement collectif, comprenant un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées.
En zone d’assainissement non-collectif, le propriétaire doit s’équiper de son propre système d’assainissement (fosses toutes eaux et épandage, micro-station, etc.). La collectivité quant à elle, est dans l’obligation de contrôler le fonctionnement et l’entretien des installations individuelles à minima tous les 10 ans, mais aussi la conception des installations neuves ou à réhabiliter. Elle peut également, à titre facultatif, assurer les missions supplémentaires d’entretien, de travaux de réalisation et de réhabilitation des installations, de traitement des matières de vidange – définies le cas échéant dans le règlement mentionné plus haut.
Quels types d’eaux usées la collectivité doit-elle traiter?
Seul le traitement des eaux usées domestiques issues des immeubles d’habitation, composées d’eaux grises (eaux ménagères – cuisine, salles de bain et machines à laver) et d’eaux « vannes » (eaux des toilettes – aussi dites eaux noires), est obligatoire au titre de la compétence assainissement des eaux usées des communes ou EPCI.
Il est donc facultatif pour la collectivité de traiter les eaux usées assimilées domestiques³ (issues d’établissements dont l’activité génère majoritairement des eaux usées similaires aux domestiques4) et les eaux non-domestiques (plus communément appelées eaux industrielles). Ces deux dernières catégories relèvent de la responsabilité du « pollueur ». En fonction de la capacité de collecte et de traitement des infrastructures publiques, la collectivité peut tout de même autoriser leurs déversements dans le réseau collectif. Les rejets non-domestiques pourront en plus être soumis à une convention de déversement fixant des critères d’acceptabilité et de limites de pollution strictes.
Quid du pluvial ?
L’assainissement des eaux usées et la gestion des eaux pluviales sont intrinsèquement liés. D’un point de vue infrastructurel, certains réseaux collectent dans une même canalisation aussi bien les eaux usées que les eaux pluviales, ils sont alors dits « unitaires » (à l’inverse des réseaux séparatifs). Toutes les eaux sont alors transportées vers une station d’épuration, pour traitement, avant d’être rejetées dans le milieu naturel.
Sur le plan juridique, la loi Ferrand5 va jusqu’à rattacher la compétence de la gestion des eaux pluviales urbaines à celle de l’assainissement pour les métropoles et les communautés urbaines. Toujours obligatoire pour les communautés d’agglomérations, elle reste cependant distincte de la compétence assainissement. Enfin, la gestion des eaux pluviales urbaines est facultative pour les communautés de communes, libre d’apprécier la pertinence d’une gestion intercommunale, en fonction du contexte territorial.
Comment sont financés le service public et les réseaux ?
Comme tout service industriel et commercial (SPIC), les services publics de l’assainissement fonctionnent sur leur budget propre et en circuit fermé grâce à des redevances perçues directement auprès de l’usager. Ces redevances sont fixées par le Conseil municipal (ou communautaire) et comprennent le plus souvent une part fixe, liée aux charges du service et une part variable, liée à la consommation de l’usager.
Il peut arriver que ce système d’autofinancement ne soit pas suffisant pour relever le défi du renouvellement ou la mise aux normes des réseaux et des infrastructures, particulièrement en milieu rural. Dans ce cas, les élus peuvent recourir à d’autres sources de financement tel que l’emprunt auprès de banques ou subventions de la part du département, des agences de l’eau ou encore de fonds européens.
Quels sont les défis à relever ?
Les enjeux de la compétence assainissement sont nombreux et de taille. Tout comme pour l’eau potable, le transfert de compétence vers les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) ainsi que l’entretien et renouvellement du patrimoine sont incontournables. S’ ajoutent à ceux-là trois autres enjeux.
Les micropolluants (micro-plastiques, métaux lourds, produits phytosanitaires, résidus médicamenteux ou encore perturbateurs endocriniens) ont un potentiel dévastateur sur les santés humaines et environnementales. Les collectivités peuvent recourir au déraccordement des eaux pluviales, à la mise en place de prétraitement des effluents6 ou à la mise au niveau (technique, technologique, dimensionnement des ouvrages…)des systèmes d’épuration. Cependant, ces approches curatives doivent être complétées par des démarches préventives de réduction des polluants à la source.
Ensuite, l’augmentation des volumes d’eaux pluviales à gérer conduit à la saturation des réseaux, au rejet d’eaux non traitées, à la pollution des milieux, à l’élévation des coûts de gestion du patrimoine. Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers des solutions de désimperméabilisation des sols, d’infiltration à la parcelle, de récupération et réutilisation des eaux de pluie. Cela leur permet de lutter contre les sécheresses mais aussi de réguler leur prélèvement sur la ressource.
Enfin, le dérèglement climatique. Entre sécheresse et excès d’eau, il impacte aussi bien la capacité de dilution et d’autoépuration par les cours d’eau, que l’intensité des évènement pluvieux. En parallèle, l’augmentation de la température des effluents et des milieux récepteurs entraine un risque supplémentaire de dépassement des seuils réglementaires. Pour atténuer ce dérèglement, les services publics se transforment progressivement en producteur d’énergies renouvelables notamment par la valorisation des sous-produits de l’assainissement : chaleurs fatales, boues d’épuration ou encore la réutilisation des eaux usées traitées.
Environ 3% de nos 22 000 stations d’épuration et 2% de nos 380 000 km de réseaux sont à renouveler chaque année. En comptant les postes de refoulement et les branchements d’assainissement, le total des investissements nécessaires avoisine les 4 milliards d’euros7. Cependant, l’entretien et la mise aux normes du patrimoine ont fortement ralenti depuis 2016. C’est ainsi que fin 2020, 169 agglomérations françaises ne respectaient toujours pas les normes européennes en vigueur depuis 1991. Après quatre procédures contentieuses (2010, 2013, 2016 et 2017), la Commission européenne a finalement déposé en juin 2021 un recours contre la France. Toute nouvelle infraction expose le pays à d’importantes sanctions financières. A titre d’exemple, l’Espagne et l’Italie, toutes deux condamnées en 2018, ont écopé d’amendes de 46 et 25 millions d’euros. Pour rappel, en cas de condamnation, la loi NOTRe prévoit un partage des responsabilités financières entre l’Etat et les collectivités concernées.