À Clairvaux-d’Aveyron (12), le ruisseau de l’Ady retrouve son aspect naturel
Dans les années 1960, le ruisseau l’Ady, qui serpente au milieu du village de Clairvaux-d’Aveyron, a vu son lit recouvert d’une dalle en béton, avec en son centre une demi-buse pour laisser s’écouler l’eau. Cinquante ans plus tard, la dalle en béton a commencé à s’effriter.
En 2012, les élus de la commune ont voulu en profiter pour redonner au cours d’eau son aspect naturel et le rendre plus résilient face aux crues. Constitution de banquettes végétalisées, apport de blocs de grès rouge, diversification des écoulements… Plusieurs aménagements ont été réalisés par le Syndicat Mixte Lot Dourdou, avec le soutien indéfectible des élus.
Depuis la fin du chantier en 2021, l’Ady coule à nouveau des jours heureux sous un petit pont en pierre, une flore diversifiée a repoussé le long des berges et la faune y a fait son grand retour.





Entretien avec Lionel Fabre et Jean-Marie Lacombe
Ce projet est présenté par :
- Lionel Fabre, technicien de rivière au Syndicat Mixte Lot Dourdou
- Jean-Marie Lacombe, président de la communauté de communes Conques Marcillac et maire de Clairvaux d’Aveyron
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet de la restauration du ruisseau de l’Ady s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Lionel Fabre : Ce projet a été insufflé en 2012 par Nicole Fraysse et Joël Russery, qui étaient à l’époque adjoints à la Commune de Clairvaux d’Aveyron et délégués au Syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique (SIAH) de la Vallée du Dourdou de Conques.
Leur problématique était la suivante : la dalle en béton – construite dans le lit du ruisseau de l’Ady dans les années 1960 pour éviter que les eaux usées du village ne stagnent sous le pont et rendre « propre » un lieu où les habitants venaient jeter des déchets (verre et vaisselle cassée, ferraille, fers à chevaux ou à bœufs …) – était en train de s’effriter. Beaucoup voulaient refaire une nouvelle dalle mais Nicole Fraysse et Joël Russery souhaitaient pour leur part redonner au ruisseau son cours naturel. En 2014, nous avons commencé à travailler sur un cahier des charges pour une pré-étude de faisabilité du projet, avec l’aide d’Aveyron Ingénierie (Appui technique du Département de l’Aveyron). En 2016, cette étude a été présentée aux partenaires institutionnels et financiers : Commune, Communauté de Communes, Agence de l’eau Adour Garonne, Conseil Départemental de l’Aveyron, Région Occitanie, Office Français pour la Biodiversité (OFB), Direction Départementale des Territoires, ainsi qu’aux Bâtiments de France du fait de la présence d’un site classé à proximité du projet.
Nous avons aussi exposé pour la première fois cette étude à la population, afin de « prendre la température ». Il se trouve que beaucoup craignaient qu’en enlevant la dalle, nous augmentions le risque d’inondations. En effet, nous sommes sur un bassin versant avec de fortes pentes où le niveau d’eau monte et descend très vite lors de forts orages. Il a fallu démontrer que le projet n’aggravait pas la situation, mais bien au contraire, l’améliorait du fait de la réouverture du cours d’eau.
Jean-Marie Lacombe : Le problème était que les locaux étaient traumatisés par les inondations du passé. En 1986, nous avons fait face à une crue et à cause de la rupture d’un embâcle dans le cours d’eau, des granges ont été inondées, une personne du village a été marquée profondément au point de développer une phobie de l’eau.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Lionel Fabre : Joël Russery et Nicole Fraysse sont allés voir un chantier à Saint-Sever du Moustier dans le sud du département. C’était une première référence mais qui n’était pas tout à fait un projet de renaturation, plutôt un cours d’eau qui avait été recalibré. Nous avons aussi effectué des recherches sur des retours d’expériences et nous nous sommes appuyés pour cela sur l’expertise du bureau d’études. La première étude de 2016 proposait par exemple un scénario dans lequel le ruisseau devait serpenter au milieu de l’espace réouvert après l’enlèvement de la dalle. Mais en cas de crues, les aménagements envisagés risquaient de ne pas résister, c’était trop incertain.
Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens et/ou coconstruit avec eux ?
Lionel Fabre : S’agissant des compétences, il faut savoir mener un projet en associant l’ensemble des partenaires et le faire valider étape par étape. Il faut aussi disposer de compétences techniques en hydromorphologie et en hydraulique, que nous apportent les bureaux d’étude. Il faut s’intéresser à l’historique du bassin versant et notamment des niveaux de crues de façon à bien calibrer les aménagements. En dehors des grandes théories, il est important de savoir écouter les gens qui vivent au bord de la rivière, ils connaissent son fonctionnement et ont connu les crues. Dans le cas de l’Ady, nous avons eu la chance de rencontrer des personnes qui avaient connu le ruisseau avant la réalisation de la dalle de béton.
Sur la construction du projet, nous avons présenté le projet en 2016 aux citoyens en salle du conseil à la mairie de Clairvaux, pour « prendre la température ». Parmi les participants –peu nombreux–, on a constaté que les riverains craignaient d’être plus inondés si on enlevait la dalle. Il a fallu leur rappeler qu’elle avait été construite à l’époque avant tout pour « faire propre » là où le ruisseau servait de dépotoir et à emporter le plus rapidement possible à l’aval les eaux usées.
