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Restauration d’une tourbière à Vred (59)

A Vred (59), comme dans les communes voisines de Wandignies-Hamage et Marchiennes, le Parc naturel régional Scarpe-Escaut mène la restauration de milieux tourbeux alcalins. Ces zones humides riches en biodiversité, essentielles dans le cycle de l’eau et du carbone, sont en voie de disparition. Déboisements et étrépage du sol permettent de restaurer le cœur de la tourbière, qui sera ensuite entretenue par la fauche et le pâturage. L’opération est financée par l’Agence de l’Eau Artois-Picardie (39%) et la Commission Européenne (60%) via le programme européen LIFE. Coordonné par le Conservatoire d’espaces naturels Hauts-de-France, il réunit huit partenaires pour restaurer 480ha de tourbières alcalines en Hauts-de-France et en Belgique.

 

Entretien avec Philippe Caudrelier et Mathilde Castelli

Parole de collectivité
Philippe Caudrelier - Crédits photo : Banque des Territoires
Gestion des milieux aquatiques

Le projet est porté par :

  • Philippe Caudrelier est adjoint à l’environnement de Vred, une commune de 1380 habitants, située dans le département du Nord (59).
  • Mathilde Castelli est chargée de projet LIFE + Nature Anthropofens au PNR Scarpe Escaut.

Parole de collectivité

Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont passés à l’action

Comment le sujet de la restauration écologique de la tourbière s’est-il imposé à l’agenda de Vred et du Parc naturel régional Scarpe-Escaut ?

La tourbière de Vred, classée réserve naturelle régionale, est l’une des dernières tourbières alcalines des Hauts de France. Ces milieux, autrefois fréquents dans le nord du pays, ont quasiment disparu à cause des modifications du réseau hydrographique réalisées dès le XIIIe siècle et intensifiées à l’ère industrielle. Or ces zones présentent une biodiversité remarquable : on trouve à Vred près de 236 espèces végétales (dont 28 patrimoniales) comme la  gesse des marais, l’utriculaire commune et la marisque. On y recense également 126 espèces d’araignées et 35 de libellules, six espèces d’amphibiens et 115 d’oiseaux. Riches en biodiversité, les tourbières nous rendent également de nombreux services, du stockage du carbone à l’épuration de l’eau.

Pour préserver ces milieux rares et menacés, le Conservatoire d’Espaces Naturels des Hauts-de-France a initié un programme d’actions, baptisé LIFE Anthropofens 2019-2025. Il concerne 13 sites Natura 2000 des Hauts de France et de Wallonie (Belgique), soit environ 10 000 ha de milieux tourbeux. Les huit partenaires, dont le PNR Scarpe Escaut, bénéficient d’un budget global de 18,7 millions d’euros pour améliorer la connaissance et l’état de conservation des tourbières.

Notre tourbière communale de 41 hectares est gérée par le PNR Scarpe-Escaut depuis une trentaine d’années. Celui-ci anime aussi le LIFE sur 2 autres sites voisins, la Réserve Naturelle Nationale (RNN) de la tourbière alcaline de Marchiennes et le Marais de Sonneville, à Wandignies-Hamage.

Un budget global de 1,2M€ est dédié à la restauration et à l’entretien de ces trois sites tourbeux, cofinancés par le fonds européen LIFE (60%), l’Agence de l’Eau Artois-Picardie (39%) et le PNR (1%). Ces sites s’inscrivent par ailleurs au cœur du site Ramsar des vallées de la Scarpe et de l’Escaut. Ce label attribué en 2020 récompense des zones humides d’importance internationale.

 

Quelles sont les sources d’inspiration suivies pour se faire une idée de ce projet de restauration écologique au niveau de la tourbière ?

Tous les travaux menés à Vred en 2021 puis 2022-2023 ont été définis et suivis par le PNR, qui a informé l’équipe communale à chaque nouvelle étape. L’enjeu était de restaurer un milieu qui se retrouve naturellement envahi par les arbres sans l’intervention humaine. Le PNR a donc fait faire des déboisements, pour permettre aux roselières et bas-marais caractéristiques de retrouver leur place, accompagnés de leur faune et flore bien spécifiques.

Il y a eu également des opérations d’étrépage, qui consistent à gratter le sol de quelques centimètres pour conserver de l’eau tout au long de l’année, permettant la préservation et à plus long terme la formation de la tourbe. Enfin un ouvrage hydraulique a été installé pour maintenir au maximum l’humidité dans la tourbière et limiter l’arrivée d’eau de moindre qualité. L’entretien de certaines parcelles est réalisé par le pâturage des vaches rouges flamandes d’un éleveur local. C’est plus efficace, moins coûteux et polluant qu’une intervention mécanique.

 

Concernant les compétences, quelles sont les principaux sujets à maîtriser avant de se lancer dans ce projet ?

