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Comment le taux d’humidité va-t-il changer le climat ?

Cet article a été rédigé par Dimitri Carbonelle, Maxime Blondeau

Crédits photos : Carte de France de l’humidex le 23/8/2023 à 14h - Source : Météociel

Cet article a été rédigé sous la direction de Maxime Blondeau

L’eau et le climat sont intimement liés, car la partie basse de notre atmosphère retient de la vapeur d’eau en suspension issue de l’évaporation des océans et des eaux de surface. Le réchauffement planétaire, en accélérant cette évaporation, entraîne une augmentation générale du taux d’humidité de l’air, ce qui transforme notre perception de la température. On parle de température ressentie. Mais est-ce seulement notre ressenti qui est en jeu ?

Le taux d’humidité de l’air se mesure en temps réel

L’humidité atmosphérique, bien que souvent négligée, est une composante cruciale de notre vie quotidienne. Dans nos habitations, une humidité excessive peut entraîner l’apparition de moisissures et d’acariens. Il est plus difficile de chauffer un air humide qu’un air sec. À l’inverse, une humidité trop faible peut assécher nos muqueuses, déformer les parquets en bois et même provoquer des fissures dans les murs, c’est pourquoi l’ADEME préconise une humidité dite relative entre 40% et 60%.

L’humidité relative correspond à la quantité d’eau présente dans l’air par rapport à la quantité maximale d’eau que l’air peut contenir. Plus la température de l’air est élevée et plus l’air peut contenir de l’eau en suspension, sous la forme de vapeur ou de gouttelettes microscopiques.

L’humidité absolue mesure, elle, la teneur en eau de l’air en grammes.

Le thermomètre mouillé, comme nouvel indicateur

Lorsqu’il fait froid, un taux d’humidité élevé accentue la sensation de froid, car le corps transmet plus facilement sa chaleur à l’eau qu’à l’air. Par rapport à une maison saine, une maison humide donne l’impression d’être plus froide d’environ 4°C. Mais curieusement l’inverse est aussi vrai.

Par temps chaud, une forte humidité accentue la sensation de chaleur dans l’air, car l’humidité ralentit l’évaporation de la sueur, le mécanisme naturel de refroidissement de notre corps. C’est le phénomène du “thermomètre mouillé” ou “Wet Bulb Globe Temperature” (TW) qui permet de mesurer le seuil à partir duquel le corps humain ne peut plus évacuer sa chaleur par la transpiration (à l’image d’un chiffon mouillé autour d’un thermomètre qui ne sècherait presque pas à cause de l’humidité ambiante).

Ce que tout responsable de politique publique doit comprendre, et ce que les services de santé publique connaissent déjà, c’est qu’une température élevée combinée à un fort taux d’humidité peut être mortelle, au-delà de certains seuils.

Graphique représentant les risques pour l’être humain (rouge : risque mortel, vert : zone de confort) – Crédits : W. Larry Kenney, CC BY-ND

La limite théorique de survie humaine est de 35°C TW (au “thermomètre mouillé”) soit 35°C avec une humidité de 100% ou 46°C avec 50% d’humidité (mesurable avec ce calculateur). Mais en pratique, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis, ont placé de jeunes hommes en bonne santé dans une chambre thermique et ont évalué que la limite critique était de 30,6°C TW (soit 40°C à 50% d’humidité). Ces conditions ont été évaluées comme après une exposition de 5 heures. Les enfants ou les personnes âgées seraient en danger bien avant, car elles régulent moins bien leur température corporelle.

Vers des régions du monde de plus en plus inhabitables

Selon Colin Raymond, chercheur à la Nasa, la fréquence des pics de chaleur humide a plus que doublé dans le monde depuis 1979. Même si des températures de 35° TW ont été atteintes une douzaine de fois dans le monde jusqu’ici, principalement en Asie du Sud et dans le Golfe Persique, elles n’ont pas duré plus de deux heures.

Cela explique qu’il n’y ait pas eu à ce jour d’événement de mortalité massive dû à ce phénomène. À titre de comparaison, la vague de chaleur de 2003, responsable de 50 000 décès en Europe, avait atteint une température “humide” maximale de 27°C TW.

Mais à l’avenir, les populations exposées seront de plus en plus nombreuses. En mai 2023, 9% de la population mondiale (soit environ 600 millions de personnes) étaient exposées à une combinaison de chaleur et d’humidité pouvant porter atteinte à la santé humaine, selon une étude de Timothy M. Lenton et Chi Xu publiée dans Nature Sustainability. L’Inde, le Nigéria et l’Indonésie sont les trois pays les plus exposés. Mais les trajectoires modélisées affolent les compteurs. En 2080, 31% des êtres humains pourraient être concernés (soit environ 3 Md de personnes) sur près de 20% des terres émergées.

Exposition au niveau national à une chaleur sans précédent (MAT ≥29 °C) à 2,7 °C et à un réchauffement climatique de 1,5 °C dans un monde de 9,5 milliards d’habitants (vers 2070 dans le cadre du SSP2). Source : Timothy M. Lenton et Chi Xu – Nature Sustainability Commons

Pour mieux refléter la température perçue, en combinant la température et l’humidité en une seule donnée, un indicateur spécifique a été créé, l’Humidex . Son utilisation reste peu grand public, mais certains diffuseurs météo commencent à le diffuser en France à la suite des canicules de 2022, pendant lesquelles un taux d’humidité létal a été perçu pour la première fois. Le principe est simple, il s’appuie sur les données TW : au-delà de 54, il y a un danger mortel pour tout le monde. Lors des canicules en France, certaines régions en France ont atteint des valeurs de 49.

