À Blanzy (71), Michelin recycle ses eaux industrielles en circuit fermé avec le système Hydraloop
En mai 2025, le site Michelin de Blanzy (71) a inauguré son système Hydraloop, un projet innovant soutenu par l’Agence de l’eau Loire Bretagne permettant de réutiliser après traitement les eaux industrielles de l’usine qui fabrique des composants de pneumatiques (gommes, tissus) et des pneus pour le génie civil.
Ce système permet d’économiser 80 % de l’eau prélevée dans la retenue d’eau de la Sorme chaque année.
Il répond à un double enjeu : pérenniser l’activité industrielle du site dans un contexte de raréfaction de l’eau en raison d’épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, et réduire son impact environnemental.






Entretien avec Sascha Kettler et Shafi Malik
Ce projet est présenté par :
- Sascha Kettler, Directeur du site Michelin à Blanzy
- Shafi Malik, Chef de projet Industrie et Procédé, Michelin Blanzy
Parole d'entreprise
Afin de compléter votre sourcing opérationnel, aquagir part à la rencontre des entreprises qui ont accompagné vos pairs lors de leur passage à l’action
Comment le sujet s’est-il imposé à l’agenda du site de Michelin à Blanzy ?
Sascha Kettler : L’usine Michelin, implantée depuis plus de 50 ans à Blanzy, emploie 1 200 salariés et se caractérise par une forte implication dans la vie du territoire. Les équipes sont très en lien avec l’écosystème local, au travers du bénévolat par exemple. La préservation de la planète compte autant pour nous que nos performances économiques et financières. Le site s’étend sur 40 hectares, mais on a bien conscience que les problématiques d’eau, de climat, de biodiversité ne s’arrêtent pas aux frontières de notre usine. La flore et la faune étaient là avant nous et le seront après.
Pour l’eau, c’est pareil : notre activité déséquilibre l’écosystème en prélevant de l’eau à un endroit et en la rejetant ailleurs, une ressource qui est d’ailleurs nécessaire pour alimenter les riverains en eau potable et qui se raréfie avec les épisodes répétés de sécheresse. Comment travailler en symbiose avec notre environnement ? Cette question nous a amenés fin 2020-début 2021 à engager une réflexion avec plusieurs acteurs : France Nature Environnement (FNE), la Préfecture de Saône-et-Loire, l’Agence de l’eau Loire Bretagne, des experts internes et externes. Dès le début nous avons été très transparents pour inclure toutes les parties prenantes. On a pris le risque d’afficher notre objectif : investir dans le système Hydraloop pour parvenir à 80 % de réutilisation de l’eau industrielle traitée dès fin 2025, et 100 % à horizon 2030. On avait bien conscience que 80 % ce n’était pas parfait, mais cet objectif était réaliste.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Sascha Kettler : C’est une première dans notre groupe, car généralement les systèmes de réutilisation de l’eau industrielle permettent d’économiser 30 % de la ressource. Nous voulions aller plus loin et Hydraloop a répondu à nos attentes.
Shafi Malik : Le système Hydraloop permet de recycler l’eau industrielle traitée dans notre station d’épuration et de stocker de l’eau pour anticiper les périodes de sécheresse. Au total, l’installation a une capacité de stockage de 13 000 m3 d’eau : 4 000 m³ de stockage permanent pour les épisodes de sécheresse, un stock tampon pour faire face aux pics de consommation et un stock pour les pluies décennales et les eaux incendies.
Grâce à son stock permanent, le site peut fonctionner jusqu’à 10 jours en toute autonomie. Les eaux usées industrielles de l’usine ainsi que l’eau de pluie récupérée sur les toitures et les parkings transitent via un ouvrage de 600 m3 par ce bassin et sont traitées par notre station d’épuration. À l’issue du traitement, on mesure la qualité de l’eau qui doit être conforme aux besoins de nos procédés de fabrication (notamment au niveau de la conductivité et du COT, le carbone organique total). L’eau traitée est envoyée à l’entrée de l’usine par un ouvrage souterrain, passe par des filtres à charbon et à tambour avant d’être à nouveau soumise à de nouvelles mesures. Si la qualité est bonne, l’eau alimente nos circuits ; si elle n’est pas suffisante, elle repart dans le circuit d’eaux usées pour être à nouveau traitée. En cas de surplus d’eau traitée par rapport aux capacités de stockage et des besoins du site, elle est rejetée dans le milieu naturel.
Y a-t-il des compétences ou sujets spécifiques à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ? Avez-vous obtenu l’adhésion des citoyens, des collaborateurs, de la collectivité et/ou coconstruit avec eux ?
Shafi Malik : Ce système est un prototype, une première dans le Groupe Michelin. C’est donc un projet très positif pour l’entreprise et challengeant : les équipes d’exploitation sont amenées à faire fonctionner un système nouveau, ce qui génère des changements d’habitudes de travail, de nouveaux éléments à contrôler, des données supplémentaires à recueillir pour mesurer les pourcentages d’eau économisée par exemple…. Comme toute innovation, cette installation peut impacter la charge de travail, mais nous avons la chance de travailler avec des équipes très engagées, conscientes des enjeux environnementaux et pour qui ce type de projet donne du sens au travail. Les équipes ont d’ailleurs été sollicitées pour donner leur avis pendant l’année de réalisation du système. Les compétences sont les mêmes que pour un système de traitement de l’eau classique, il s’agit essentiellement de maintenance des équipements (pompes, filtres…). Ce qui change véritablement, ce sont les nouvelles interfaces, les écrans de supervision, les automatismes, pour lesquels les salariés ont été formés.
