Restauration écologique de la rivière l’Ornel à Chancenay (52) : des effets bénéfiques multiples
Afin de restaurer la continuité écologique de la rivière l’Ornel sur 800 mètres en la rétablissant dans son lit naturel, le syndicat mixte de la Marne et de ses affluents (SMBMA), suite à une étude réalisée en 2013, a engagé des travaux à Chancenay (52) qui ont rapidement produit des effets bénéfiques sur le milieu.
En œuvrant au rééquilibre d’un écosystème jusqu’alors bouleversé par l’activité humaine, ces travaux, qui s’appuient sur des décennies d’expérience et sur le principe d’une solution fondée sur la nature (SFN), ont ainsi atteint pleinement leur objectif.





Entetien avec Denis Lalevée, Directeur du syndicat mixte de la Marne et de ses affluents (SMBMA)

Ce projet présenté par :
- Denis Lalevée, Directeur du syndicat mixte de la Marne et de ses affluents (SMBMA)
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment ce projet de restauration écologique de la rivière de l’Ornel s’est-il imposé à l’agenda de votre syndicat ?
Cette opération visait à restaurer, sur 800 mètres de long, la continuité écologique de la rivière Ornel au vannage de l’ancien moulin de Chancenay (Haute-Marne) en rétablissant ce cours d’eau dans son lit naturel.
Elle découle d’une étude globale, réalisée en 2013, de détermination des actions à entreprendre sur la Marne et ses affluents dont l’Ornel. Avec pour objectif, la restauration de la zone d’expansion de crues (ZEC) qui consiste en un aménagement sur les cours d’eau secondaire afin de ralentir et de contenir l’écoulement des crues moyennes fréquentes en aval.
Or la rivière l’Ornel, sur la commune de Chancenay, avait été il y a plusieurs siècles, déplacée et surélevée de deux à trois mètres par rapport au terrain naturel pour les besoins hydrauliques du moulin de l’époque. Elle était également surdimensionnée par rapport à sa morphologie d’origine. Avec, pour conséquence, la présence d’une population piscicole qui n’était pas du tout adaptée. Naturellement, on devrait y trouver la truite fario, une espèce autochtone de la région mais qui avait totalement disparu.
Par ailleurs, le cours d’eau était fortement envasé et subissait un phénomène d’eutrophisation, autrement dit un appauvrissement du taux d’oxygène dû à un excès de nutriments dans le milieu aquatique.
A cela s’ajoute, sur ce bief, un problème de réchauffement de l’eau. Dans ce milieu artificialisé, on retrouvait des espèces de poissons adaptés au cours d’eau de deuxième catégorie (brochet, carpe, gardon) alors que cette rivière appartient au cours d’eau de première catégorie propice aux salmonidés (truites, saumons etc.).
L’enjeu était donc de renaturer le milieu, en repositionnant l’Ornel dans son ancien lit afin de favoriser notamment le retour de la truite fario en lui permettant de migrer de l’aval vers l’amont pour rejoindre des zones de reproduction.
Dès l’année suivant la période des travaux, nous avons constaté la présence de plus quarante zones de frayère sur les 800 m du cours d’eau renaturé. Nous avons donc été agréablement surpris car il est assez exceptionnel de constater que notre action a un effet aussi rapide !
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Nous travaillons dans le domaine depuis des décennies, c’est notre de cœur de métier ! Depuis la création du syndicat, en janvier 2017, regroupant 240 communes (soit 1850 km de cours d’eau sur 2600 km² de bassin versant), notre philosophie s’appuie sur une solution fondée sur la nature (SFN) dont l’objectif est de faire revenir le milieu au plus proche de l’état naturel. Il s’agissait donc ici de remettre le cours d’eau dans son lit naturel qui était distant d’une centaine de mètres du lit artificiel. Sur ce projet, en prenant en compte les zones d’expansion de crue, il s’agissait de sous-dimensionner délibérément le lit par rapport à ce qu’il devait être originellement.
Avant notre intervention, le cours d’eau avait ainsi une largeur de 9 mètres et une profondeur de 2, 5 m. Aujourd’hui, nous avons réalisé un lit de 2 mètres de large et de 0,5 m de profondeur.
Ce qui a pour effet de favoriser les débordements et de limiter les débits en aval. De la même façon, nous avons tracé les contours avec une forme très anguleuse afin que ce soit le cours d’eau qui, sous l’effet des crues morphogènes, aboutit à la formation des méandres de son propre lit.
Résultat: cette crue de débordement est intervenue assez tôt, ce qui est un bon signe quant à la qualité des travaux mis en œuvre en vue de la restauration de la zone humide. Enfin, les pentes des berges ont été construites verticalement pour être ensuite travaillées par le cours d’eau afin de lui permettre de trouver son propre équilibre. Ces choix sont le fruit de nos multiples expériences suite aux nombreux projets similaires que nous avons réalisé.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Comme évoqué, cette zone était inscrite dans notre stratégie d’intervention, suite à une étude réalisée par l’ancien syndicat en 2013 dans le cadre d’un avant-projet. Le maître d’œuvre Sialis et ISL a ensuite repris cette étude pour la compléter. Mais il y a eu auparavant un point de blocage important : nous n’avions pas initialement la maîtrise du foncier. Cette parcelle appartenait à un exploitant agricole qui souhaitait réaliser un échange foncier. Des négociations ont débuté en 2016 mais aucun accord n’a pu être trouvé pendant 4 ans. C’est donc seulement en 2019 que l’exploitant a finalement accepté de céder la parcelle à la commune avec un projet plus global de protection d’aire d’alimentation de captage pour l’eau potable.
Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Il est nécessaire d’avoir des compétences dans les thématiques suivantes en :
- Hydrologie (science de la distribution de l’eau en milieu naturel)
- Hydraulique (science des flux hydrauliques)
- Pisciculture
- Biodiversité
- Zone humide
L’enjeu, parmi ces nombreuses compétences, est souvent d’arriver à accorder et à faire converger l’hydrologie avec l’hydraulique. L’hydrologue a tendance à avoir comme souci que l’eau ne coule pas trop tandis que l’hydraulicien est plutôt dans le souci que l’eau circule ! Il faut donc faire cohabiter ces deux approches pour réussir à reproduire un environnement naturel équilibré. Il est important de ne pas figer et corseter le cours d’eau mais le laisser vivre en lui laissant une mobilité latérale.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
La commune étant propriétaire, elle a assuré la communication auprès des habitants via le bulletin municipal. Une visite a également été organisée pendant les travaux permettant à la population de s’approprier le lieu et de mieux comprendre comment il fonctionne. La communication se poursuit encore aujourd’hui. Un parcours pédagogique pérenne a été créé à cet effet.
Par ailleurs, lors de la phase de travaux, nous avons décidé de créer trois mares qui ont favorisé la présence d’amphibiens mais aussi de canards sauvages et de hérons. Depuis, l’Office français de la biodiversité a inscrit l’endroit dans son programme de suivi. De notre côté, nous réalisons, une fois par an, la cartographie des frayères à truites sur la rivière. Enfin, un inventaire du nombre des poissons dans le cours d’eau est régulièrement effectué par la fédération de pêche de la Haute-Marne.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Le montant du projet s’élève à 230.000 € TTC. Nous avons bénéficié des aides de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie à hauteur de 90 % du projet, soit 207.000 €, et de l’EPTB Seine Grands Lacs à hauteur de 5%, soit 11.500 €.
Le reste a été assuré en autofinancement pour un montant de 11.500 € inscrit au budget de fonctionnement de la collectivité.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la collectivité dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
- Commune de Chancenay
- Direction départementale des Territoires de Haute-Marne (instruction dossier Loi sur l’Eau)
- Bureau d’études ISL d’Angers et Sialis de Nancy pour l’étude de faisabilité et la maîtrise d’œuvre
- Entreprise Calin de Saint-Dizier qui a réalisé les travaux
Profitez d’une offre de financement des projets en faveur de l’environnement : gestion de l’eau, etc.

