Pollution au plomb : la mairie d’Aubais (30) organise une distribution d’eau potable
Fin mars 2020, les résultats des prélèvements effectués par l’ARS Occitanie sur l’eau distribuée aux enfants, à la cantine d’Aubais (Gard), révèlent une teneur en plomb de 11 microgrammes par litre, très légèrement supérieure à la norme fixée à 10.
Le nouveau maire, fraîchement élu, s’empare immédiatement du dossier et demande des prélèvements supplémentaires sur les réseaux d’eau potable situés à proximité. Les teneurs en plomb y sont dix fois supérieures à la norme autorisée !
À Aubais, débute alors une longue traque du plomb qui va durer près de quatre ans.






Entretien avec Angel Pobo et Laurent Tortosa

Ce projet est présenté par :
- Angel Pobo, maire d’Aubais
- Laurent Tortosa, adjoint chargé de l’aménagement du territoire
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet de la restauration de la conformité de vos réseaux de distribution confrontés à une pollution au plomb s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Dans l’urgence, nous avons demandé à la Saur, notre fournisseur d’eau potable, de cesser la distribution aux enfants, remplacée par des bonbonnes d’eau de source. Puis nous avons engagé le remplacement des canalisations en plomb autour de l’école et de la cantine. Le problème a persisté. Une expertise judiciaire a alors été demandée par le président de la Communauté de Communes Rhôny Vistre Virdoule, le maître d’ouvrage de la cantine inaugurée deux ans plus tôt, pour comprendre. Du robinet jusqu’aux forages, ont été relevées des teneurs en plomb non conformes, un jour ici, un autre là, de manière diffuse et sans logique. Nous étions tous découragés. La canalisation principale de refoulement, qui part des forages jusqu’au réservoir semblait en cause. Nous l’avons fait changer. Sauf qu’une fois les travaux finis, les analyses restaient mauvaises. Le réservoir d’eau a alors été purgé, curé. Dans le même temps, nous avons fait changer les quelque 160 branchements en plomb répartis sur toute la commune et qui ne l’avaient jamais été ! Un chantier titanesque mené au pas de course : une tonne de plomb a été exhumée au cours des quatre mois de travaux, de septembre à décembre 2023. C’est alors qu’a commencé la distribution quotidienne de bouteilles d’eau aux 3 000 habitants d’Aubais qui ne pouvaient boire l’eau du robinet. Quatre fonctionnaires y ont été affectés à plein temps. Mais depuis le 1er janvier, tout le réseau d’eau potable est aux normes. La teneur en plomb est tombée à 2 microgrammes par litre !
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Nous aurions aimé avoir des retours d’expérience de la part de l’ARS ou de la Saur pour nous guider au cours de ces quatre années d’incertitude. Malheureusement, la situation était inédite pour tout le monde. La Saur nous a diligenté des experts nationaux qui n’avaient jamais vu cela. Pourtant, nous sommes convaincus que notre cas n’est pas isolé et que d’autres communes peuvent être confrontées elles aussi à ce type de pollution. Car le contrôle sanitaire mis en œuvre sous l’égide des ARS ne nous semble pas suffisant. Nous considérons que deux points de prélèvements deux fois par an pour les petites communes comme la nôtre, conformément au programme en vigueur, ce n’est pas assez pour contrôler la qualité de l’eau distribuée.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Nous avons mandaté le bureau d’études CEREG pour l’étude de faisabilité qui concernait le remplacement de la canalisation principale de refoulement.
Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Nous n’avons rien pu anticiper, c’est le principe même d’une crise ! D’autant que nous venions d’être élus mais pas encore en poste quand tout a commencé. Je dirais que le minimum pour faire face, c’est de disposer de compétences techniques et de bon sens. Enfin, par nos métiers respectifs, Laurent Tortosa est sapeur-pompier, je suis chef de projet et administrateur salarié au sein du groupe Total Energies, nous sommes très attentifs à la sécurité et aux signaux faibles. C’est la raison pour laquelle nous avons pris très au sérieux les tout premiers résultats de l’ARS qui pourtant n’avaient rien d’affolant. L’une de nos missions en tant qu’élu est d’assurer la sécurité des administrés. A ce titre, nous avons tout mis en œuvre pour régler chacun des problèmes qui se sont succédés, quel qu’en soit le prix, puisque la priorité était pour nous d’en finir avec cette pollution. Cette volonté nous a conduit à des réunions parfois houleuses avec notre fournisseur d’eau potable qui, lui, avait une posture plus financière. A l’avenir, nous serons plus précautionneux sur les clauses du contrat qui nous lie à notre prestataire. Les principales clauses sont rédigées pour se prémunir des problèmes de rendement, c’est-à-dire des fuites, mais quid des paramètres garantissant la qualité bactériologique, chimique ou même la présence d’eau au robinet ?
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
L’une des marques de notre équipe municipale, c’est la transparence. Nous avons fait le choix de beaucoup communiquer, via les réseaux sociaux, auprès des habitants. Au début, les parents étaient inquiets pour les enfants, c’était légitime. Durant les périodes de travaux de remplacement des branchements, l’agacement était palpable. Mais tout le monde s’y est mis, des habitants ont prêté main-forte aux agents municipaux pour la distribution des packs d’eau. Un point central était localisé en zone artisanale où les habitants venaient chercher leur stock hebdomadaire. Nous étions aussi beaucoup sur le terrain pour discuter, écouter. C’était aussi l’un des sujets centraux de nos conseils municipaux qui sont filmés et retransmis sur YouTube. Enfin, nous avons organisé deux réunions publiques dont une avec le directeur de la Saur. L’ARS n’est, elle, pas venue. Tout le monde voyait qu’on faisait le maximum.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
- Le remplacement de la canalisation principale de refoulement : 1 million d’€ financés à 50% par l’agence de l’Eau et à 50% par la commune et le Conseil départemental
- Le remplacement des branchements : 160 000 € (DSP Saur)
- La distribution d’eau potable : 85 000 € (commune)
- Les prélèvements et analyses : 10 000 € (Saur)
- Le traitement des fonctionnaires affectés à la distribution pendant 4 mois
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la mairie d’Aubais dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Le Cereg et SPTB.
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Le projet en détails
Dates clés
Mars 2020
2021
2022-2023
2024
Chiffres clés
1,2
+ 36
3000
À retenir
Une meilleure connaissance des exigences contractuelles attendues, notamment en situation de crise, auprès du fournisseur d’eau potable, et des habitants plus sensibles à la fragilité de la ressource en eau et à la nécessité de la préserver. Des habitants plus sensibles à la fragilité de la ressource en eau et à la nécessité de la préserver.
L’expérience a fait « école » au sein de l’équipe municipale en matière de gestion de crise,
Un sentiment de solitude pour gérer tout à la fois les aspects politiques, administratifs, techniques et psychologiques de cette crise longue,
Ressources
France - info : Après 140 000 euros distribués en bouteilles, l'eau du robinet de nouveau potable dans cette commune du Gard
La bonne nouvelle est tombée lundi 19 février : il n'y a plus de trace de plomb dans l'eau du robinet à Aubais dans le Gard. Les 3 000 habitants vont donc enfin pouvoir se passer des bouteilles d'eau minérale pour cuisinier. La chasse au plomb aura duré cinq mois et coûté 140 000 euros à la municipalité.
Les partenaires de ce projet

Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse

SAUR

Communauté de Communes Rhôny Vistre Virdoule
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet

CEREG

SPTB
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