Quand la commune de Pont-Saint-Martin (44) se fait exploitante agricole pour restaurer ses zones humides
Pont-Saint-Martin est une commune rurale de 7 000 habitants jouxtant de grandes zones d’activités de Nantes Métropole (aéroport, MIN). Elle est traversée par la rivière l’Ognon qui alimente le lac de Grand-lieu, une zone humide de 65 km² classée d’importance internationale.
Confrontée à la déprise agricole, à une forte croissance démographique, aux enjeux de gestion qualitative et quantitative de l’eau, la commune mène depuis 10 ans une politique de maîtrise foncière des zones humides, en commençant par son marais.
Une stratégie utile autant à la restauration des zones humides que d’une agriculture nourricière et de beaux paysages.
Entretien avec Yannick Fétiveau et Kévin Challemet
Ce projet est présenté par :
- Yannick FETIVEAU, Maire de Pont-Saint-Martin
- Kévin CHALLEMET, Responsable environnement
Yannick Fetiveau
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment la restauration des zones humides s’est-elle imposée à l’agenda de votre collectivité ?
Yannick Fétiveau : Je me définis comme un maire citoyen. Mon mandat est de développer notre collectivité dans le cadre d’une transition écologique et sur un territoire en profonde mutation. Nous sommes aux portes de la métropole nantaise et beaucoup d’urbains nous rejoignent : nous avons eu 1 000 habitants de plus en six ans. Nous sommes traversés par l’eau, avec une zone Natura 2000 jusqu’au cœur de ville et un marais qui est l’antichambre du lac de Grand Lieu. Nous sommes aussi confrontés à une déprise agricole. En 2013, au moment de la révision du Plan local d’urbanisme, le pré-diagnostic sur le Marais de l’île a montré l’urgence d’intervenir pour stopper l’enfrichement et conserver une mosaïque des milieux favorable à la biodiversité. Par ailleurs, les enjeux spécifiques de l’eau sont apparus de façon douloureuse avec des épisodes de mortalité piscicole en 2005, 2016 et 2021 dans la rivière l’Ognon, qui traverse la commune d’est en ouest. Nous avons déjà derrière nous 10 ans d’actions en faveur des milieux naturels et agricoles et nous avons engagé la commune en 2023 dans le nouveau programme du Contrat territorial eau 2022-2027 de Grand Lieu. Le Syndicat Grand Lieu Estuaire mène actuellement la restauration du ruisseau de la Patouillère, tandis que nous acquérons le foncier autour du cours d’eau pour développer une stratégie agricole intégrant la gestion de l’eau.
Kévin Challemet : Les « sources » du ruisseau de la Patouillère sont des zones d’activité situées sur Nantes Métropole ! Pour autant, le bon état général est atteignable pour ce cours d’eau, ce qui en fait un sous-bassin prioritaire dans le cadre du CT Eau. Nous visons la reconquête de la qualité de l’eau, de la biodiversité et des paysages.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Yannick Fétiveau : Chacune de nos expériences est un pas pour aller encore plus loin. En 2008, nous avons acquis des parcelles inondables situées autour de mégalithes, en vue de créer un sentier d’interprétation sur la biodiversité. Nous avons restauré ce bord de rivière avec un boisement, des prairies, une mare, une frayère à brochet et des ruches.
La deuxième expérience est celle de la réappropriation du Marais de l’île. Depuis 2017, nous avons acquis près de 22 ha auprès de 43 propriétaires grâce aux aides de l’Agence de l’eau et restauré 10 ha de prairies humides. Pour les entretenir, il faut de l’agropastoralisme. Nous avons alors créé un commun agricole sur 12,7 ha de marais. En 2019, notre commune a été la première en Loire-Atlantique à se déclarer exploitante agricole. Nous déclarons les surfaces agricoles à la PAC et souscrivons des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) liées au lac de Grand-Lieu. Les éleveurs signent un règlement d’exploitation dans lequel ils s’engagent à respecter le cahier des charges MAEC. Nous leur redistribuons les aides perçues à proportion de leur activité dans le commun.