Sascha Kettler : En dehors de l’entreprise aussi notre initiative a reçu un accueil favorable. Nous avons ouvertement fait part de notre volonté de mettre en place un système qui permet d’économiser les prélèvements d’eau et d’emblée affiché des objectifs ambitieux mais atteignables. Cette démarche a reçu l’appui de notre écosystème et de l’Agence de l’eau, ce qui témoigne de l’intérêt du projet pour la collectivité dans son ensemble.
Comment avez-vous assuré le bon dimensionnement du projet ?
Shafi Malik : Au niveau opérationnel, le projet a été dimensionné pour recycler 150 000 m3 à 160 000 m3 d’eau par an, ce qui correspond à la quantité d’eau que l’on utilise notamment pour les circuits de refroidissement, la régulation de la température, la fabrication de vapeur pour la cuisson des pneus et d’anti-collant pour le caoutchouc. Le système a été bien dimensionné puisqu’il s’est révélé stable et efficace dès son lancement.
Sascha Kettler : Il faut souligner que, initialement, le dimensionnement du projet n’a pas été motivé par l’ambition de faire des économies financières car l’eau ne coûtait pas cher en 2021. En tout cas son prix, de l’ordre de 3 €/m3, ne représentait pas sa valeur réelle. Notre première volonté a été de réaliser un investissement environnemental, pour protéger notre écosystème. Finalement, ce projet s’est révélé économiquement stratégique dès les premiers mois de mise en œuvre.
En août 2025, trois mois seulement après sa mise en fonctionnement, la Préfecture a émis un arrêté d’interdiction d’usage d’eau en raison de la sécheresse. Notre site a été épargné car on a pu prouver qu’on avait économisé suffisamment de prélèvement d’eau. La Préfecture demandait une économie d’au minimum 25 %, alors que certains jours on a obtenu jusqu’à 100 %. Si nous avions dû fermer le site, cela aurait engendré une baisse des stocks, des retards de livraisons des clients, du chômage technique… Finalement, en sécurisant notre approvisionnement en eau, ce projet à vocation environnementale se révèle aussi très pertinent sur le plan économique.
Comment Michelin a-t-il financé ce projet et quelles ont été les aides sollicitées/obtenues ?
Sascha Kettler : L’investissement s’est élevé à 4,7 M€ et nous avons obtenu une aide de 1 M€ de la part de l’Agence de l’eau Loire Bretagne.
Quels sont les autres acteurs qui vous ont accompagnés dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Sascha Kettler : L’Agence de l’eau Loire Bretagne nous a accompagnés et nous a apporté son soutien tout au long du projet. Nous avons aussi bénéficié de l’aide du groupe Michelin pour la construction de l’ouvrage (eau, génie civil, électricité). Egis a réalisé la maîtrise d’œuvre. La SADE a eu la responsabilité d’un groupement d’entreprises locales. Et Clemessy (groupe Eiffage) est intervenu pour la conception et l’installation des équipements nécessaires à la mise en place de la boucle fermée d’eau industrielle.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?
Sascha Kettler : Nous n’hésitons pas à partager ce projet à l’extérieur car je pense qu’il faut oser se lancer, ne pas avoir peur de s’exposer. Je conseille comme nous l’avons fait d’avoir dès le départ du projet une démarche inclusive, qui implique toutes les parties prenantes du projet. Cela permet d’évoquer en toute transparence les possibilités, mais aussi les freins techniques d’un tel projet environnemental. Chaque projet vit dans l’humain. Celui-ci est je pense un très bon exemple de collaboration entre tous les partenaires de la société : les associations, l’administration, les entreprises de toutes tailles qui ont su travailler ensemble pour réussir dans les délais, en respectant le budget et en atteignant les objectifs fixés.
Ce type d’initiative est un moyen de montrer que les entreprises s’engagent, prennent leurs responsabilités : nous ne sommes pas là que pour faire du profit, nous sommes aussi là pour créer de la valeur pour la société. Nous avons reçu de nombreux messages de jeunes suite à ce projet, ce qui montre que l’engagement pour l’environnement d’un site comme le nôtre contribue à changer le regard sur l’industrie.
Enfin, la gestion de l’eau doit devenir une priorité pour les entreprises : les épisodes de sécheresse sont de plus en plus fréquents et vont se multiplier. La situation que l’on a vécue à l’été 2025 montre à quel point maîtriser son approvisionnement en eau est devenu essentiel.
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Le projet en détails
Dates clés
2021
2022 - 2025
Mai 2025
Août 2025
Chiffres clés
160 000
80%
4,7
À retenir
Cet investissement a permis d’économiser les prélèvements d’eau dans la retenue de la Sorme de 80 % dès 2025. Le circuit fermé de traitement des eaux usées industrielles permet de les recycler dans l’usine et évite leur rejet dans le milieu naturel.
La capacité de stockage est suffisante pour garantir dix jours d’autonomie à l’usine, ce qui a permis au site de rester en activité pendant la sécheresse d’août 2025. Dès 2030, son objectif est d’économiser 100 % de prélèvement d’eau dans la rivière.
Comme tout projet innovant, le système d’Hydraloop a généré un changement dans les habitudes de travail. Les équipes concernées ont été impliquées pendant la réalisation du projet, formées et accompagnées pour s’adapter aux nouvelles exigences de l’installation.
Ressources
Hydraloop, un projet pionnier pour l’autonomie en eau et la décarbonation des procédés industriels
egis
Comment Michelin va réduire sa consommation en eau : une première avec le projet Hydraloop
france 3 Bourgogne-Franche-Comté
Les partenaires de ce projet

Agence de l'eau Loire Bretagne

Préfecture de Saône-et-Loire

France Nature Environnement (FNE)
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
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