Préventox : Besançon (25) réduit les micropolluants à la source
“Zéro rejet toxique dans les égouts” : c’est l’objectif que se sont fixés Grand Besançon Métropole (GBM) et la CCI Saône-Doubs, en partenariat avec l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à travers le programme Préventox. Près de 1500 entreprises, situées sur les bassins versants de l’Ognon et du Doubs, y compris le périmètre du Marais de Saône, sont concernées par cette démarche.
L’enjeu ? Accompagner les entreprises dans l’évolution de leur processus pour réduire les micropolluants à la source.
Comment ? À travers des travaux d’amélioration, du bon sens, ou encore grâce à l’investissement dans des technologies sans rejets.




Entretien avec Christophe Lime, Fabienne Poète et Franck Laidié

Ce projet est présenté par :
- Christophe Lime, conseiller municipal, délégué à la lutte contre les pollutions et vice-président du Grand Besançon Métropole en charge de l’eau et de l’assainissement.
- Fabienne Poète, département Eau et Assainissement
- Frank Laidié, conseiller communautaire, délégué de GBM et maire de Pugey
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet des micropolluants s’est-il imposé à l’agenda du Grand Besançon Métropole ?
Anticiper fait partie de l’ADN de la ville. Cela fait de nombreuses années que la ville de Besançon poursuit une démarche de maîtrise des pollutions non domestiques. En effet, dès 2009 des accords-cadres avec l’Agence de l’Eau étaient faits sur le suivi des industriels et la maîtrise du suivi des rejets.
Le programme Préventox a été initié en 2013 entre Grand Besançon Métropole (GBM) et la CCI Saône-Doubs, en partenariat avec l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC) sur les communes du territoire.
La ville de Besançon a étendu progressivement son intervention à l’ensemble du bassin versant de la station d’épuration de Port Douvot (26 communes). En 2016, la zone de protection de la source d’Arcier, notre principale ressource en eau, a été incluse dans ce périmètre. Puis en 2018, la Communauté d’Agglomération de Grand Besançon a pris en charge la compétence Eaux et Assainissement et en 2019, nous avons décidé de poursuivre notre action sur les 69 communes du GBM à savoir les bassins versants de l’Ognon et du Doubs, y compris le périmètre du Marais de Saône.
Notre objectif n’est pas de traiter la pollution des 1500 entreprises de notre territoire , mais bien de la supprimer !
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies ?
L’Agence de l’eau RMC a lancé en 2019 son 11e programme “Sauvons l’eau” dans lequel nous nous sommes inscrits, car un des enjeux est la lutte contre toutes les formes de pollution et notamment la réduction des micropolluants.
Sur notre territoire, toutes activités confondues, il y a une volonté de respecter le milieu naturel et une réelle prise de conscience de l’importance du cycle de l’eau.
Microtechniques, médecine du futur, industrie, horlogerie, Besançon, est un pôle économique majeur. Une grande partie des micropolluants rencontrés sur le territoire sont essentiellement issus des traitements de surface (métaux, détergents, solvants, hydrocarbures..). Les stations d’épurations ne traitent pas ces micropolluants. Ceux-ci vont se retrouver dans nos boues de station. Or nous les valorisons à 95 % en épandage agricole direct ou en compostage.
En tant que lien entre les industriels et les agriculteurs, notre rôle consiste aussi à expliquer l’ensemble de la boucle aux industriels pour qu’ils comprennent que les efforts qu’ils mènent profitent à toute la filière.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Cela s’est fait au fur et à mesure par rapport à l’avancée de la législation. À l’heure actuelle, celle-ci impose des diagnostics en amont de certaines stations selon le nombre équivalent-habitant. Ces analyses et prélèvements donneront une photographie de chaque station.
En 2018 par exemple, une campagne de Recherche des substances dangereuses dans l’eau (RSDE) a été effectuée. Des contrôles à l’entrée du système d’assainissement de Port-Douvot et des boues à la sortie ont été réalisés. Sur plus de 1300 analyses et 90 substances recherchées, 46 substances ont été détectées en entrée avec 21 substances significatives et 11 en sortie et 8 significatives (Chrome, cuivre, nickel, zinc, Durion, DEHP, trichlorométhane, Imidaclopride).
Dans le cas du nickel, nous recherchons les entreprises susceptibles d’effectuer ce rejet dans leurs effluents et leur proposons des solutions techniques.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Fabienne Poète : Je dirais en premier lieu un soutien politique, sans décision politique à la base rien n’est possible, un encadrement technique pour connaître les capacités et les périmètres des systèmes d’assainissement et s’informer de l’impact de la micropollution et des rejets sur le milieu naturel. Ce type de pollution est invisible, ce n’est pas toujours simple à faire comprendre.
Enfin, je parlerai du travail de terrain, de la connaissance de notre territoire et du tissu industriel. On se rend compte de l’évolution positive de notre travail. Parfois il s’agit juste de changement de pratique, il n’y a pas forcément besoin d’investissements lourds et juste avec le dialogue, on peut éliminer une source de pollution.
Christophe Lime : Je veux aussi mettre en avant le travail de l’ensemble des services de la collectivité, près de 200 salariés, qui œuvrent en étroite collaboration. C’est un travail phénoménal ! Je dis souvent à nos concitoyens d’imaginer tout ce qui est fait en amont pour qu’ils puissent boire une eau de qualité au robinet sans se poser de questions.
