Armelle Hebert, votre CV est difficile à résumer mais il se dégage un fil d’Ariane au cœur de votre engagement : le lien intime entre santé et environnement, et cela pour l’ensemble du vivant.
Vous travaillez sur un concept innovant, Une Seule Santé : expliquez-nous
« Une Seule Santé » est une approche intégrée de la santé qui considère et intègre les interactions entre les santés humaine, animale et leurs déterminants environnementaux, à savoir, l’air, l’eau, les sites et les sols. Son but est d’améliorer la santé et le bien-être grâce à la prévention des risques et à l’atténuation des effets des crises qui proviennent de l’interface entre les humains, les animaux et leurs écosystèmes. Le concept Une Seule Santé entre dans le cadre de la Sécurité Sanitaire Mondiale 2030 dont l’objectif est de rendre le monde plus sûr et plus sécurisé, en renforçant les capacités de la communauté internationale à prévoir, détecter et répondre aux épidémies de maladies infectieuses.
A la convergence des agendas internationaux, comment passer du plaidoyer à la mise en œuvre territoriale ?
Depuis mars 2022, l’approche Une Seule Santé est promue par l’Alliance Quadripartite : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), l’Office International des Épizooties devenu Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
La déclaration conjointe de l’Alliance Quadripartite sur Une Seule Santé reconnaît le lien intrinsèque entre les santés humaine, animale et environnementale. L’ONU qualifie les années 2020-30 de décennie de la restauration des écosystèmes et des services qu’ils fournissent, permettant notamment une approche fondamentalement plus préventive des maladies, comme facteur premier du maintien de la santé humaine et planétaire.
Depuis la pandémie mondiale de COVID-19, dont le coût est estimé entre 8 et 16 milliards de dollars, on assiste à une prise de conscience accrue et à une large reconnaissance de l’importance d’une seule et même santé en tant qu’approche à long terme, viable et durable. Les quatre organisations travaillent ensemble dans le but de transversaliser le principe « Une Seule Santé » visant à prévenir, détecter et répondre aux menaces pour la santé mondiale et de promouvoir le développement durable intégré (DDI) en soutenant notamment des approches territoriales de la santé, en fondant ses priorités sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé (air, eau, sites et sols), afin d’en assurer l’intégration dans toutes les politiques publiques.
Y est adossé un large panel de disciplines dans les domaines scientifiques et politiques du monde entier. A titre d’exemple, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), la Caisse des Dépôts et Consignations Afrique (CDC Africa), le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID)… et pour les organismes français, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM)…
Qui dirige ces travaux ?
Au-delà des enjeux des zoonoses et d’antibiorésistance déjà portés par « Une Seule Santé », la pollution chimique de l’environnement constitue un défi tout aussi grand sinon supérieur pour le vivant. Tous les acteurs de la décision sont donc potentiellement contributeurs – et donc concernés – par cette conduite du changement : collectivités publiques locales, opérateurs des services essentiels, société civile, acteurs de la santé maternelle reproductive et infantile, ONG internationales, Institutions académiques publiques et privées…
La gouvernance Une Seule Santé est déjà en cours d’institutionnalisation dans de nombreux pays. L’Asie, l’Inde, l’Afrique sont inscrits dans cette mise en œuvre intersectorielle et territoriale de la santé, orientée prévention, autant pour les communautés que pour les écosystèmes, et cela sous la dynamique impulsée par l’OMS et le PNUE. A ce titre, au niveau intersectoriel et interministériel, une approche de territoires apprenants incluant l’ensemble des acteurs des territoires est engagée pour accompagner la conduite du changement, soutenir les investissements intelligents et durables pour mieux préserver et réduire l’impact de la pollution sur les déterminants environnementaux de la santé que sont l’eau, l’air et les sols.
Quel lien peut-on établir entre Une Seule Santé et le cycle de l’eau ?
Concernant plus précisément le cycle de l’eau, d’importantes innovations ont été développées, démontrées au niveau international, tant sur l’ensemble des filières de traitement du cycle de l’eau qu’au niveau de grands bassins versants. Ces innovations constituent des solutions opérables et transférables au niveau des territoires et des opérateurs, pour mieux protéger la santé de l’homme et des écosystèmes vis-à-vis des risques tant biologiques que chimiques dans le respect du principe de précaution et dans le cadre de l’harmonisation des réglementations internationales.
Quels sont les défis et les opportunités de mise en œuvre de l’approche Une Seule Santé sur le grand cycle de l’eau ?
L’eau constitue plus de 90% de tous les organismes : humains, animaux, végétaux, biodiversité. De sa gestion responsable, tant qualitative que quantitative, dépend le devenir de toute vie, de tous les écosystèmes vivants et/ou économiques, de tout développement au sens des Objectifs du Développement Durable (ODD). Et aussi, au sens de la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE), pour les générations présentes et futures. Replacer le cycle de l’Eau au cœur de l’Adaptation, constitue une opportunité majeure pour répondre aux nombreux défis que sont Une Seule Santé, Biodiversité, Climat, Limites Planétaires, Gestion de l’Eau, Inclusivité, Territoires Apprenants, approche territoriale de la Santé.
Avec quels objectifs ?
Il s’agit de réduire l’empreinte environnementale et chimique du cycle de l’eau dans une trajectoire éco-responsable de préservation de la ressource. Dans cet esprit, au niveau Français, un Programme et Équipement Prioritaire de Recherche exploratoire (PEPR) « Eau Bien Commun » souhaite porter la gestion du cycle de l’eau vers un nouveau paradigme (10 ans, 53M€). Dans un contexte de changement global où les pressions sur les ressources en eau sont exacerbées, la protection du cycle de l’eau, tant au niveau global que local, constitue l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Toute cette démarche se structure pour faire face aux défis majeurs accentués par le dérèglement climatique qui replace le cycle de l’eau au cœur de l’adaptation des territoires et bassins versants.
Quelles conclusions ?
Deux messages clés :
- Le cycle de l’eau s’inscrit dans une démarche plus globale, Une seule Santé, et constitue aujourd’hui un nexus, une sentinelle de la santé du vivant.
- Pour les collectivités, développer les interactions avec des parties prenantes plus nombreuses et diversifiées vu la complexité du sujet et son caractère systémique : les ressources en eau sont au cœur de la transition durable des territoires, sur l’ensemble des défis et opportunités que le changement climatique nous impose.