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Pralognan-la-Vanoise (73) sécurise la fonte du glacier du Grand Marchet

En raison de la fonte du glacier du Grand Marchet, un lac glaciaire d’environ 12 000 m² s’était formé ces dernières années à 2 900 m d’altitude.

Pour vidanger progressivement le lac, un chenal a été creusé mécaniquement dans la glace durant l’été 2025. Sa mise en eau le 11 août a permis au lac de se déverser sans dommage dans la vallée.

Les travaux ont été engagés par la mairie de Pralognan-la-Vanoise, sous la maîtrise d’œuvre du service RTM-ONF, avec le souci de limiter au maximum l’impact environnemental, le site étant en plein cœur du Parc national de la Vanoise.

Entretien avec Martine Blanc et David Binet

Parole de collectivité
Martine Blanc, Marie de Pralognan-la-Vanoise. - Crédit photo : Mairie de Pralognan
Gestion quantitative de la ressource

Ce projet est présenté par :

  • Martine Blanc, Maire de Pralognan-la-Vanoise
  • David Binet, Chef du Service de restauration des terrains en montagne (RTM) Savoie, Office national des forêts (ONF)
À Pralognan, on a choisi la prévention maximale plutôt que de subir ou d’exécuter des travaux en urgence.
Martine Blanc

Parole de collectivité

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Comment ce projet s’est-il imposé à l’agenda de la commune de Pralognan-la-Vanoise ?

David Binet : L’identification du risque représenté par ce lac s’inscrit dans le cadre du plan d’actions interministériel 2024-2026 « Stratégie relative aux risques d’origines glaciaire et périglaciaire », qui avait été initié en 2020 par le ministère de la Transition écologique. Ce plan poursuit quatre objectifs : renforcer la recherche pour la prévention de ces risques, caractériser les aléas et les zones à risque afin d’identifier les sites nécessitant prioritairement des actions de prévention et/ou de protection dans les Alpes et les Pyrénées, prévenir les risques et gérer les sites à risque, enfin informer et développer une culture du risque. Dans le cas de Pralognan, dès lors que le risque a été identifié, le projet a été piloté par l’État via la Préfecture de Savoie jusqu’en mars 2025, puis par la commune de Pralognan en tant que maître d’ouvrage des travaux. Des investigations par radar ont complété les informations fournies par les images satellites et par la reconnaissance de terrain. Les relevés radars ont permis de connaître l’épaisseur de la glace et d’interpréter la forme du rocher sous le glacier. Plusieurs scénarios ont ensuite été analysés pour finalement retenir une hypothèse pessimiste réaliste : un risque de vidange rapide et donc d’inondation d’une partie de Pralognan (secteur Isertan) avec apport de matériaux (boue, graviers…).

Martine Blanc : La décision d’engager des travaux a été prise en mars 2025 car on a voulu écarter tout risque de vidange rapide du lac, la fonte des glaces étant de plus en plus importante d’année en année (de l’ordre de 3 m par an). Les travaux se sont déroulés en juillet et août 2025, après la canicule observée au mois de juin. Cette période de l’année était la plus propice pour réaliser un chantier en altitude qui impose des délais d’intervention restreints et où l’eau est suffisamment chaude pour faciliter l’incision dans la glace du chenal et favoriser un écoulement maîtrisé. Par mesure de précaution, à l’issue d’une réunion avec la sous-commission départementale pour la sécurité des terrains de camping et de stationnement de caravanes, la décision unanime de fermer préventivement le camping municipal de Pralognan, « Le Chamois » pour l’été 2025 a été entérinée par arrêté municipal car il était exposé à un risque d’inondation en cas de vidange rapide.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?

David Binet : Plusieurs massifs alpins ont été concernés par la formation de lacs glaciaires au cours de l’histoire récente. Un premier cas a eu lieu au Col d’Arsine dans les Hautes-Alpes en 1986. À partir des années 2000, les services de l’État sont intervenus en appui aux communes concernées à trois reprises : le lac glaciaire de Rochemelon à Bessans (Savoie) en 2005, le lac des Bossons à Chamonix (Haute-Savoie) en 2023 et le lac du Rosolin à Tignes-Champagny (Savoie) également en 2023. La situation du lac des Bossons était comparable à celle du Grand Marchet : un lac glaciaire formé récemment, qui grandit avec le retrait glaciaire et va inéluctablement se vidanger. En revanche le chantier a dû être organisé différemment : à Chamonix, le lac était situé à 1 800 m d’altitude, avec un accès au chantier pour le personnel et les engins plus facile qu’à Pralognan.

