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Ulysse Burel : « De nouvelles technologies partent à la chasse aux gaspillages de l’eau! »

Crédits photos : Ulysse Burel

Ulysse Burel est Responsable Villes et Entreprises Durables au HUB Institute, un think-tank travaillant depuis 12 ans dans le domaine des transformations digitales et durable. Il propose des programmes de formation, des événements et des études pour accélérer les innovations au sein des entreprises et des collectivités territoriales. Ses missions incluent également la veille stratégique et la diffusion de bonnes pratiques.

Avec Ulysse Burel nous revenons sur l’édition 2024 du CES (Consumer Electronics Show), salon international consacré au numérique et, de plus en plus, aux apports des nouvelles technologies à la transition écologique.

Bonjour Ulysse et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous constatez d’année en année qu’un nombre croissant d’exposants au CES œuvrent à la préservation de l’environnement.

Tout à fait, cela reste une minorité d’exposants mais nous observons de plus en plus d’entreprises proposant des produits et des solutions digitales qui pourraient êtes industrialisées à moyen terme. Les villes sont également de plus en plus investies, notamment sur la question de l’eau, où les nouvelles technologies peuvent contribuer à plusieurs enjeux : gestion intelligente des réseaux, purification de l’eau, réduction des gaspillages, production d’eau potable…

Dans le domaine de la gestion des réseaux, l’Internet des Objets (IoT) et l’Intelligence Artificielle (IA) permettent d’automatiser les processus et d’améliorer la précision des informations en temps réel à disposition des collectivités. Les données provenant de capteurs et de technologies telles que le micro-compteur et le SIG permettent d’améliorer l’efficacité des réseaux et de réduire les coûts.

Par exemple Las Vegas déploie son « jumeau numérique », en d’autres termes un modèle numérique de la ville qui aidera les responsables à définir des politiques et des priorités en matière d’utilisation de l’énergie, d’émissions, de circulation, de stationnement, et de nuisances sonores. Sur le sujet de l’eau, la modélisation 3D du réseau de distribution permettra à la municipalité d’anticiper et repérer des fuites, piloter la distribution d’eau, et plus généralement la performance du réseau.

En Australie, Brisbane intègre des capteurs dans les compteurs d’eau pour surveiller et piloter la consommation en eau, suivre et analyser les tendances, avec des alertes en cas de dépassement de seuils.

Pourriez-vous nous décrire quelques solutions développées par des entreprises exposantes ?

Pour prendre des exemples illustratifs issus d’entreprises françaises, Suez a récemment lancé SewerBall, une balle dotée d’une série de capteurs employés dans les réseaux d’assainissement, accompagnée d’algorithmes d’IA. Cette innovation, exploitant l’Internet des Objets, permet d’analyser les données pour repérer des irrégularités telles que la pollution ou les infiltrations.

La startup ACWA Robotics a développé le robot intelligent Pathfinder, qui navigue à travers les conduites du réseau d’eau sans interrompre la distribution. Il collecte les données nécessaires pour créer un jumeau numérique du réseau, économiser l’eau et optimiser les investissements urbains dans les infrastructures. Leur technologie aide à déterminer les moments et les endroits les plus pertinents pour le renouvellement des sections de canalisation présentant des risques.

Vous évoquiez des solutions de purification de l’eau. Pourriez-vous donner quelques exemples ?

Concernant la réutilisation des eaux usées en cycle court, l’entreprise néerlandaise Hydraloop propose un système de recyclage de l’eau qui parvient à récupérer et désinfecter 85% de toute l’eau utilisée à l’intérieur des habitations (douches, machines à laver, climatisation).

L’entreprise suédoise Orbital Shower Core déploie des capteurs dans la bonde de la douche, qui analysent la qualité de l’eau 20 fois par secondes, décidant ainsi de faire recirculer l’eau ou non. L’eau est purifiée par une capsule filtrante et une lampe UV. En employant une technologie similaire, l’entreprise canadienne Acuva a développé un système à radiation UV qui rend les micro-organismes inactifs. Des villes telles que Paris, New York ou Vancouver utilisent déjà cette solution.