Même si c’est pour la bonne cause, engager des travaux dans des milieux aussi fragiles et protégés engendre des perturbations. Il faut donc être très au fait de la réglementation. Une argumentation solide basée sur les connaissances scientifiques et naturalistes actuelles a dû être produite auprès des services de l’Etat pour justifier les travaux au regard de sujets comme la loi sur l’eau, le défrichement ou l’intervention sur des espèces protégées.
Il faut aussi posséder ou trouver à l’extérieur de solides compétences hydrologiques. Savoir d’où vient l’eau (car celle issue des nappes de la craie et celle issue des nappes des sables n’ont pas les mêmes caractéristiques et ne favorisent donc pas les mêmes plantes), comment elle circule au sein des sites… Tout cela a nécessité des études très spécifiques financées par le LIFE et par une convention de recherche avec le BRGM. Elles se poursuivent. Un bilan est attendu à l’été 2023 et permettra d’affiner les modalités d’actions selon le fonctionnement éco-hydrologique du site.

 

Lors des phases de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?

Le patrimoine de Vred est avant tout un patrimoine naturel. Certains admettaient difficilement les restrictions à venir dans un territoire perçu comme une propriété exclusive des Vredois depuis des siècles. Nous avons présenté le projet à plusieurs reprises dans le bulletin municipal et sur notre page Facebook en expliquant à quel point c’était une chance pour notre commune. 550 000€ investis, ce n’est pas rien ! Le plus compliqué est d’expliquer que l’on doit enlever des arbres pour restaurer la biodiversité.

Pour mieux faire adhérer les premiers concernés que sont les riverains, nous avons mis en place un comité local de la tourbière. C’est un lieu de connaissance et d’échanges. On peut y dénouer les appréhensions, notamment celle d’une trop grande fréquentation, suite à l’aménagement prochain d’un cheminement autour de la tourbière.

Nous nous appuyons aussi sur une commission extramunicipale développement durable qui mêle des élus et des habitants volontaires. Elle est à l’initiative d’une Fête de la grenouille des champs, sensibilisant à la biodiversité. Cette grenouille, que l’on trouve dans les tourbières de Vred et Marchiennes, est une espèce menacée et très rare à l’échelle métropolitaine.

L’équipe du PNR propose aussi régulièrement des visites de la tourbière et des stands d’information, pour des événements comme la Journée mondiale des zones humides, les Journées du patrimoine, l’opération Fréquence Grenouille, mais aussi à la demande d’associations ou de l’école communale. Globalement, les habitants en sont friands.

Par ailleurs, les bois coupés dans le cadre de certains travaux de la tourbière ont été donnés aux habitants ou vendus à prix réduit au profit du CCAS. Une initiative très bien accueillie.

 

Comment le PNR a-t-il financé ce projet et quelles sont les aides sollicitées/obtenues ?

Le montant global des travaux était de 550 000€, financés par le fonds européen LIFE (60%), l’Agence de l’Eau Artois-Picardie (39%) et l’autofinancement du PNR (1%).

 

Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné les communes dans la préparation et la réalisation de ce projet ?

Le PNR Scarpe-Escaut est le principal interlocuteur en tant que gestionnaire de la Réserve naturelle.

La tourbière est gérée par un comité de gestion qui réunit le PNR, les Conseils régional et départemental, la commune, les fédérations de chasse et de pêche, l’Office français de la biodiversité, le Groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais, le Conservatoire botanique national de Bailleul et des membres de notre commission extramunicipale développement durable. Selon les sujets à l’ordre du jour, toute structure peut y être associée.

Plusieurs entreprises spécialisées sont intervenues dans la tourbière de Vred depuis 2021 :

  • Hydram SAS, Rosult (59) : travaux lourds de restauration écologique, fourniture et pose d’un ouvrage hydraulique, fourniture et pose de clôtures.
  • Hennegraeve SA, Marchiennes (59) : broyage, fourniture et pose de clôtures.
  • Journel Environnement et Fils, Nauroy (02) : fourniture et pose de ponts à bovins et parc de contention.
  • SMET Group (Dessel, Belgique) : fourniture et pose d’un couple de piézomètres profonds en périphérie de la tourbière, permettant de suivre les masses d’eaux souterraines.

Le projet en détails

Dates clés

2020

Mise à l'agenda, inspiration et compétences

2021

Diagnostic et planification

Automne 2021 - Hiver 2022

Pose de l'ouvrage hydraulique, des clôtures et ponts pour les bovins

Août 2022 - Février 2023

Travaux de déboisement, étrépage et clôtures

Chiffres clés

550 000€
Budget des travaux
41 hectares
Superficie milieux tourbeux classés
6,5 mois
Durée des travaux

Résultats

  • Mise en valeur du site. L'aménagement en 2024 d'un cheminement autour de la tourbière et d'une plateforme d'observation y contribuera davantage encore...
  • Le PNR a réussi à trouver assez rapidement des entreprises spécialisées locales (la plus éloignée venait de Picardie) et compétentes.

À retenir

L'inscription dans le projet LIFE Anthropofens est l'occasion de travailler avec huit autres structures partenaires, c’est l’occasion d’un échange d’expériences

Pas toujours facile de concilier ce projet environnemental et d'intérêt général avec les usages traditionnels et anciens du site, en l'occurrence la chasse (on n'y pêche plus). Celle-ci continue d'être pratiquée, mais il y a des zones interdites

Ressources

En savoir plus sur la commune de Vred

Nombre d'habitants

1 380

Données de contact

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