 

Comment le taux d’humidité de l’air accroit-il le risque climatique ?

L’augmentation des températures mondiales accélère l’évaporation de l’eau, entraînant une hausse du taux d’humidité dans l’atmosphère. Cette humidité entraîne des répercussions directes sur le climat et l’environnement car la vapeur d’eau est à l’origine d’environ 60% de l’effet de serre sur Terre. Sans cet effet de serre naturel, la Terre aurait une température moyenne de -18°C. Avec les émissions de carbone, l’effet de serre augmente, ce qui augmente la température globale.

Mais lorsque la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère augmente, elle piège davantage de chaleur, contribuant ainsi à augmenter encore plus la température de la planète. C’est un cercle vicieux : plus il fait chaud, plus il y a d’évaporation, augmentant l’humidité de l’air, ce qui augmente à son tour la température.

Mais ce n’est pas tout, car le taux d’humidité augmente aussi les risques de crues, d’inondations et de sécheresses. Dans les régions où l’air est déjà saturé d’humidité, comme les tropiques, cette hausse peut provoquer des précipitations plus intenses et plus fréquentes. Il en va de même lorsque cette vapeur d’eau se condense pour former des nuages qui se déplacent vers les terres, ou lorsqu’un front d’air chaud et humide rencontre un front d’air froid.

Cela conduit aussi à des périodes de sécheresse plus intenses, car l’eau s’évapore davantage des terres. Comme les sols sont moins humides, ils absorbent moins rapidement les eaux de pluie, surtout s’ils sont artificialisés, et l’excès d’eau se transforme en crues ou en inondations.

Le taux d’humidité augmente donc les risques d’événements extrêmes et les risques sur la santé humaine, en contribuant à la hausse des températures. Un effet de système. Jusqu’à présent, l’océan a absorbé plus de 90% de la chaleur générée par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (Source ONU – UNRIC). Mais la zone arctique est sans conteste la zone la plus rapidement transformée par les changements de température.

Températures moyennes mondiales de l’air de surface pour les 30 étés boréaux les plus chauds (juin-juillet-août) dans l’enregistrement de données ERA5, classées de la température la plus basse à la plus élevée – Données : ERA5. Crédit : C3S/ECMWF Commons

La fonte des glaces polaires boréales, du pergélisol arctique et de l’inlandsis du Groenland, en élevant les niveaux de la mer, fait évoluer les littoraux, aggravent encore les risques d’inondation des zones côtières basses, la salinisation des eaux douces souterraines et la submersion des infrastructures côtières.

 

Comment la fonte des glaces pourrait redistribuer les taux d’humidité ?

La fonte des glaces de l’Arctique risque de perturber le courant nord-atlantique appelé l’AMOC (Circulation Méridienne de Retour de l’Atlantique). Ce courant océanique essentiel à l’équilibre climatique redistribue la chaleur sur la planète et pourrait conduire à faire évoluer les taux d’humidité.

Une équipe de chercheurs germano-brésilienne (Nature Communications, juillet 2022) a analysé une carotte sédimentaire prélevée dans le nord-ouest de l’océan Atlantique. Ils ont pu identifier les causes et les conséquences des altérations massives de la circulation océanique AMOC, principalement dues à la calotte glaciaire Laurentide qui recouvrait le Canada et le nord des États-Unis il y a 20 000 ans. Le Laurentide libérait d’immenses quantités d’icebergs (événements de Heinrich) en raison d’un réchauffement de l’océan à quelques centaines de mètres de profondeur. Cet apport massif en eau douce a annihilé la circulation thermohaline dans l’Atlantique, empêchant le transport de chaleur vers le nord en Europe. Ce scénario pourrait se reproduire et provoquer une chute drastique des températures hivernales en Europe, un assèchement dans le nord de l’Amazonie et une forte progression du désert sahélien vers le sud de l’Afrique.

La meilleure réponse possible, recréer des zones humides

Paradoxalement, le meilleur moyen d’agir face aux nombreuses incertitudes serait de multiplier les zones humides, notamment en région côtière. Cela aurait deux impacts positifs : lutter contre les sécheresses et limiter les risques d’immersion.

Le projet DIGUES du CNRS – pour Digues, Interactions, Gestion, Usages, Environnement, Scénarios préconise de laisser la mer réinonder des espaces littoraux bas, soit en laissant ouverte une brèche occasionnée par une tempête, soit en créant artificiellement une ou plusieurs brèches.

Ces zones inondables peuvent aussi servir de déversoir lors des tempêtes, crues exceptionnelles ou tsunamis et limiter les hauteurs d’eau maximales, comme l’illustre la politique « Room for River » des Pays-Bas. Des mesures d’adaptation comme la restauration des écosystèmes côtiers ou la relocalisation des populations seraient très efficaces en matière d’aménagement et de climat.

De façon générale, la restauration de vastes zones humides littorales ou continentales permettrait d’augmenter la qualité des eaux, la biomasse et la biodiversité. Récréer de la végétation, atténuer les effets de serre, maitriser les températures et les taux d’humidité.

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