A Taiwan, Mbran Filtra conçoit des matériaux de filtration membranaires microporeux pour différentes industries. Elle a créé le plus petit filtre à eau portable au monde !

Des technologies peuvent ainsi être imaginées et déployées pour agir au niveau des équipements, mais aussi de bâtiments entiers. Par exemple, l’entreprise coréenne Geogrid propose un système de filtration qui purifie l’eau de bâtiments entiers, ainsi qu’un échangeur de chaleur qui fournit de l’eau chaude avec moins de consommation d’énergie.

Qu’en est-il des solutions en matière de réduction des gaspillages ?

Là aussi, les technologies peuvent agir un peu partout à travers les équipements consommant de l’eau dans les habitations, l’industrie et le commerce. Par exemple, les salons de coiffure font partie des commerces disposant de marge de manœuvre pour gagner en efficience. L’Oréal a présenté sa solution Water Saver, un robinet envoyant un jet de microgouttelettes, permettant de former un rideau d’eau plus large et un rinçage plus efficient.

Cela fait écho à une intervention de Jean-Emmanuel Gilbert sur aquagir, qui appelait à réaliser des diagnostics de consommation dans tous les lieux de consommation de la collectivité, avant d’élaborer une stratégie de « transition hydrique » suivi d’un accompagnement des acteurs. Les salons de coiffure étaient cités parmi les exemples, au même titre que les restaurants, les hôpitaux, ou encore les écoles.

Absolument, l’efficience dans notre utilisation de l’eau sera le fruit d’un travail minutieux à tous les niveaux. Je donnerais aussi l’exemple de l’arrosage des jardins en ville. L’entreprise française Source Urbaine propose des modules « low-tech » de gestion des eaux pluviales qui collecte l’eau de pluie, la stocke de manière intégrée, et la distribue pour l’irrigation des espaces verts en ville. Cela évite à la ville un arrosage couteux, et réduit les coûts de gestion des rejets d’eaux pluviales dans les réseaux d’assainissement.

On peut enfin évoquer le cas d’Urban Canopée, qui propose des solutions innovantes pour intégrer la végétation en milieu urbain. Des solutions couplées à un système d’irrigation intelligent.

Vous évoquiez enfin l’enjeu de la production d’eau potable.

En effet, les solutions qui étaient exposées concernaient notamment la production de l’eau… à partir de l’air !  La société française Agua de Sol a développé un panneau solaire pouvant produire jusqu’à 2L d’eau par jour à partir de l’humidité de l’air. Cela évite ainsi la fabrication, le transport et la mise en décharge de bouteilles en plastique. En Tunisie, l’entreprise Kumulus Water propose une technologie similaire, répondant particulièrement aux besoins de populations vivant en zone aride pour gagner en autonomie dans leur approvisionnement en eau potable.

Merci pour ce tour d’horizon. Quels mots de conclusion auriez-vous à destination des collectivités françaises qui nous lisent ?

L’enjeu de l’innovation est sa déclinaison à l’échelle territoriale. Dans le prolongement de ce que je viens d’évoquer sur les populations vulnérables vivant en zone aride, nous notons que dans des régions comme l’Afrique du Nord les acteurs sont particulièrement attentifs et actifs sur ces enjeux. En France, nous notons une réelle intention d’agir. Du fait des épisodes répétés de sécheresse depuis 2015, nous remarquons une prise en considération de ces enjeux et des initiatives qui fleurissent sur de nombreux territoires : il y a désormais un nécessaire besoin de passage à l’échelle, d’industrialisation et, donc, de maturité. Evidemment, nous jouissons encore d’une relative sécurité, mais il ne faudra pas attendre d’être dos au mur pour agir !

Cet article vous est proposé par aquagir

aquagir est un collectif d’acteurs œuvrant dans l’accompagnement de bout-en-bout des projets de gestion des eaux dans les territoires avec une vision globale, collective et écosystémique des enjeux et des solutions.  aquagir regroupe l’ANEB, la Banque des Territoires, le BRGM, le Cercle Français de l’eau, les pôles de compétitivité de la filière eau Aqua-Valley et Aquanova et l’UIE (Union des Industries et Entreprises de l’Eau)

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