La GIEP au cœur d’un projet pharaonique à Héricourt (70)
Confrontée au risque de surcharge du réseau d’assainissement, la ville d’Héricourt (70) a profité de la découverte d’un ancien ruisseau lors du chantier d’aménagement de la future gare routière pour mettre en place une gestion intégrée des eaux pluviales (GIEP).
Réouverture de l’ancien ruisseau, désimperméabilisation, infiltrations et ouvrage hydraulique exceptionnel, ce chantier privilégie les solutions écologiques.









Entretien avec Fernand Burkhalter, Pierre Thiebaud, et Pierre-André Guyot
Ce projet est présenté par :
- Pierre Thiebaud, Responsable réseaux et aménagement urbains pour la ville d’Héricourt
- Fernand Burkhalter, Maire d’Héricourt
- Pierre-André Guyot, du bureau d’études EVI
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet s’est-il imposé à l’agenda de la ville d’Héricourt ?
Fernand Burkhalter : Ce dossier date du réaménagement de la friche industrielle du Paquis. À l’époque, lors de la réfection de la rue Bardot, nous avions posé en amont un tuyau de grand diamètre (1 mètre) en prévision de futurs travaux d’évacuation des eaux pluviales. Ce conduit est toutefois resté inutilisé depuis mais cela reste un ouvrage de secours en cas de phénomène exceptionnel. Je pensais faire creuser un fossé. Après, il y a eu l’hypothèse des postes de relevages, c’était faramineux avec des stockages d’eau sur 1000 mètres cubes… Et puis nous avons acquis la friche, ce qui nous a permis d’envisager les choses différemment. Les problèmes des eaux étaient persistants, donc la proposition a été d’ouvrir le ruisseau même éventuellement de le prolonger pour la suite.
Pierre Thiebaud : La gestion des eaux pluviales est une problématique à laquelle la ville d’Héricourt fait face depuis de nombreuses années. En effet, le réseau d’assainissement existant, de type unitaire, collecte simultanément les eaux pluviales et les eaux usées, ce qui engendre un afflux massif d’eaux mixtes vers la station d’épuration qui dépasse régulièrement ses capacités de traitement.
Avec le changement climatique, les épisodes de pluie exceptionnels, on ne peut plus gérer correctement la collecte, nous avons donc dû repenser notre gestion des eaux pluviales. Tout renouveler, et tout surdimensionner n’est pas possible. Une gestion différenciée des eaux nous permet d’infiltrer et de faire de la rétention avec des débits limités.
Pierre-André Guyot : Lors des différentes études pour la réalisation du projet de gare routière, nous avons découvert sur les cartes napoléoniennes un cours d’eau, rebouché par anthropisation. L’idée a été de reprendre le tracé de ce cours d’eau pour mettre en place une gestion intégrée des eaux pluviales en les faisant transiter par la gare routière avant de l’envoyer dans la Lizaine. Il fonctionnait parfaitement avant, il n’y avait donc pas de raisons pour que ça ne marche pas malgré la faible pente.
C’est l’idéal, nous avons le cours d’eau à côté, et nous sommes à peu près au ratio un pour un entre les espaces verts et les aménagements. L’intérêt du projet est de n’avoir aucune grille de collecte, des matériaux drainants ont été installés un peu partout, les eaux de surface sont amenées par des pentes vers les noues d’infiltration, installées sur toute la longueur, puis dans la Lizaine. En cas d’épisodes pluvieux exceptionnels, des surverses permettent à l’eau de se rendre directement dans le cours d’eau.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Pierre-André Guyot : Il y a plusieurs aspects.
Tout d’abord la gare routière pour laquelle nous devons répondre aux normes de sécurité et PMR. Ensuite, nous devions régler le problème de la station d’épuration, des études préliminaires avaient été faites par la ville depuis pas mal d’années, il y avait déjà des idées avec des chiffres.
Quand on réalise des projets d’aménagement, la première chose que nous intégrons est la gestion intégrée des eaux pluviales (GIEP). Fini la pose de tuyaux, de grilles…, des noues sont installées pour faire du stockage aérien et le projet est construit autour de cette thématique, jusqu’au point bas.
Pierre Thiebaud : Après, la grosse problématique, c’était le passage d’un ovoïde de l’égout central de la ville.
En amont de la station d’épuration, nous avons deux grosses canalisations, qu’on appelle des ovoïdes. Ce sont des galeries maçonnées en pierre de taille, typiques des égouts parisiens, de plus de 2 mètres de hauteur. Sous la rue Vinot qui passe devant le lycée, l’ovoïde datait de 1905, on ne savait pas comment faire passer les eaux du ruisseau. Je n’avais aucun exutoire sur cette partie-là de la ville en eaux pluviales, on était coincés.
Pierre-André Guyot : Le ruisseau est en aérien, et pour passer l’ovoïde, nous n’avions que deux possibilités. La première, passer sous l’ovoïde par un siphon, mais ce n’était pas l’idéal pour l’assise de l’ouvrage. De plus, l’ouvrage a plus de 100 ans et même s’il n’est pas vétuste, ce n’était pas une bonne idée.
La deuxième solution, celle que nous avons appliquée, a été d’aménager un énorme ouvrage de transition sur l’ovoïde. Nous l’avons coupé et créé un ouvrage de transition tout en gardant la section hydraulique, ce qui nous a permis de faire passer par-dessus les tuyaux.
Pierre Thiebaud : La solution existe, on sait le faire, même si ce sont des travaux compliqués. Nous avons amené des ouvrages de plusieurs dizaines de tonnes à la grue pour créer cet ouvrage de transition.