En 2021, nous avons organisé une deuxième réunion publique à la salle des fêtes pour présenter une étude plus aboutie du projet. Nous avions davantage communiqué et l’auditoire était plus conséquent. La présentation a permis à certains riverains de se confronter et de se convaincre les uns les autres. Nous les avons associés en leur demandant leur avis sur ce qui pouvait être modifié, complété, amélioré sur le projet. De là est née l’idée d’un chantier pédagogique autour de la plantation d’hélophytes avec les enfants de l’école communale. Nous voulions aussi les sensibiliser au fait que ce que nous allions aménager aujourd’hui ne resterait pas figé dans le temps. La rivière est un milieu vivant en perpétuelle évolution, on ne peut ni la canaliser ni la contraindre en permanence, il faut accepter qu’elle bouge et reprenne sa place.
On avait aussi fait une réunion de terrain sur la dalle avec tous les propriétaires riverains, ceux dont les maisons bordaient la dalle et ceux qui habitaient en amont et aval immédiat, pour expliquer, rassurer. Ils se sont montrés les plus convaincus par la renaturation de l’Ady contrairement à ceux qui étaient plus éloignés et moins impactés.
Avez-vous mené une étude en amont du projet pour définir sa faisabilité et/ou son impact ? (Enquêtes publics…) Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?
Lionel Fabre : Nous avons fait une première étude de faisabilité entre 2014 et 2016 afin de mesurer le dimensionnement du cours d’eau, avoir une modélisation de l’écoulement, voir ce qui pouvait être envisagé. Il s’agissait d’une première réflexion hydraulique afin de prouver que si on enlevait la dalle et qu’on renaturait le cours d’eau, il n’y aurait pas d’impact en termes d’inondations. À partir de 2018, les communes ont délégué la compétence GEMAPI au syndicat de rivière. À cette époque, nos financeurs nous ont demandé de bâtir un Programme pluriannuel de gestion (PPG) pour nos projets de gestion des milieux aquatiques. On a validé ce programme en décembre 2019 et en 2020, pendant le confinement, nous avons monté un marché pour consulter les bureaux d’étude. Celui que nous avons choisi a finalisé l’étude du projet en juillet 2020, que nous avons ensuite présenté à la population.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?
- Coût total du projet : 110 000 euros
- Agence de l’eau Adour Garonne : 55 000
- Région Occitanie : 22 000
- Conseil départemental de l’Aveyron : 11 000
- La communauté de communes Conques Marcillac : 22 000 (auto-financement)
Jean-Marie Lacombe : Le projet a été validé dès le départ par nos financeurs, qui le trouvaient très ambitieux. On parlait même à l’époque d’un « chantier vitrine ». Avant quand on se penchait sur le pont, la vue était très laide, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Par la suite, nous avons aménagé le cœur du village et si nous n’avions pas renaturé le cours d’eau, cela serait resté une plaie. Je pense que le Conseil départemental a particulièrement aimé notre projet car il participait à l’attractivité du village. On voyait tout de suite quelque chose de réussi.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Lionel Fabre : Il y a eu Aveyron Ingénierie, dont l’aide a été très précieuse et qui a accompagné le syndicat à chaque étape. Le Conseil départemental a été également en appui pour gérer le volet « routes » pour s’assurer que le pont n’allait pas être fragilisé par l’enlèvement de la dalle. Les Bâtiments de France nous ont demandé de travailler avec des blocs de grès rouge, une pierre présente dans le bâti traditionnel du village. Nous avons aussi été accompagnés par les services de l’État pour le volet réglementaire.
Quels conseils donneriez-vous à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?
Jean-Marie Lacombe : Persévérer, profiter de notre expérience et faire appel aux compétences qui existent au sein du syndicat de rivière.
Lionel Fabre : Le soutien des élus est très important, il faut des personnes qui portent le projet politiquement. Les maires sont les plus proches du terrain, ce n’est pas possible de faire sans. La renaturation de l’Ady a été réalisée à cheval sur deux mandats avec un soutien indéfectible des élus tout du long, qui ont défendu le projet auprès de la population et ont mouillé la chemise.
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Le projet en détails
Dates clés
2012
2020
2021
2022
Chiffres clés
110 000
4
220
À retenir
Les locaux se sont vraiment emparés du projet. À la fin des travaux, certains sont venus nous voir pour nous demander de mettre un panneau indiquant le nom de la rivière, ils nous disaient voir souvent des touristes chercher le nom de la rivière qu’enjambait le petit pont de pierre, sans le trouver
La biodiversité est de retour. Nous pouvons désormais observer plusieurs espèces de poissons et d’amphibiens, des libellules et des oiseaux comme le martin-pêcheur, le cincle plongeur ou la bergeronnette des ruisseaux. Des traces de loutre ont même été signalées !
Nous avons fait les travaux à l’été 2021 et il y avait des orages, il a fallu refaire les batardeaux quasiment toutes les semaines
Ressources
Clairvaux-d'Aveyron. La renaturation de l’Ady a redonné un écoulement naturel au ruisseau
La Dépêche
Les partenaires de ce projet

Syndicat Mixte Lot Dourdou

Communauté de communes Conques Marcillac
Commune de Clairvaux d’Aveyron

Département de l'Aveyron

Aveyron Ingénierie

Bâtiments de France

Agence de l’eau Adour Garonne

Office Français pour la Biodiversité

Direction Départementale des Territoires
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