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Sécheresse et sols

Cet article a été rédigé par Pierre Gilbert

Crédits photos : Pas d'auteur à la photo

Différents types de sécheresses affectent les sols, qui réagissent aussi de manière très différente à l’absence et au retour brutal de la pluie en fonction de leur nature et du degré de vie qu’ils contiennent, ce qui ouvre des perspectives intéressantes d’adaptation au niveau du bassin-versant.

Plus un sol est sec, moins il absorbe l’eau. Ce paradoxe doit être pris en compte dans nos politiques publiques locales, car il peut conduire à des catastrophes comme des inondations. Une fois que l’on comprend néanmoins ce qu’il se passe dans les sols et ce qui différencie les sécheresses, on comprend que des mesures préventives peuvent être prises localement.

Qualifier les différents types de sécheresse

La sécheresse est un terme générique qui recouvre en réalité différentes nuances qu’il faut savoir qualifier, et qui n’ont pas toujours la même incidence sur les sols.

Mais premièrement, la sécheresse n’est pas « l’aridité ». Une région aride peut connaître des épisodes de sécheresse, mais le manque de pluie y est une caractéristique climatique permanente. Il s’agit généralement de régions où la pluie est rare et les températures élevées. La sécheresse qualifie donc un phénomène ponctuel, sur une zone donnée.

La sécheresse météorologique correspond à un déficit prononcé et prolongé de précipitations. Il ne pleut tout simplement pas ou très peu pendant une longue période. En France, on considère qu’il y a sécheresse météorologique lorsqu’aucune goutte de pluie (soit moins de 0,2 mm/jour) n’est tombée pendant 15 jours consécutifs. La définition de cet état de sécheresse varie suivant les régions du monde et leurs ressources en eau. Aux États-Unis par exemple, la sécheresse est déclarée si une zone étendue reçoit 30 % de précipitations ou moins qu’en temps normal sur une période de 21 jours consécutifs.

Cumulée à d’autres facteurs, l’absence de précipitations peut conduire progressivement à la sécheresse édaphique, que l’on appelle aussi sécheresse agricole. Le manque d’eau se répercute jusqu’à assez profondément dans les sols pour altérer le développement de la végétation. Elle est calculée sur la base du taux d’humidité du sol à un mètre de profondeur, qui lui-même dépend des précipitations, mais aussi de la nature du sol, des pratiques culturales et des variétés de plantes. Lorsque la sécheresse s’enfonce dans le sol jusqu’au sous-sol (au-delà de deux mètres), on parle de sécheresse géotechnique. Les effets en sont particulièrement dramatiques lorsqu’elle survient dans les sols argileux.

On parle de sécheresse hydrologique lorsque les débits des cours d’eau sont très inférieurs à la moyenne. Les niveaux des nappes souterraines et le débit des cours d’eau diminuent jusqu’à atteindre l’étiage – le niveau le plus bas d’une rivière. Cela peut être dû à une sécheresse météorologique particulièrement longue et intense, mais aussi à une surexploitation des ressources en eau.

Les différents types de sècheresse

Infographie Le Figaro, 2023

Le cas des sols argileux

En France, environ 54% des maisons individuelles sont situées en zone d’exposition moyenne ou forte au retrait-gonflement des sols argileux (RGA). Un phénomène lié aux successions d’épisodes de sécheresse l’été et de réhumidification des sols qui font craqueler les fondations. 2,12 milliards d’euros de sinistres RGA ont été enregistrés en 2022, un record depuis la création du régime « Catastrophes naturelles » en 1982.

Chaque année, de plus en plus de communes sont elles-mêmes reconnues dans un état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse géotechnique. Mais que se passe-t-il sur le plan physique ?

L’argile a la particularité de voir sa consistance se modifier en fonction de sa teneur en eau. Dur et cassant lorsqu’il est sec, il devient plastique et malléable à un certain degré d’humidité. Au niveau microscopique, l’argile s’organise en microcouches, semblables à des tuiles. Lorsqu’elle est sèche, ces micro-tuiles s’alignent horizontalement par un phénomène de rétractation, ce qui empêche l’eau de passer. Une « croûte de battance » se forme à la surface, qui empêche la bonne circulation de l’eau, mais aussi de l’air dans les sols, ce qui favorise le ruissellement et l’érosion.