Pierre-André Guyot : Ce sont des ouvrages sur mesure, des pièces qui s’emboîtent les unes sur les autres. C’était impressionnant, l’eau s’écoule naturellement. Mais je dirais que cela a été l’ouvrage le plus technique du chantier. C’est l’entreprise Roger Martin qui s’en est occupée, et c’était une première pour eux.
Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens et/ou coconstruit avec eux ?
Pierre-André Guyot : Évidemment l’hydraulique urbaine de manière générale et certaines compétences transversales. Il faut maîtriser la géologie, la perméabilité des sols. Nous avons fait toutes les études pour nous assurer que l’eau s’infiltrerait bien, nous avons posé des piézomètres pour savoir où était la nappe.
Pierre Thiebaud : La grosse difficulté, en tant que technicien, est de faire comprendre aux élus qu’il faut réfléchir différemment. Depuis toujours, on gère les eaux pluviales en les évacuant hors de la ville avec des tuyaux. Gérer ces eaux en favorisant leur infiltration, demande une vraie évolution des mentalités.
Ca peut faire peur d’autant que notre bassin versant est important, nous avons estimé des débits théoriques de 1800 mètres cubes heures sur une pluie vingtennale, c’est énorme ! Donc plutôt que de faire transiter cette eau dans les tuyaux, nous préférons la laisser à ciel ouvert, et la laisser s’écouler gravitairement.
La base du calcul ayant été faite sur une crue vingtennale, nous avons complètement surdimensionné pour pouvoir absorber toutes les pluies même les centennales. Toutefois, nous avons prévu un système de dérivation pour parer aux montées en charge exceptionnelles.
Avez-vous mené une étude en amont du projet pour définir sa faisabilité et/ou son impact ? Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?
Pierre Thiebaud : Avant de lancer les marchés pour les entreprises de travaux, nous avons mené de nombreuses études préliminaires assez techniques sur la gestion des eaux pluviales, notamment liées à la faible pente sur le bassin global. Nous avons des volumes très importants, des franchissements compliqués.
Nous avons déposé un dossier loi sur l’eau, instruit par la DDT.
Pierre-André Guyot : Cela n’a pas été simple, il a fallu régler les problématiques liées à l’ancienne friche industrielle, à savoir la pollution.
Certaines terres jugées acceptables par l’ARS ont été confinées dans un merlon paysager, une membrane recouverte et replantée. Cela nous a permis d’éviter des frais de décharge et les mouvements de terre.
Nous avons essayé de réutiliser au mieux les matériaux du site. Par exemple, une grande dalle béton a été cassée en partie pour faire le parc urbain, et nous avons réussi à en conserver une grande partie sous la gare routière, ce qui nous a permis de garder une assise correcte.
Un écologue est passé faire l’inventaire de la faune du site, notamment dans la plaine.
Le cours d’eau est en lisière d’une petite forêt, il s’avère qu’il y avait un arbre remarquable que nous avons gardé car il avait une belle cavité qui pouvait potentiellement abriter des chauve-souris.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?
Sur un projet global à 2,5 millions HT, la partie GIEP (ouverture cours et ouvrages techniques) représente un budget de 850 000 € HT.
Pour les aides, l’Europe a été sollicitée via le FEDER à hauteur de 560 000 € HT (pas de retours pour l’instant), la région BFC nous a accordé 250 000 € HT pour le volet C2R (dispositif régional) et 417 883 € HT pour le volet TEA (Territoire en Action).
Le dossier avait été présenté lors du SAGE Allan, à l’époque nous étions optimistes sur l’attribution de la DETR, aussi nous n’avions pas sollicité l’Agence de l’eau. Toutefois, j’ai fait une demande de subvention en dernier recours à l’Agence de l’eau qui pourrait prendre en charge une partie de la GIEP soit 149 000 € HT.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
La maîtrise d’œuvre a été confiée au Bureau d’Etudes EVI (Espace de Vie et Ingénierie) de Ronchamp ainsi qu’à l’atelier Alfred Peter, paysagiste urbaniste de Strasbourg.
Les travaux de réalisation ont été confiés à l’entreprise Roger Martin associée à FCE Besançon.
Les entreprises Haefeli et Baumgartner se sont occupées de l’éclairage et les Espaces Verts ont été réalisés par ID Verde.
L’entreprise qui a fabriqué l’ouvrage sur mesure pour passer l’ovoïde de la rue Vinot s’appelle Cimentub, c’est un cimentier du nord de la France, à côté d’Amiens, spécialisé dans les pièces en béton.
Quels conseils donneriez-vous à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?
Avant de se lancer dans un projet de ce type, il faut vérifier s’il y a des ruisseaux préexistants dans les cadastres. Et, autant que possible, faire de la gestion aérienne et laisser l’eau circuler sur le milieu.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.
Le projet en détails
Dates clés
2022
Mars 2025
Novembre 2025
Chiffres clés
170
1 800
800 000
À retenir
Un parc urbain très agréable avec 170 arbres plantés et une piste cyclable pour en profiter
La surcharge de la station d'épuration en cas de pluie réglée
Les dossiers de gestion différenciée des eaux sont très compliqués à monter
Les partenaires de ce projet

FEDER

Région Bourgogne-Franche Comté
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
En savoir plus sur la commune d'Héricourt
habitants
Données de contact
Les autres projets - Gestion des eaux pluviales
La GIEP au cœur d’un projet pharaonique à Héricourt (70)
Boigny-sur-Bionne (45) village modèle pour la gestion des eaux pluviales
La communauté de communes Bazois Loire Morvan (58) subventionne l’achat de récupérateurs d’eau de pluie
Vous êtes passés à l'action sur la gestion de l'eau ?