Franck Laidié : J’aimerai rajouter un point essentiel à mon avis, c’est le périmètre de l’agglomération et la question des transferts de compétences. Je suis maire d’une petite commune et c’est grâce à la dimension communautaire que nous pouvons bénéficier de l’expertise des services. Le programme Préventox est un des meilleurs exemples de la pertinence du transfert des compétences.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des entreprises ?
Christophe Lime : La connaissance des entreprises est essentielle. D’année en année, le maillage des zones industrielles s’étend par notre investissement et notre accompagnement au sein des entreprises. Le premier contact est important et nos services sont vraiment très attentifs et professionnels. Nous essayons de sensibiliser, il ne s’agit pas de pénaliser ou d’imposer des contraintes, mais il ne faut pas oublier l’exigence sur la traçabilité de l’ensemble des produits à laquelle sont soumises les entreprises médiatiquement parlant.
Autre élément majeur, c’est la protection des salariés. En effet, certains produits utilisés par les entreprises peuvent être dangereux pour la santé. Les supprimer ou trouver un produit de substitution est une démarche gagnant-gagnant. De plus, au titre de la collectivité, ces actions sont également indispensables pour nos salariés qui travaillent à l’intérieur de nos réseaux d’assainissement et qui peuvent être impactés.
Le monde économique est un microcosme où tout le monde connaît tout le monde. Les premières expériences sont les plus importantes, car lorsque cela se passe bien cela crée des relations de confiance.
Fabienne Poète : C’est un travail conjoint avec les entreprises, nous ne sommes pas perçus comme des gendarmes, mais plutôt comme des facilitateurs, à l’écoute de leurs difficultés. Il y a un gros travail de sensibilisation, nous regardons tout ce qui touche à l’eau, l’assainissement, la façon dont les déchets sont stockés, les eaux pluviales…et nous les conseillons sur des solutions possibles.
Prenons le cas de Sophysa, une entreprise bisontine spécialisée dans la fabrication de dispositifs médicaux utilisés pour le traitement de l’hydrocéphalie et neuromonitoring que nous avons accompagnée avec le dispositif Préventox dans l’acquisition d’une machine sans rejet.
Sophysa fabrique des implants neurochirurgicaux pour le traitement de l’hydrocéphalie : des valves à pression fixe et réglable, des réservoirs, des cathéters et d’autres accessoires conçus pour drainer le liquide cérébrospinal des ventricules cérébraux à une autre cavité du corps. Ces dispositifs médicaux, très sensibles, doivent être nettoyés et stérilisés avant d’être emballés et envoyés dans le monde entier. Pour rendre son mode de nettoyage plus efficient, l’entreprise s’est tournée vers l’acquisition d’une machine de nettoyage et de décontamination des composants sans rejet aqueux utilisant le CO2 supercritique. Le résultat ? Plus besoin d’eau, de savon ou d’alcool. Les micropolluants captés par le CO2 en état supercritique tombent par gravité lors de l’état gazeux dans une cuve et sont retraités.
La machine coûtant 350 000 €, Sophysa a bénéficié, en 2019, d’une aide de 40 % sur 50 % du montant (175 000€) par l’Agence de l’eau soit 70 000 € d’aide.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Pour suivre le programme Préventox, nous avons créé une cellule END (Effluents Non Domestiques), composée de 2 techniciens spécialisés, qui accompagne nos entreprises. Un diagnostic sur site pour qualifier et quantifier les effluents est réalisé au préalable, des solutions sont préconisées et enfin nous les accompagnons dans le montage des dossiers de subventions mis en place par l’Agence de l’Eau.
Sur la période 2019-2023 (11ème programme Sauvons l’eau de l’Agence de l’Eau), 3.5 millions d’euros de travaux ont été engagés de la part des entreprises avec des aides allant de 40 à 70 % (selon la taille et les différents critères), 1.5 million de subventions ont été versées aux 41 entreprises qui ont effectué des dossiers de demande de subvention.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné Grand Besançon Métropole dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Christophe Lime : C’est un travail collectif entre la collectivité très motivée, les politiques, l’Agence de l’eau et la CCI. Lorsque nous nous déplaçons dans les entreprises, nous sommes toujours accompagnés des représentants des professionnels, la CCI, la Chambre de Commerce, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat ainsi que les Chambres d’Agriculture car avoir la validation des représentants permet de rassurer et d’établir un lien de confiance.
Nous parlions de politique, quand nous nous déplaçons sur les communes périphériques, nous passons toujours par l’élu de proximité, la référence pour ses administrés et ses entreprises.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
2009
2010
2013
2025
Chiffres clés
41
3,7
2,9
À retenir
Notre connaissance du territoire est une richesse puisque nous sommes capables d'intervenir tant sur les problématiques des petites, moyennes que grandes entreprises.
De nombreux investissements financiers pour les entreprises pour répondre au mieux aux exigences des arrêtés d'autorisation des versements.
Nous n’avons pas toujours la connaissance du suivi réel des END entre deux actes administratifs (tous les 5 ans), des fermetures et ouvertures d'activités non gérées. Nous manquons de légitimité pour les contrôles des EP.
Ressources
Preventox - Opération de réduction des micropolluants dans le territoire de Grand Besançon Métropole
CCI Saône-Doubs
Les partenaires de ce projet

Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse

CCI Saône-Doubs

Chambre des Métiers et de l'Artisanat

Chambre d'agriculture
En savoir plus sur Grand Besançon Métropole
habitants (en 2022)
communes membres
Données de contact
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