Echelonner le tarif de l’eau et lui appliquer une saisonnalité, les recettes du succès dans les Alpes Maritimes (06)

Comment le sujet d’une tarification progressive à Antibes et saisonnière à Villeneuve Loubet s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?

La tarification de l’eau qui s’applique dans la ville d’Antibes est celle dont nous avons hérité lorsque nous avons repris la délégation de service public en 2020, et qui permet encore aujourd’hui d’affirmer qu’à Antibes, l’eau est la moins chère de France pour les consommateurs raisonnables : moins de 120 m3 équivalent à la consommation annuelle d’un couple avec un enfant vivant en appartement.

Cet échelonnement, déjà en place par le passé, nous avons choisi de l’élargir aux 23 autres communes de la CASA qui ont aujourd’hui toutes un tarif de l’eau différent de celui d’Antibes (héritage de leur délégataire), mais désormais également échelonné en fonction de la consommation. Concrètement, cela signifie pour les antibois par exemple, que les premiers mètres cubes consommés sont quasi gratuits, en dehors de l’abonnement. Ils sont ensuite facturés 1,58 € HT entre 40 et 120m3 consommés.

Sur cette commune, nous avons de très gros consommateurs que sont le port d’Antibes avec 140 000m3 annuel (équivalent à 1200 foyers de trois personnes) et entre autres, plusieurs hôtels cinq étoiles, ainsi que de très grands propriétaires sur le Cap d’Antibes qui consomment abondamment l’eau en toute saison. Pour ces consommateurs-là (de l’ordre de 5000 à 20 000 m3/an), nous avons décidé d’appliquer un tarif nettement plus élevé équivalent à 4,54 €/m3 HT. Avec ce tarif échelonné, nous permettons une continuité de service public aux plus démunis avec un prix plancher, tandis que les plus fortunés payent un prix élevé.

Nous avons par ailleurs travaillé ces derniers mois en étroite collaboration avec la commune de Villeneuve-Loubet qui a souhaité mettre en place une tarification saisonnière de l’eau, une première sur notre territoire, et qui sera effective en janvier 2026.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?

Pour la tarification progressive à Antibes, c’est un dispositif qui existe depuis de nombreuses années, et auquel le maire est très attaché. Pour la tarification saisonnière, le maire de Villeneuve Loubet nous a demandé de la mettre en place de son propre chef. Il s’est inspiré d’autres villes balnéaires qui le pratiquent déjà, dans des zones ou la pression touristique est forte.

Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maitriser avant de se lancer dans ce projet ?

Il faut bien définir en amont la période concernée. Là, il s’agit des mois où l’on appliquera la saisonnalité. Pour nous, il s’agissait des mois de juin- juillet-août et septembre. Nous avons pratiquement réalisé un an d’études et de modélisations pour ensuite trouver le bon compromis. Car il était évident qu’il ne s’agissait pas d’augmenter le tarif pour l’ensemble des Villeneuvois, il fallait trouver un échelonnement pertinent afin que pour un foyer à l’année, la hausse saisonnière ne se fasse pas sentir.

Concrètement, nous avons augmenté de 40% le tarif durant les quatre mois d’été, et nous l’avons baissé de 15% pendant les huit autres mois. Mécaniquement, cela ne change absolument rien pour la plupart des foyers résidents à l’année, par contre, pour ceux ne venant que l’été, c’est certain que la hausse est significative.

Avez-vous mené une étude en amont du projet pour définir sa faisabilité et/ou son impact ? (Enquêtes publics…) Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement de la tarification saisonnière à Villeneuve Loubet ?

Bien sûr nous avons bien étudié la question en amont vis-à-vis de certaines zones de la commune où la saisonnalité est importante, en réalisant des modélisations. Certains quartiers comme là où se situent les immeubles de Marina Baie des Anges en front de mer sont composés de beaucoup de logements secondaires et on peut voir nettement une consommation, pour certains appartements, pendant le pic de l’été, ce qui signifie que ces logements ne sont occupés qu’à cette période. C’est justement à ce moment que le maire souhaitait que les tarifs soient plus élevés. Cela pour faire prendre conscience aussi aux touristes qui consomment beaucoup d’eau à une période plus sujette à la sécheresse, qu’il faut économiser la ressource.

Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens ou co-construit avec eux ?

Nous avons étudié la faisabilité de ce tarif saisonnier en interne, en nous inspirant d’autres communes, comme par exemple la ville de Toulouse qui l’a mis en place en 2024 et a constaté une réduction de la consommation de près de 800 000 m3 d’eau potable, c’est à dire l’équivalent de 320 piscines olympiques à l’échelle de la ville !

Comment la collectivité a-t-elle financé le projet et quelles sont les aides sollicitées et obtenues ?

Nous n’avons pas sollicité d’aides spécifiques pour cela, ce sont les équipes de la direction de l’eau à l’intercommunalité (la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis) qui ont été mises à contribution pour modéliser les prévisions et ainsi nous servir de base de discussion et de décision avec le maire.

Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

Aucun, à part l’inspiration que le maire de la commune a trouvé dans d’autres territoires soumis à une forte pression touristique.