D’une usine désaffectée à des berges renaturées, Turckheim (68)
L’important projet de renaturation de la rivière du Muhlbach à Turckheim, coordonnée par le syndicat des Rivières de Haute-Alsace, touche à sa fin. Lors de leur assemblée générale, les délégués du syndicat ont fait le point des opérations réalisées, en cours et à venir. En un an, la rivière du Muhlbach à Turckheim a totalement changé d’aspect. L’ancien canal usinier qui traversait le site papetier Schwindenhammer a retrouvé en grande partie son caractère sauvage, avec ses berges en pente douce, débarrassées de leur muret de pierre et de béton.
Entretien avec Dominique Weckner, porteur du projet, sur le site
Ce projet est présenté par
- Dominique Weckner, ingénieur hydrolicien au syndicat des Rivières de Haute Alsace, sur le secteur des vallées de Munster, de Kaysersberg et de la plaine du Rhin
Dominique Weckner
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action
Comment le projet de renaturation du Muhlbach s’est-il imposé à l’agenda de votre syndicat ?
La commune de Turckheim, membre de notre syndicat, nous a contacté lorsqu’elle était en train d’élaborer le projet de réhabilitation de la friche industrielle. Nous avons réalisé un diagnostic du canal durant l’année 2019 afin d’évaluer le potentiel de restauration. Puisqu’il fallait démolir l’usine et repartir de zéro, nous avions senti qu’il y avait là une opportunité de faire émerger un projet ambitieux. En parallèle, un décret ministériel a été publié en juin 2020 pour alléger les procédures administratives pour les travaux de restauration écologiques. Le linéaire de rivière concerné étant de 600 mètres, il aurait normalement fallu remplir un dossier d’autorisation environnementale, mais comme nous allions recréer une rivière naturelle, le dossier est passé en procédure simplifiée.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une idée de ce projet ?
Notre équipe est spécialisée depuis plus de 20 ans dans la gestion des rivières et des milieux aquatiques. Fort de cette expérience, nous avons proposé à la commune et aux services de l’Etat un projet qui s’inspire du profil des petites rivières naturelles : des talus très doux, de la végétation typique de cours d’eau vosgiens, une sinuosité du cours d’eau, des profils variés d’écoulement. Cela correspond à ce que nous avons déjà pu réaliser sur l’ensemble du Département du Haut-Rhin.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
Etant donné l’état initial du site (berges verticales bétonnées, cours d’eau couvert, pas de végétation endémique, déchets dans le cours d’eau, etc), le diagnostic réalisé pour le dossier loi sur l’eau a suffi pour justifier que le projet aurait un impact largement positif sur l’état du cours d’eau. Nous avons également réalisé une pêche électrique de sauvegarde avant le démarrage pour déplacer la faune piscicole et l’impacter le moins possible.
Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?
Une bonne connaissance des procédures réglementaires et des interlocuteurs à qui demander les autorisations me paraît indispensable pour ce type de projet, tout comme une compréhension de l’articulation des compétences GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) sur un territoire.
Des compétences en hydrologie me paraissent aussi nécessaires sur ce type de projet, afin qu’il puisse fonctionner hydrauliquement en été et en hiver (hautes eaux et basses eaux). La connaissance du génie civil est à ne pas oublier – terrassement, organisation de chantier – afin de vérifier que les entreprises mobilisées réalisent bien le travail, et rester soi-même connecté au terrain.
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
Le débit du cours d’eau est régulé par une prise d’eau sur la rivière principale plus en amont. Il n’y avait donc pas de risque de crue. Nous avons proposé un dimensionnement qui assure qu’en cas de défaillance, le nouveau tracé permette de faire transiter le débit critique. L’emprise de la rivière a été dessinée en 3D en tenant compte de la topographie. Comme il fallait conserver l’ouvrage maçonné présent originellement dans l’usine (intérêt patrimonial d’après l’Architecte des Bâtiments de France), il a fallu trouver une solution pour être conforme avec la Directive Européenne sur l’eau. En effet, cet ouvrage faisait barrage à la circulation des poissons. Pour réduire la hauteur du barrage, nous avons cassé la chute de 3 mètres en plusieurs petites, et nous avons donc remonté le fond du lit en aval. Cela a aussi permis de réduire l’emprise nécessaire pour les talus, et nous avons donc pu optimiser le tracé.
Les riverains ont été contactés, et nous les avons ensuite rencontrés pour leur présenter le projet avec la mairie. Ils ont été largement favorables.
Comment la collectivité a-t-elle financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?
Notre collectivité est financée d’une part par la taxe GEMAPI (levée par les EPCI, communauté de communes, agglomérations) pour moitié, d’autre part par les communes adhérant à notre syndicat. Cela s’explique par les besoins inhérents aux chantiers : par exemple, la reprise de l’ouvrage implanté au milieu de notre chantier ne pouvait pas être financée par la GEMAPI, mais par la commune de Turckheim par le biais d’une convention.
Dans le cadre de cette opération spécifique, notre syndicat a contribué au financement à hauteur de 20%. Les 80% ont été pris en charge par la Communauté Européenne d’Alsace (CAE, pour 20%), par la Région Grand Est (20% également) et par l’Agence de l’Eau, à 40%.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné le syndicat dans la préparation et la réalisation du projet ?
En plus des acteurs mentionnés ci-dessus, notre syndicat a associé la commune de Turckheim, l’agglomération de Colmar (pour la partie piste cyclable à venir et une zone artisanale qui lui reviendra), la Police de l’Environnement et la Police de l’Eau avec qui nous avons fait quelques réunions de présentation, un architecte des Bâtiments de France. Il fut parfois compliqué de trouver des créneaux pour réunir l’ensemble de ces parties prenantes.
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Le projet en détails
Dates clés
2019
2020
2019-2021
Avril/Novembre 2022
Chiffres clés
410 000
600
1 200
Résultats
- Le projet a permis de créer 600 mètres de cours d’eau dans un milieu très marqué par l’industrialisation. Ce genre d’opération est très ambitieux et assez rare : d’ailleurs il s’agit du plus gros chantier de renaturation réalisé dans le Haut-Rhin en 2022. C’est une véritable colonne vertébrale verte et bleue au cœur d’un nouveau quartier qui va accueillir des maisons, des logements collectifs et une zone d’activité. Pour la suite, nous rêvons de voir la piste cyclable qui longe la rivière se prolonger jusqu’à Colmar !
À retenir
La collaboration entre les différents acteurs a été un des éléments-clés de la réus-site du projet. L’aménageur foncier a accepté de laisser une emprise conséquente au cours d’eau, la commune a été un moteur, les services de l’Etat ont été très effi-caces et les financeurs (AERM, RGE, CEA) ont suivi avec beaucoup d’enthousiasme
Nous avons certes subi du vandalisme sur le chantier, ce à quoi nous sommes habitués, mais dans l’ensemble toutes les parties prenantes ont été particulièrement conciliantes
Les partenaires de ce projet
Agence de l'eau Rhin-Meuse
Région Grand-Est
Communauté Européenne d’Alsace
Commune de Turckheim
Agglomération de Colmar
Les acteurs de la filière eau impliqués dans ce projet
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Nombre de syndicats membres
Données de contact
- Rivières de Haute Alsace, 100 Avenue d'Alsace, 68000 COLMAR