Le projet en détails
Dates clés
Octobre 2015
2016 - 2018
2019
Septembre - Novembre 2021
Chiffres clés
235 000
3
Résultats
Une amélioration notable de la qualité piscicole avec le retour de la truite fario, espèce autochtone longtemps disparue ; une restauration d'une zone humide avec une massive recolonisation de joncs, carex, iris et massettes et enfin une meilleure régulation des crues en amont qui s'accompagne d'une réduction du risque d'inondation du village de Chancenay.
À retenir
Constat positif dès la première crue annuelle avec un débordement des rives comme prévu. Réduction du risque d'inondation en traversée de village de Chancenay.
Reconquête d'une zone humide importante et recolonisation massive des espèces propres à ce milieu : joncs, carex, iris, massettes...
Nous avons omis de réaliser avant travaux un inventaire de la flore du site. Si nous l'avions fait, nous aurions pu aisément démontrer l'explosion florale de la zone humide après travaux.
Ressources
France bleu - Comment redonner le cours naturel des rivières autrefois "aménagées" par l'homme ?
Près de Saint-Dizier, un projet de réhabilitation des cours d'eau a permis de restaurer le lit naturel d'une rivière. Ce projet, piloté par l'Agence de l'eau Seine-Normandie, améliore la biodiversité et préserve un espace de détente pour les habitants
Les partenaires de ce projet

Agence de l'eau Seine-Normandie

EPTB Seine Grands Lacs

Commune de Chancenay

DDT de Haute-Marne
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet

Bureau d'études ISL d'Angers

Bureau d'étude Sialis de Nancy

Entreprise Calin
En savoir plus sur le Syndicat mixte de la Marne et de ses affluents (SMBMA)
intercommunalités membres
communes couvertes
km2 de surperficie
Donnée de contact
- Syndicat Mixte du Bassin de la Marne et ses Affluents, BP30010, 52300 JOINVILLE
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