Dunkerque réensable sa plage pour protéger ses terres (59)
Chaque année, la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) dépose 30 000m3 de sable sur la plage de la digue des Alliés. Objectif : fortifier le cordon dunaire qui sert de premier rempart aux vagues en contrebas de la digue des Alliés, ouvrage de protection contre la submersion marine. Située en-dessous du niveau de la mer, la CUD a fait de la remise en état et de l’entretien de ces ouvrages l’une des priorités de son action GEMAPI et l’a inscrit au PAPI (Programme d’actions de prévention des inondations).
Entretien avec les porteurs du projet de réensablement de la plage de la digue des Alliés
Le projet est présenté par :
- Bertrand Ringot, vice-président de la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD, 59), chargé de la Politique de l’eau, de l’Assainissement et de la Submersion marine. La CUD regroupe 17 communes et 195 000 habitants. Bertrand Ringot est également maire de Gravelines, président du Syndicat de l’Eau du Dunkerquois et président de l’Institution intercommunale des wateringues.
- Julien Jadot, directeur adjoint à la direction Cycle de l’eau à la CUD
- Fanny Serret, responsable de l’unité Eaux de surface GEMAPI à la CUD
Bertrand Ringot
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet du réensablement de la plage de la digue des Alliés s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Dunkerque est située sur le polder de Flandre maritime, un territoire de 100 000 hectares et 450 000 habitants gagné sur la mer par nos ancêtres. Nous sommes en-dessous du niveau de la mer (à marée haute) et le sujet de la protection contre les vagues et les risques de submersion n’est donc pas nouveau. Notre façade littorale présente de nombreux ouvrages artificiels (digues, perrés) ou naturels (cordons dunaires) de protection. Nous disposons également d’un réseau ancestral et assez efficace de wateringues, un ensemble d’ouvrages permettant de rejeter les eaux continentales vers la mer.
Dès 2016, soit deux ans avant l’obligation légale, la Communauté urbaine de Dunkerque a pris la compétence Gemapi pour circonscrire au mieux les risques de submersion marine et d’inondation. Elle a depuis créé un Comité de l’eau avec l’Etat, les acteurs locaux comme l’Institution intercommunale des Wateringues, l’Agence de l’Eau et le Grand port maritime de Dunkerque (GPMD) qui occupe 17km de façade maritime. Notre objectif, sur la base de tous ces échanges avec nos partenaires locaux mais aussi frontaliers, est d’élaborer un ambitieux nouveau PAPI (Programme d’actions de prévention des inondations) 2026-2032.
L’une de nos priorités est la remise en état de nos différents ouvrages de protection. Le réensablement de la plage de la digue des Alliés intervient dans ce contexte.
Cet ouvrage a été bâti en 1876 pour protéger le littoral et a été entièrement reconstruit depuis. En 2011 et 2014, pour compléter la protection de la digue, l’Etat a financé un réensablement massif (1,5 million de m3) formant ainsi une banquette qui empêche la houle et les vagues de venir au contact de la digue. Cette opération a été entièrement financée par l’Etat et le FEDER avec une maîtrise d’ouvrage du GPMD. Ce sable forme désormais une dune plantée d’oyats et colonisée par une faune et une flore particulièrement intéressantes.
Cependant, une petite zone à l’angle de la digue et de la jetée est de l’avant-port est régulièrement grignotée par le courant et nécessite chaque automne l’ajout de 30 000m3 de sable. Cette mission incombe à la CUD qui a repris en 2019 la gestion de la digue des Alliés auparavant sous la responsabilité de l’Etat.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour préparer ce projet de réensablement de la plage de la digue des Alliés ?
Ce rechargement en sable est a priori le premier de cette ampleur en France. Nous avons trouvé l’inspiration chez nos voisins.
- Juste à côté, le GPMD renforce la protection de la digue du Braek par des apports de sable réguliers ;
- en baie d’Authie (62), un cordon dunaire a été renforcé en 2019-2020 avec 350 000m3 de sable ;
- aux Pays-Bas en 2011, pour limiter la répétition des rechargements de plage, les Néerlandais ont mis en place un « moteur de sable » : un rechargement de 21Mm3 de sable sur une superficie de 128 hectares. Avec la dérive littorale, ce stock de sable est déporté vers les plages qu’il engraisse, limitant ainsi les besoins en rechargement ponctuel.
La Belgique et les Pays-Bas sont en pointe sur la protection des littoraux et possèdent de nombreuses entreprises spécialisées dans ce domaine. Nous veillons d’ailleurs à la cohérence de nos travaux avec les leurs puisque nous partageons un même polder.
L’opération de rechargement se fait via un partenariat public-public entre la CUD et le GPMD. Ainsi la CUD profite de la barge de dragage utilisée par le port pour l’entretien de ses chenaux de navigation. La barge drague le sable du chenal et vient le refouler et le redistribuer sur la zone à recharger. La convention de mise à disposition de l’ouvrage prévoit l’accès aux espaces requis pour l’entretien de la zone de ré-ensablement.