À l’inverse, avec l’humidité, ces micro-tuiles s’allongent verticalement, ce qui permet à davantage d’eau de s’infiltrer par capillarité. Ces modifications de consistance s’accompagner à un certain stade de variations de volume : fort gonflement lorsque la teneur en eau augmente, et inversement, forte rétractation (phénomène de retrait) en période de sécheresse.

Cartographie de l’exposition du territoire au phénomène de retrait gonflement :  48 % du territoire est en zone d’exposition moyenne ou forte

Copyright BRGM

Les sols secs n’absorbent pas l’eau

Après des semaines de canicules et de sécheresses, lorsque les orages arrivent, les pluies ne pénètrent pas les sols desséchés et n’alimenteront pas la végétation ni les nappes phréatiques, en tout cas pas dans un premier temps.

La première raison est d’ordre physique : comme de mini bombes, les gouttes provoquent un effet de rejaillissement, aussi appelé effet splash. 1 mm de puis violente sur sol sec peut ainsi arracher 10 g.m−2 de terre. C’est l’un des facteurs importants de l’érosion hydrique des sols. Mais l’effet splash peut aussi ralentir la capacité d’infiltration de dizaines à quelques mm/h, en poussant continuellement l’eau déjà sur le sol hors des voies d’infiltration par l’onde de choc.

Ce phénomène peut être grandement et simplement limité par le couvert végétal qui protège le sol et abrite une microfaune importante qui prévient par ailleurs la formation de croûte de battance. De fait, ce phénomène problématique pouvant occasionner des inondations dramatiques, comme en Belgique et en Allemagne en juillet 2021, est largement dû au fait que d’immenses surfaces agricoles sont mal couvertes par les plantes. Une agriculture sous couvert protège largement les bassins versants de ce genre de calamités.

Formation d’une croûte de battance par la pluie

Auteur non identifé

Prévenir sécheresses et inondations grâce à la vie du sol

Alors qu’un sol labouré peut absorber entre 2 et 10 mm d’eau par heure, un sol forestier ou agricole sous couvert peut en absorber 100 à 300. L’explication de ce phénomène réside simplement dans le degré de vie du sol.

Les vers de terres creusent des galeries que leur mucus maintient ouvertes, permettant à la pluie de s’infiltrer verticalement. Les microgaleries horizontales creusées par les collemboles et autre microfaune permettent à l’eau de s’infiltrer par capillarité, et d’y rester stoker et disponible même lorsque la sécheresse s’avance.

Cette microfaune résiste globalement bien à la sécheresse, car beaucoup de ces organismes peuvent se déssiquer temporairement ou migrer vers les profondeurs. Elle va également produire de l’humus à partir des débris végétaux, puis du complexe argilohumique en mélangeant humus et minéraux du sous-sol. Cette structure de sol contient non seulement beaucoup plus de carbone, mais fait office d’éponge. 1 kilo d’humus peut absorber ainsi 3 litres d’eau.

Globalement, un sol biologique riche en matière organique pourra absorber 20 % d’eau supplémentaire par rapport à un sol appauvri, ce qui peut représenter une différence de 200 000 litres par hectare. Sur un petit bassin versant de 100 km2 constitué de 70 % d’agriculture, cela représente déjà un volume de 1,4 million de mètres cubes (1,4 milliard de litres) qui sera stocké ou infiltré au lieu de ruisseler pour s’accumuler dans les vallées. Sur de plus grands bassins versants, cette réalité est encore plus importante.

C’est pour ces raisons que la résilience des sols aux périodes de sécheresses est largement prévenue par une agriculture de conservation, c’est-à-dire adepte des couverts végétaux, préservant la microfaune des produits phytosanitaires, et adeptes de haies coupant les potentiels flux de ruissellement.

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aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, France Water Team et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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