Lille aux 60 mares (59)
Depuis 2005, Lille agrandit chaque année son réseau de mares pour restaurer sa biodiversité. Objectif : favoriser l’installation, la circulation et la reproduction d’espèces telles que les tritons, batraciens et libellules. Dans ces zones humides reconquises, de nouvelles espèces animales et végétales ont même fait leur apparition. Petites ou grandes, ces mares sont entretenues et parfois créées par la Ville en partenariat avec des volontaires associatifs. Elles sont aussi des lieux de pédagogie pour les élèves des écoles lilloises.
Entretien avec les porteurs du projet
Ce projet est porté par :
- Audrey Linkenheld (en photo), première adjointe à la maire de Lille chargée de la transition écologique et du développement soutenable
- Yohan Tison, écologue municipal de la Ville de Lille
Audrey Linkenheld
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le sujet de la création d’un réseau de mares s’est-il imposé à l’agenda de votre collectivité ?
Comme son nom l’indique, Lille est une ville où l’eau était omniprésente. Traversée par la rivière la Deûle, elle comptait des zones humides particulièrement riches qui constituaient une trame verte et bleue fonctionnelle que nous essayons de reconstituer. Car au fil du temps l’arasement des remparts, le comblement des fossés et l’urbanisation ont grandement réduit ce patrimoine naturel. Lille s’est saisie du sujet de la restauration des zones humides et plus globalement de la biodiversité depuis longtemps déjà. Capitale française de la biodiversité en 2012, elle a également été élue meilleure grande ville 2021 pour la biodiversité grâce aux actions menées autour de l’eau. La même année, elle a été finaliste dans la course pour devenir Capitale verte européenne.
Le plan de restauration de la biodiversité des zones humides a été engagé dès 2005. Il s’est concrétisé notamment par la création d’un réseau de mares. L’objectif était d’aménager un réseau serré et continu le long de la Deûle pour limiter les risques de disparition d’espèces, conforter celles en place, voire en accueillir de nouvelles. Les espèces visées sont surtout les tritons (ponctués, alpestres et palmés), grenouilles vertes et odonates comme les demoiselles (lestes fiancés, barbares, bruns, agrions nains et de Van Linden) et libellules. La mise en réseau de ces mares entre-elles permet en outre aux espèces de vadrouiller d’une mare à une autre et ainsi d’éviter la consanguinité.
Du côté des plantes, ce réseau de mares permet aussi de renforcer la présence de végétaux protégés et récemment réapparus comme le plantain d’eau à feuilles lancéolées, le jonc subnoduleux ou l’œnanthe aquatique. Par ailleurs, lors de chantiers nature dans les fossés de la Citadelle de Lille, nous trouvons régulièrement des graines d’espèces disparues qui y ont survécu plusieurs siècles. Les mares nous permettent d’accueillir ces plantes pour favoriser leur reprise. Au total, entre 2005 et 2023, nous avons créé une soixantaine de mares et il s’en aménage de nouvelles chaque année.
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour bâtir ce projet ?
L’observation de la nature, les expérimentations et beaucoup de lectures pour notre écologue municipal ! Sachant que la distance moyenne parcourue chaque jour par un triton est de 200m, il a fallu réaliser un maillage assez dense avec des mares au fonctionnement et aux caractéristiques assez différents. Elles sont de taille variable (de la micro-mare de 2 m² au jardin aquatique). Certaines ont des fonctions très spécifiques (frayères à brochets). La majorité de ces mares est située près du canal de la Deûle qui les alimente, mais d’autres sont dans des zones très urbaines et sont remplies par les eaux de pluie. Toutes ont une hauteur d’eau minimale de 80 cm.
La plupart de ces mares ont été étanchéifiées par des bâches EPDM. Celles-ci sont posées sur un grillage de protection pour éviter que les rats musqués n’y creusent des trous. Dépourvues de poissons elles favorisent l’installation des tritons et de certaines espèces de libellules. Mais, face au réchauffement climatique, les moins profondes s’assèchent trop vite ou trop longtemps. C’est le cas notamment des mares dites sèches, sans eau une partie de l’année. Si elles s’assèchent trop vite, les larves d’amphibiens ou d’odonates ne peuvent pas finir de se développer. Nous effectuons donc des contrôles réguliers et surcreusons quand c’est nécessaire.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Connaître l’histoire de ces zones humides est important. Il faut par ailleurs connaître la botanique, la dynamique des milieux, les écosystèmes aquatiques et la biocénose (l’ensemble des êtres vivants peuplant un écosystème et leurs interactions entre eux et avec ce milieu). Contrairement aux idées reçues, quand elles sont bien pensées et entretenues, les mares ne pullulent pas de moustiques !
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment votre collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Nous mobilisons des concitoyens bénévoles sur la réalisation des mares. Cela se fait notamment par le biais d’une subvention annuelle de 8 000€ aux Blongios, une association qui organise des chantiers nature au service de la biodiversité. Chaque année, environ 600 bénévoles travaillent sur les chantiers nature participatifs, dont certains consacrés à la création de mares.
Les élèves de BTSA Gestion et protection de la nature du lycée horticole de Lomme, notre commune associée, sont également mobilisés lors de la phase de création.
Comment la Ville de Lille a t’elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Au lancement du projet, l’Agence de l’Eau Artois-Picardie nous a accordé une subvention de 54 000€ pour la création des dix premières mares. Le reste a été financé sur nos fonds propres. En moyenne l’aménagement d’une mare coûte de 1 000 à 2 000€ pour l’achat de fournitures. S’y ajoute la subvention annuelle aux Blongios.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la Ville dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Outre les Blongios et le lycée horticole de Lomme, précédemment cités, nous échangeons aussi sur la plateforme collaborative du Groupe Mares pilotée par le Conservatoire d’espaces naturels Hauts-de-France. Elle recense les mares et accompagne aussi bien les professionnels que les particuliers dans l’installation et la préservation de ces précieux espaces.
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Le projet en détails
Dates clés
2005
2005-2023
Chiffres clés
Résultats
- Nous voyons des espèces se multiplier et occuper de nouveaux espaces. Ainsi, nous avions recensé en 2004 une vingtaine de mâles chanteurs de grenouilles vertes dans les fossés de notre Citadelle Vauban. La création des mares et le reprofilage des berges a favorisé leur reproduction. Ces grenouilles sont en train de coloniser les mares voisines.
À retenir
L'ensemble de ces mares présente un fort intérêt pédagogique. Des visites avec élèves et collégiens permettent de voir très concrètement la biodiversité et ce qu'il faut faire pour la préserver.
La sensibilisation reste à améliorer pour éviter le vandalisme volontaire ou pas : des troncs d'arbres jetés dans les mares, des vagabondages de chiens qui détruisent les mares et nous contraignent à poser des clôtures.
Avec le réchauffement climatique, les assèchements se font plus fréquents et de plus en plus tôt dans l’année ce qui est problématique pour le développement larvaire de nombreuses espèces. La sensibilisation reste à améliorer pour éviter le vandalisme volontaire ou pas : des troncs d'arbres jetés dans les mares, des vagabondages de chiens qui détruisent les mares et nous contraignent à poser des clôtures.
Ressources
Lille.fr - Des mares pleines de vie
La ville de Lille s’est donc engagée, dès 2005, dans un plan de restauration de la biodiversité des zones humides. Dans le cadre de ce plan, la ville a beaucoup œuvré pour le retour de l’eau dans la ville avec le développement de son réseau de mares. Cela s’est fait à travers le maintien de celles existantes et le creusement de nouvelles mares.