En 2023, nous avons utilisé en complément du sable qui s’est accumulé devant le perré voisin de Malo-les-Bains.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Une étude de danger des systèmes d’endiguement a été réalisée, afin de mesurer l’impact de la houle et des autres phénomènes marins sur le cordon dunaire.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Il faut une bonne connaissance de l’impact de la houle, des vagues et des phénomènes hydrosédimentaires et météomarins pouvant impacter l’ouvrage et la banquette de sable. Il faut également déterminer la hauteur et la profondeur de cette banquette. Tous ces éléments sont aujourd’hui disponibles dans l’étude de danger du système d’endiguement de la digue des Alliés.
Un suivi régulier du niveau de sable pour suivre les effets de l’érosion par la mer et du remodelage dû au vent est également nécessaire. Sur notre territoire c’est le PMCO (Pôle métropolitain de la Côte d’Opale) qui réalise ce suivi pour le compte de la CUD.
S’il faut souvent faire appel à des bureaux d’études extérieurs, nous avons la chance à la CUD d’avoir ces compétences en interne. Je constate d’ailleurs l’émergence d’une filière d’attachés territoriaux GEMAPI qui connaissent à la fois ces sujets techniques et tout le volet réglementaire et administratif.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Nous utilisons des outils classiques d’information pour expliquer chaque rechargement de sable : magazine de la collectivité, site internet, réseaux sociaux. La CUD communique régulièrement sur les problématiques liées au polder, au dérèglement climatique et à la submersion marine. Ce travail commence à porter ses fruits et permet notamment aux habitants de comprendre l’usage qui est fait de la taxe GEMAPI.
Par ailleurs, l’adhésion est venue car le tas de sable initial s’est rapidement transformé en un petit massif dunaire très apprécié des promeneurs et riche en biodiversité.
Nous avons aussi développé sur ce chantier une démarche de sciences participatives. CoastSnap, conçu par un chercheur australien, implique les citoyens dans la surveillance des plages à l’aide de photographies. Au niveau de la digue, les promeneurs disposent d’une station CoastSnap où ils peuvent prendre une photo du littoral qui est ensuite envoyée au bureau d’études Géodunes. Ce dispositif rencontre un vrai succès et la fréquence des prises de vue permet un suivi plus dynamique de l’évolution du trait de côte.
Comment la CUD a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Le coût du rechargement annuel est de 250 000€ TTC. C’est aujourd’hui la taxe Gemapi qui le finance. La CUD lève la taxe pour un produit de 4M€ par an.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la CUD dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
L’apport massif de sable initial a été réalisé pour le compte de l’Etat, sous maitrise d’ouvrage du GPMD.
Les apports de confortement réalisés par la CUD depuis 2019, se font via un partenariat public-public entre la CUD et le GPMD. Leur préparation se fait avec le PMCO qui, via ses levés de suivi, indique les zones à renforcer.
Par ailleurs, des essais vont être réalisés pour tester des dispositifs permettant de maintenir le sable dans cette zone d’érosion à l’angle de la digue des Alliés et de la jetée Est. Il s’agira de dispositifs « souples » comme la mise en place de pieux en bois. Ils seront mis en œuvre via l’avenant 4 du PAPI.
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Le projet en détails
Dates clés
2006
2016
Tous les ans
2011, 2014 et chaque année depuis 2019
Chiffres clés
17 000
1 500 000
30 000
Résultats
- La protection contre la submersion marine. On estime aujourd’hui la probabilité d’occurrence annuelle d’une inondation de la zone protégée par la digue des Alliés à 1/100 000, ce qui est très faible.
- Cette solution fondée sur la nature a permis de favoriser le retour de la biodiversité. Le grand gravelot, oiseau rare et protégé qui se reproduit chaque année sur nos plages, nidifie sur la dune.
- Pour mener ces gros chantiers, sans doute faudra-t-il aussi s'appuyer sur la fiscalité. La taxe GEMAPI, plafonnée à 40€ par personne, ne suffira plus.
À retenir
Un paysage plus agréable dominé par l'oyat et très fréquenté
L'aménagement a permis d'étirer le flux touristique vers la partie ouest du littoral
La nécessité d’entretenir la protection par des rechargements réguliers et les coûts associés
Ressources
Un nouveau réensablement de la plage des Alliés à Dunkerque
Communauté urbaine de Dunkerque - 30 septembre 2022
Pourquoi 30 000 m3 de sable vont être apportés sur la plage des Alliés à Dunkerque
Actu.fr - 3 octobre 2022
Ré-ensablement de l’importante digue des Alliés à Dunkerque
SeaBleue.fr - 21 févier 2014