Martine Blanc : En effet, nous avons dû acheminer tout le matériel et les personnes par hélicoptère. Les pelles mécaniques ont été démontées en bas puis remontées sur le chantier, et une base de vie a été installée pour que les personnes puissent travailler dans de bonnes conditions (trois mobile homes, des toilettes sèches, des douches solaires…). L’ensemble des décisions a été pris en concertation avec le Parc national de la Vanoise pour limiter au maximum l’impact des travaux sur l’environnement.

Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens et/ou coconstruit avec eux ?

David Binet : Du côté du service RTM de l’ONF, il y a bien-sûr des compétences et expériences nécessaires relatives aux risques glaciaires (savoir identifier et évaluer le risque de vidange) et d’ingénierie travaux car il faut être capable d’anticiper tout ce qui peut se passer sur un chantier aussi atypique en altitude, où chaque détail compte. De plus, une compétence essentielle concerne l’hydraulique torrentielle : en cas de vidange, quelle va être la propagation, quelle va être la cinétique, comment va réagir le torrent, quels sont les enjeux exposés à quel type de phénomène – inondation, engravement, érosion… ? L’ensemble de ces connaissances permet d’appréhender les risques et aide les autorités concernées à prendre les décisions. Ce type de chantier fait donc appel à un travail d’équipe multidisciplinaire réunissant des expériences et des expertises complémentaires, mais toutes nécessaires.

Martine Blanc : Au niveau de la commune, outre la maîtrise d’ouvrage, nous avons dû prendre en charge la communication. La collectivité a bénéficié de l’accompagnement des services de la Préfecture de la Savoie pour organiser une conférence de presse lors de laquelle nous avons expliqué l’objectif des travaux, le choix de la méthode opérationnelle et de la période d’intervention. Il faut savoir que la population de Pralognan passe d’environ 700 habitants permanents à 6 500 lits touristiques l’hiver et 10 000 l’été avec les refuges et les campings. La communication est un point sensible car il faut trouver le langage approprié pour informer correctement les journalistes et la population sans pour autant générer des questionnements, des peurs qui peuvent avoir un impact en matière d’image et économique sur la saison touristique. Nous avons donc organisé une réunion publique d’information à laquelle ont participé la population permanente et les résidents présents dans la station. Dans l’ensemble, la démarche a été bien acceptée par les habitants qui ont compris l’intérêt d’écarter tout risque le plus tôt possible. Nous avons aussi organisé une réunion avec les professionnels de la montagne (guides, accompagnateurs, gardiens de refuges), le cirque du Grand Marchet faisant partie des secteurs les plus fréquentés en été. La mairie avec l’office de tourisme a tenu à communiquer régulièrement sur l’avancée des travaux jusqu’à la mise en eau du canal pour laquelle un arrêté municipal de fermeture du secteur a été pris. Un dispositif de vigie a été mis en place pendant toute la durée de l’opération.

Avez-vous mené une étude en amont du projet pour définir sa faisabilité et/ou son impact ? Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?

David Binet : Nous nous sommes inspirés des travaux menés dans les lacs glaciaires de Rochemelon, des Bossons et du Rosolin et avons affiné la méthode à la configuration, à la topographie du lac glaciaire du Grand Marchet. Les investigations radar ont permis d’interpréter la topographie sous le glacier et de mettre en évidence qu’avec le retrait glaciaire, le lac allait changer d’exutoire, c’est-à-dire de bassin versant. Il risquait donc de se déverser sur le cirque du Grand Marchet, donnant du côté de Pralognan. Le chenal de 110m de long a été réalisé en deux étapes : la glace a été creusée par les pelles mécaniques sur 10 m de profondeur au point le plus haut, puis le passage de l’eau a poursuivi le creusement du canal sur 10 m de profondeur et 1 m de largeur. Le débit a ainsi été maîtrisé, permettant de vidanger 50 000 m3 d’eau en une dizaine de jours. Au moment de la mise en eau, l’augmentation du débit a été inférieure à 1 m3/seconde, donc presque imperceptible dans la traversée du chef-lieu et tout à fait acceptable pour le milieu naturel. Un autre lac glaciaire en aval a joué un rôle tampon, ce qui a limité l’impact hydrologique sur le torrent, l’Isertan, qui passe dans le village à hauteur du camping municipal.

Martine Blanc : A priori, la solution adoptée devrait être pérenne. En effet, le choix de pouvoir creuser un canal dans la glace et non dans la roche est essentiel au niveau de l’approche environnementale. L’incision créée par l’écoulement de l’eau devrait donc suffire à conserver ce canal au cours des années suivantes. Néanmoins, des contrôles seront réalisés régulièrement dès le printemps 2026.

