Regrouper les structures de gestion de l’eau pour mieux entreprendre des rénovations du réseau d’eau potable de Carentan-les-Marais (50)

Comment ce projet s’est-il imposé à l’agenda de la commune de Carentan-Les-Marais ?

En 2020, en tant qu’adjoint au maire de la commune nouvelle de Carentan-Les-Marais, on m’a confié la compétence eau et assainissement. Un domaine d’activité complétement inconnu pour moi.
Dans un premier temps, ma mission consistait à découvrir avec l’aide du nouveau responsable technique, Antoine DUMAS, jeune technicien arrivé à la fin 2019, comment est organisé et fonctionne le service des eaux.

Dès le début 2021, nous avons rédigé un cahier des charges pour lancer un appel d’offres afin de réaliser un schéma directeur, support technique qui nous permettra par la suite de réaliser des travaux et de bénéficier d’aides financières.

Dans l’attente de ce résultat du schéma directeur, l’équipe technique composée de quatre agents dont un chef d’équipe, passe beaucoup de temps à réparer les fuites de canalisation. Nous sommes dans une démarche curative. Ce nouveau territoire est composé de canalisations hétérogènes, fontes, PVC et l’amiante-ciment, canalisations très fragiles du fait de leur mauvais vieillissement. Ces canalisations en amiante ciment sont situées uniquement en zone rurale, ces dernières traversent fréquemment les champs et, avec l’évolution des engins agricoles pesant aujourd’hui plusieurs tonnes, cela engendre des casses et fragilise les réseaux.

Sur les trois unités de distribution d’eau potable, deux ont des rendements très médiocres : 75% pour le secteur Carentan St Hilaire-Petitville et 40% pour l’ancien SIAEP des Veys. Un indice linéaire de perte (ILP) d’eau de 11 m³/km/jour pour le secteur de Carentan et de 8 m³/km/jour pour l’ancien SIAEP des Veys. Ce qui représente pour la régie de Carentan-Les-Marais une perte financière d’environ 135 000 € annuel.  Au vu de tous ces problèmes urgents, nous avons commencé à imaginer une stratégie avec comme objectif d’inverser notre façon de fonctionner, à plus ou moins long terme. Passer d’une organisation travaillant d’un mode curatif à un mode préventif.

Avec l’aide des techniciens de terrain, nous avons d’abord identifié les secteurs les plus urgents à traiter (casses et fuites répétitives) mais la tâche est importante, les deux tiers des réseaux sont très fuyards.

C’est pourquoi un schéma directeur s’imposait en urgence afin de rédiger une feuille de route, et surtout obtenir des aides pour financer nos futurs travaux.

Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?

Étant donné que le résultat du schéma directeur nous a été présenté qu’en 2024, nous avons construit, dès 2021, une stratégie centrée sur la rénovation des réseaux de distribution d’eau.

À partir de la longueur totale des canalisations, soit 170 km, nous avons analysé la durée de vie estimative du réseau. Actuellement, celle-ci se situe entre 60 et 80 années, soit une estimation moyenne de 70 ans. A partir de cet indicateur, nous avons calculé le taux annuel de remplacement des canalisations de 1,42 %. Ce qui nous a permis d’estimer la longueur de canalisation à rénover, soit 2,4 km par an. Nous avons ensuite calculé le budget annuel à prévoir. Nous estimons le coût moyen de remplacement d’une canalisation sur la base d’un tarif de travaux entre 200 000 et 250 000 € le km, soit un budget prévisionnel sans aide financière de 500 000 € par an.

Aujourd’hui nous avons un schéma directeur qui confirme que notre stratégie de rénovation imaginée en 2021 est conforme à ce qui est présenté dans ce document. Néanmoins, deux autres volets du schéma directeur viennent enrichir notre stratégie, le premier se concentrant sur la modernisation. Par exemple, mailler les réseaux entre les différentes unités de distribution afin d’améliorer la qualité de service auprès des abonnés (réduire les arrêts de distribution), en sectorisant plus finement les réseaux, en installant des compteurs de flux afin d’isoler plus facilement les fuites. Ce qui nous permettra d’améliorer nos rendements et surtout nos ILP. Le troisième volet concerne les ouvrages de stockage d’eau. Nous gérons 3 châteaux d’eau qui datent de plus de 60 ans. ALTEREO a fait réaliser des études techniques sur ces ouvrages. Des travaux sont à prévoir pour deux d’entre eux, et la reconstruction du château d’eau historique de Carentan semble nécessaire. Il n’est plus adapté en termes de capacité au secteur, d’autant plus que de nombreux industriels se sont installés depuis sa construction.  Un chantier dont l’investissement est estimé entre 4 et 5 millions d’euros.

