Restauration morphologique : L’Allaine a retrouvé son caractère naturel au centre-ville de Delle (90)
Compte tenu de son régime hydrologique, l’Allaine est sujette à des crues rapides avec des débordements. Cette rivière qui traverse le sud du Territoire de Belfort (90), a bénéficié d’une opération de restauration hydromorphologique.
L’objectif ? Redonner au cours d’eau son caractère naturel. En effet, l’Allaine, contrainte dans un canal bétonné sur 750 m dans le centre-ville de Delle, débordait régulièrement lors des fortes pluies et disparaissait quasiment durant les épisodes de canicule condamnant la faune piscicole.
Les travaux complexes, menés par la Communauté de communes du Sud Territoire (CCST) dans le cadre de la compétence GEMAPI, ont permis de limiter le risque d’inondation et d’améliorer les conditions nécessaires au développement d’un milieu propice à la biodiversité.
Ce projet est présenté par:
- Jean-Jacques Duprez, Vice-Président de la Communauté de communes du Sud Territoire (CCST) en charge du service Gestion des Milieux Aquatiques et de la Prévention des Inondations (GEMAPI)
- Amélie Spenlihauer, est Chargée de mission GEMAPI
Jean-Jacques Duprez
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le projet de restauration de l’Allaine au centre-ville de Delle s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Il faut savoir que le problème d’inondation n’est pas récent.
Dans les années 50, l’Allaine, la rivière qui traverse la ville de Delle (90) a été contrainte dans un canal en béton pour permettre l’expansion urbaine. Malheureusement des erreurs de conception intensifiaient les inondations.
En 2005, un contrat de rivière franco-suisse piloté par la CCST a été lancé. Les premiers travaux de restauration hydromorphologique du cours d’eau ont été réalisés en 2014-2015 par le Département et portaient sur les parties amont et aval du centre-ville. Ensuite, un cortège de réformes profondes de la fonction publique dont la loi MAPTAM et la loi GEMAPI du 30/12/2017 ont conduit la communauté de communes à se doter de la compétence GEMAPI.
Vu de l’extérieur, ce projet de restauration de l’Allaine semble très simple alors qu’il s’avère complexe d’un point de vue technique et administratif.
Pour vous donner un exemple, la rivière étant canalisée en centre-ville dans un canal en béton encaissé sur un linéaire moyen de 750 m et deux mètres de hauteur de berges, la question de l’accès s’est imposée rapidement.
Quelles sources d’inspiration avez-vous suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Nous nous sommes appuyés sur les premiers travaux de restauration morphologique (2014-2015) amont (vers la frontière suisse) et aval (zone des Brétilloux) à Delle (90) et sur la Vendeline, une rivière qui traverse le Territoire de Belfort, à Réchésy (90). L’idée était de garder une continuité même si les conditions n’étaient pas les mêmes. Les échanges avec les bureaux d’études ont permis d’affiner le projet.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Il y a eu au préalable une étude avant-projet comprenant un diagnostic, une étude hydraulique ainsi qu’une description des travaux.
Nous avions deux contraintes : améliorer l’écoulement de l’eau et restaurer un milieu aquatique de qualité.
Nous étions sur un canal en béton dont les structures correspondaient à un usage précis, mais pas du tout au nôtre. Or, impossible de couper la coque en béton sans provoquer des dommages structurels aux habitations voisines du cours d’eau et aux voies publiques. Nous avons dû nous adapter pour recréer le lit naturel par-dessus la coque en béton.
Comme la rivière était canalisée, la lame d’eau était large et peu profonde avec une vitesse d’écoulement assez faible. En termes de biodiversité, il a fallu créer des zones hétérogènes avec des vitesses plus importantes (pierres, seuils …) avec un lit d’étiage de 25 cm (au lieu de 5 cm) pour, d’une part, garder de l’eau constamment et, d’autre part, éviter que l’eau ne chauffe trop en été.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Il est nécessaire de posséder des compétences sur la gestion de rivière, hydraulique et sur la partie biodiversité, de connaître les solutions efficaces pour un environnement favorable à la vie piscicole, pour le bon état des eaux en termes qualitatif, quantitatif et avoir un regard critique sur les études hydrauliques menées. Il faut également avoir une bonne connaissance du terrain, des enjeux en milieu urbain.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Nous avons mené des concertations, des réunions techniques, des comités de pilotage entre les différentes instances. Qu’il s’agisse de la CCST (maître d’ouvrage), des services de l’État, de la fédération de pêche et de l’Agence de l’eau, chacun a des attentes différentes.
Nous devions définir un cadre qui corresponde aux règles légales et imposé à tous. Pour prendre l’usage de l’eau et plus particulièrement l’usage des rivières, chacun fait un peu ce qu’il veut comme il veut, or sur ce type de projet, ce n’est pas possible.
Nous avons mené des réunions publiques et individuelles avec les riverains concernés, des panneaux d’informations ont été installés et mis à leur disposition un numéro de téléphone afin de centraliser leurs interrogations. Le retour des habitants a été plutôt positif.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
La restauration morphologique a coûté 695 000 € dont 50 % ont été subventionnés par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC), et 50 % ont été financés sur les fonds propres de la CCST.
À cela s’ajoute un budget de 126 000 €, financé par la Ville de Delle, d’aménagements urbains dont le remplacement de la passerelle piétonne. L’ancien ouvrage en béton descendait d’un mètre dans le cours d’eau et empêchait la bonne circulation de l’écoulement des eaux lors des épisodes de crue.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagné dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
- Maîtrise d’œuvre et Définition du projet : IRH
- Expertise de confortement de berge : Hydrogéotechnique
- Réalisation des travaux : Climent TP
- DDT90
- OFB (Office Français de la Biodiversité)
- Fédération de pêche
- AERMC
- La Ville de Delle
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Le projet en détails
Dates clés
2014-2015
2018
2019-2021
2023
Chiffres clés
3
821 000
750
Résultats
- Depuis l’achèvement des travaux, nous n’avons encore pas observé de niveaux de références concernant les hautes eaux, mais on constate déjà une nette amélioration lors des épisodes de fortes précipitations ; le niveau d'eau a baissé de 60 à 80 cm ce qui diminue le risque d’inondation.
- Malgré tout, nous restons prudents, car le canal est sous-dimensionné. Aujourd’hui, grâce au reméandrement, les régimes de faciès d’écoulement de l'Allaine sont diversifiés, les barrettes en cage à gabion favorisent l’oxygénation et retiennent les sédiments.
- Un bilan d'inventaire des espèces avait été fait avant les travaux et d’ici quelques années (3 à 4 ans), le temps que l'ensemble des espèces se régénère et s'approprie les différents milieux, nous ferons une mise à jour de cet état des lieux.
À retenir
La suppression des obstacles (seuil) qui empêchaient les écoulements : restauration de la continuité écologique
Le reméandrement du cours d’eau avec la création d’irrégularités pour diversifier les habitats piscicoles
Le fond du lit bétonné que nous avons dû conserver pour éviter les problèmes de stabilité des berges, réduire les coûts et les délais.
Ressources
L'Est Républicain : Delle : des travaux pour redonner un caractère naturel à la rivière Allaine
L’Allaine a profité ces deux dernières années d’une opération de restauration de son lit dans un tronçon au cœur de la ville de Delle. Mené par la communauté de communes du Sud Territoire, ce chantier va se poursuivre sur une nouvelle section de cette rivière qui traverse le sud du Territoire de Belfort.