Comment la commune a-t-elle financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?

Martine Blanc : Les dépenses d’environ 485 000 € TTC sont portées par la commune de Pralognan-La-Vanoise sachant que 80 % seront pris en charge par l’État via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs et le Fonds vert.

Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

Martine Blanc : Aux côtés du service RTM-ONF, intervenu dans le cadre du pilotage opérationnel du plan d’actions et pour la maîtrise d’œuvre, de nombreux acteurs ont été mobilisés :

  • les services de l’État en Savoie pour un appui décisionnel sur la gestion du risque, le financement d’une partie des études et travaux, l’encadrement réglementaire des travaux. En particulier : le corps préfectoral, le Service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC), le service Communication, la Direction départementale des territoires (DDT) et la Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL)
  • le Parc national de la Vanoise, gestionnaire de la zone où se situe le lac du Grand Marchet, pour son expertise des milieux et des préconisations pour réaliser les travaux prenant en compte les enjeux environnementaux
  • le bureau d’études SAGE pour les relevés radars
  • PPM pour la coordination SPS (Sécurité et protection de la santé)
  • AMTP pour la réalisation des travaux

Quels conseils donneriez-vous à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?

Martine Blanc : Il est intéressant de s’inspirer des expériences vécues par d’autres sites comparables même si chaque site a ses particularités et ses incertitudes. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur l’expérience de Tignes (Savoie) pour gérer notre propre risque : on a regardé ce que l’on pouvait adapter à notre situation tant dans le cadre des travaux à proprement parler, dans la méthode opérationnelle et environnementale mais aussi dans la communication.
Lorsqu’on fait face à un risque de ce type, agir préventivement devient essentiel si on le peut car en anticipant, on peut prendre le temps de la réflexion et ajuster le projet au plus près du besoin. À l’inverse, si nous n’anticipons pas et que l’on doit réagir dans l’urgence, on s’expose au risque de prendre de mauvaises décisions qui pourraient impacter les personnes les plus vulnérables et les biens. L’anticipation permet de travailler plus sereinement, de faire appel à des professionnels ayant un minimum d’expérience dans le domaine et ayant déjà travaillé sur des sites complexes pour, in fine, enlever le poids de la responsabilité qui pèse quotidiennement sur les épaules d’un maire qui engage sa responsabilité pénale. Enfin, je conseille d’accorder une importance particulière à la communication car ce type de sujet peut être anxiogène pour les populations qui habitent et fréquentent nos stations touristiques. Il faut livrer les informations justes et nécessaires, peser ses mots pour ne pas tomber dans l’alarmisme et le catastrophisme.

David Binet : La communication à l’heure des réseaux sociaux et du risque de bad buzz ne doit en effet pas être prise à la légère. Des comparaisons non pertinentes avec des catastrophes récentes peuvent rapidement être faites d’autant que le sujet de la fonte des glaciers est spectaculaire et très médiatisé.

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Le projet en détails

Dates clés

Automne 2024

Identification du risque de vidange

Mars 2025

Décision de vidanger le lac glaciaire

Avril - Juin 2025

Communication (population, médias) et préparation du chantier (réunions techniques, consultation des entreprises)

Juillet - Aout 2025

Travaux de creusement du chenal puis mise en eau du chenal et vidange maitrisée du lac

Chiffres clés

12 000

m², la superficie du lac

110

mètres, la longueur du chenal

485 000

euros TTC, le coût des travaux

À retenir

L’identification du risque de vidange rapide du lac glaciaire du Grand Marchet dans le cadre du plan d’actions interministériel 2024-2026 « Stratégie relative aux risques d’origines glaciaire et périglaciaire » a permis d’engager des travaux de vidange de manière préventive.

Le creusement du chenal dans la glace a favorisé une vidange progressive et maîtrisée du lac glaciaire, avec un débit au moment de la mise en eau inférieur à 1 m3/seconde, tout à fait acceptable pour le milieu naturel.

L’eau du lac devrait désormais s’écouler par le chenal chaque printemps. Mais la pérennité du chenal n’est pas garantie car il peut se reboucher sous l’effet des précipitations neigeuses hivernales et de la déformation du glacier. Des contrôles réguliers seront nécessaires pendant probablement 2 ans.

Ressources

Travaux préventifs au lac du Grand Marchet, Pralognan-la-Vanoise

Les services de l'Etat en Savoie

Pralognan-la-Vanoise menacé par un lac glaciaire, les travaux de vidange préventifs vont débuter

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