Ce schéma directeur a été réalisé par notre partenaire, le cabinet d’étude, ALTERO. Ils ont pu nous apporter leur retour d’expérience dans la conception du plan prévisionnel.

Pour mes sources d’inspiration, outre mes fonctions à Carentan-les-marais, je suis également représentant des distributeurs d’eau de la Manche à travers le syndicat de l’Isthme du Cotentin au SDEAU50, syndicat départemental chargé de la ressource en eau et de la sécurisation. Cela me permet d’acquérir des informations transversales du petit cycle de l’eau, utile pour observer ce qui se fait ailleurs, et m’inspirer pour aligner notre stratégie.

Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?

Les études de faisabilité ont été retranscrites par ALTEREO dans le schéma directeur. Tous les travaux ont été chiffrés avec un planning sur dix ans, c’est-à-dire jusqu’en 2035, avec un montant total de 12,5 millions d’euros d’investissement (rénovation, château d’eau, modernisation), et une projection sur l’impact du coût de l’eau sur le prix consommateur.

Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans un projet ?

Tout d’abord, s’entourer de personnel compétent, avec de l’expérience si possible. Notre jeune responsable technique avait déjà travaillé pour une grande collectivité et nous a apporté ses connaissances et son expérience. Avoir une bonne connaissance des réseaux, l’idéal c’est d’avoir à minima un SIG (système d’information géographique), ce que nous n’avons pas actuellement. C’est compliqué à mettre en œuvre pour une petite structure telle que la nôtre.  Cependant, nous avons bon espoir d’en mettre un en œuvre. La loi NOTRe nous aide car elle oblige les petites collectivités et les syndicats à transférer les compétences eau et assainissement à communauté de communes sauf si la structure est membre d’un syndicat d’eau supra-communautaire. Et nous avons l’opportunité d’être membre d’un syndicat supra-communautaire pour la production d’eau (SMPEP de l’Isthme du Cotentin).

Et depuis 2023, nous travaillons ensemble sur un projet de regroupement au sein ce syndicat qui assurera les compétences, production, stockage et distribution de l’eau potable. En regroupant nos ressources, nous pourrons bénéficier de plus d’aide financière, et mettre en place un SIG, faire monter en compétences nos agents, etc. Ce projet de regroupement est très apprécié des services de l’État, l’ARS, la DDTM 50, l’Agence de l’eau et la DGFIP. Les stratégies s’orientent de plus en plus vers la protection de la ressource de l’eau, et les aides financières seront qu’aux structures ayant une stratégie dans ce sens. Par conséquent, soit nous restons gestionnaires de canalisations, avec un impact élevé sur le coût de la distribution de l’eau, soit nous rejoignons une structure plus grande, plus professionnelle, qui pourra bénéficier d’aide financière plus importante, par conséquent, un tarif de l’eau à l’abonné raisonné.

Nous avons déjà une première expérience avec la création de la commune nouvelle de Carentan-les-marais. Un premier pas a été franchi avec la mise en place d’un service dédié à la gestion de distribution de l’eau, avec du personnel technique dédié, un petit pôle administratif de 2 personnes dont un agent à 40%. C’est une faiblesse de cette organisation, qui ne permet pas de répondre efficacement aux abonnés. Mais avec le futur regroupement au syndicat de l’Isthme du Cotentin, l’équipe administrative sera composée de 6 personnes, ce qui permettra d’être plus professionnel et de gérer nos dossiers plus efficacement.

Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

À ce jour, nous communiquons peu avec les habitants. Depuis 2024, le service administratif communique vers l’abonné via des SMS, ce qui nous permet d’informer en cas d’un problème de service (coupure d’eau, intervention technique, etc.). Dans le cas du projet de regroupement, nous souhaiterions mettre en place un site internet, éventuellement faire appel à une agence de communication locale pour réaliser quelques vidéos, ce qui peut être plus parlant qu’un document écrit. Ce qui sera l’occasion d’expliquer ce projet.

Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?

Nous avons travaillé principalement avec l’Agence de l’Eau Seine Normandie afin d’obtenir une aide financière sur la mise en œuvre de notre schéma directeur. Le reste du projet a été financé par la régie de l’eau de Carentan-Les-Marais par de l’autofinancement.

Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagné dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

Principalement l’assistance des agents techniques, qui ont une bonne connaissance des installations et du terrain.