Nous avons assuré la maîtrise d’ouvrage avec l’accompagnement technique du syndicat Grand Lieu Estuaire et de la Chambre d’agriculture. Cela a été un vrai laboratoire pour nous et nos partenaires. Nous nous accordons à dire que c’est une réussite !
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Kévin Challemet : C’est le Syndicat Grand Lieu Estuaire qui a mené les études et réalise les travaux de restauration morphologique du ruisseau de la Patouillère, avec un reméandrage, la reconnexion aux zones humides ou encore le retrait d’ouvrages hydrauliques problématiques. De notre côté, nous sommes positionnés sur l’acquisition des zones humides en lien avec ce cours d’eau, qui sont des secteurs d’expansion de crue. Nous avons acquis 10 ha en juillet 2023. Nous commençons les études pour valoriser les parcelles humides en éco-pastoralisme, avec pâturage et fauche. Pour des parcelles amont, où les haies ont été arrachées dans les années 1970, 800 mètres de haies seront replantés pour limiter le ruissellement. C’est encore une fois une action partenariale : la commune finance la préparation du sol et le syndicat de bassin réalise le talus et commande les plants. La plantation a lieu dans le cadre d’un chantier commun.
Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Yannick Fétiveau : Comme élu, je travaille ces sujets depuis longtemps. Je suis à mon 5e mandat, et maire depuis 2014 à Pont-Saint-Martin. Je suis aussi vice-président à l’habitat et l’urbanisme pour la communauté de communes, vice-président du syndicat de bassin. Notre stratégie de gestion communale des espaces naturels et agricoles nécessite d’investir dans les ressources humaines. Nous avons créé le poste de chargé de mission environnement fin 2016. Il faut accepter de passer du temps pour créer du lien, apprendre à travailler avec les acteurs, sans s’attendre à des résultats immédiats. Nous avons mis beaucoup de méthode, beaucoup d’engagement. Nous sommes maintenant crédibles auprès de tous nos partenaires.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Yannick Fétiveau : On a passé un cap générationnel : le tissu d’acteurs a changé. Nos agriculteurs sont sensibles aux enjeux agro-écologiques. En 2018, année de sécheresse, les éleveurs ont vu tout l’intérêt de retrouver des pâturages dans le marais. Nous opérons une veille foncière sur les secteurs délaissés et cela se sait. Des héritiers de parcelles agricoles sont contents de nous les vendre pour des projets d’intérêt général. Du côté des habitants, notre démarche fait sens avec le souhait des familles de profiter d’espaces naturels préservés. Nous savons aussi communiquer notre passion à travers le magazine municipal. Les retours sont très positifs.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Kévin Challemet : Pour l’opération en cours le long du cours d’eau la Patouillère, nous en sommes à 60 000 euros d’acquisition foncière avec une aide à hauteur de 70% par l’Agence de l’eau. Nous irons ensuite chercher d’autres subventions pour la restauration des parcelles.
Yannick Fétiveau : Sans partenaire, nous ne pourrions pas nous engager de manière si ambitieuse. Cette force de frappe nous permet de traiter la gestion quantitative et qualitative de l’eau, de préserver la biodiversité et d’avancer sur notre projet alimentaire territorial. C’est gagnant, gagnant, gagnant !
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné Pont-Saint-Martin dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Nous avons acquis les parcelles du vallon de la Patouillère par une opération de déstockage de la SAFER. Le CPIE Logne et Grand-Lieu nous accompagne maintenant pour le diagnostic des parcelles et l’élaboration d’un plan de gestion.
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.
Le projet en détails
Dates clés
2013
2008-2016
2022-2023
2024-2025
Chiffres clés
10
60000
800
À retenir
Nous avons fait de notre point noir, la déprise agricole, un atout pour la gestion de l’eau et la préservation des zones humides
Une incompréhension mutuelle dans les premiers échanges avec la SAFER, mais depuis nous avons appris à travailler ensemble.
Ressources
Ouest-France - Le marais de l’Île : un joyau de biodiversité à découvrir
Situé dans le prolongement naturel du lac de Grand-Lieu, le marais de l’Île fait l’objet de toutes les attentions à travers un plan de gestion visant à préserver les milieux et l’agriculture ancestrale de marais.