Composante essentielle de la compétence « distribution d’eau potable », régie par le code général des collectivités territoriales, Section eau et assainissement et notamment les articles D2224-5-1 à R2224-22-6 et les décrets rattachés, un schéma directeur d’alimentation en eau potable est un passage obligé pour les collectivités territoriales. En quoi consiste-t-il et quelles sont les différentes étapes à suivre ?
Un schéma directeur : c’est quoi ?
Un schéma directeur est un exercice stratégique et opérationnel d’anticipation sur le long terme des solutions à mettre en place sur la base des données du moment présent et du prévisionnel, afin d’aider les décideurs à définir leur vision cible et élaborer les différents plans d’investissement nécessaires à l’atteinte des objectifs déterminés. Un schéma directeur (SD) constitue une feuille de route pluriannuelle d’actions stratégiques identifiant les personnes responsables de ces actions. Il porte en général sur une période de 10 à 20 ans. Il se décline en plans à moyen terme (PMT) qui portent sur une période plus courte de 3 à 5 ans, qui eux-mêmes se subdivisent en plans d’actions (PA) définis pour une période de 1 à 3 ans.
Et le schéma directeur d’alimentation en eau potable ?
Commençons par deux rappels :
- Une eau est potable lorsqu’elle présente certaines caractéristiques la rendant propre à la consommation humaine. Ces caractéristiques répondent aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé, aux normes européennes et françaises.
- Toute collectivité est responsable de la distribution de l’eau potable de son périmètre. Ainsi, elle s’assure que le service est continu dans le respect des conditions réglementaires, sanitaires, techniques et financières satisfaisantes, compte tenu de l’évolution prévisible des besoins.
Un schéma directeur d’alimentation en eau potable est un outil d’orientation et d’anticipation en vue de conserver la continuité et la qualité du service d’eau de la collectivité. Le schéma directeur permet d’avoir une vision globale des besoins et des solutions envisageables pour une gestion durable de la ressource en eau, du milieu naturel, en passant par toutes les étapes de traitement, de distribution, de facturation sans oublier le patrimoine et aussi la sécurisation de l’accès à la ressource, les éventuels plans d’alerte et de secours ainsi que le nombre et la qualification du personnel nécessaire pour mener à bien ces actions. Les SD sont des études stratégiques, transversales et opérationnelles qui visent à préciser les connaissances relatives à :
- La ressource : capacité, qualité, accidents climatiques récents et projections en termes de quantité à l’horizon de l’étude.
- Les besoins en fonction des projections pour quantifier le plus finement possible les variations de la population concernée y compris les fluctuations saisonnières (tourisme), ainsi que les modifications des conditions de vie, l’évolution urbaine du périmètre concerné, et le développement des activités économiques.
- Les différents usages : usages domestiques (alimentation, hygiène individuelle, entretien domestique, lavage des voitures…), usages collectifs (centres de santé, hôpitaux, dispensaires, pompiers, écoles, lavages des rues, arrosage des espaces verts, institutions publiques, bureaux …), usages économiques (agriculture et élevage, activités industrielles, activités touristiques et de loisirs, activités commerciales – artisans, commerces)
Un SD se doit d’évaluer les différents scenarii technico-économiques en intégrant les règles d’un développement durable et la protection de la ressource (réutilisation des eaux usées épurées, économie circulaire, recyclage des déchets des usines d’eau…). Pour la pérennité de l’alimentation en eau de la population, une collectivité disposera, avec un SD, d’un outil prospectif comprenant les différentes options et les estimations des investissements nécessaires. Un Schéma Directeur d’Alimentation en Eau Potable est une démarche intégrée entre toutes les activités d’un service des eaux et, dans le cadre d’un SD régional, c’est une démarche mutualisée entre les différents services d’eau concernés ; cette démarche est structurée pour réévaluer l’existant et son fonctionnement, proposer une optimisation et prévoir les investissements pour assurer la qualité et la continuité du service.
Quels sont les principaux acteurs de son déroulement ?
Le Comité de direction stratégique
Ce comité inclut les élus, la direction générale des services de l’opérateur qu’il soit public ou privé et aussi les représentants des partenaires institutionnels. Ce rattachement au plus haut niveau est essentiel pour les décisions à prendre et pour la mobilisation de toutes les parties concernées. Il inclura aussi le Directeur de projet. Ce comité doit définir le périmètre concerné, l’horizon cible et les objectifs souhaités.
Le Comité de pilotage opérationnel
Ce comité est dirigé par le Directeur de projet, des représentants des directions opérationnelles et directions support. Le rôle de ce comité est de suivre en temps réel l’avancement du projet en mobilisant les ressources nécessaires.
Quelles sont les principales étapes d’un schéma directeur d’alimentation en eau potable ?
Comme tout exercice stratégique, il s’agit en premier lieu, pour la collectivité, de définir sa vision long terme pour son service d’eau potable ainsi que le périmètre concerné, l’horizon cible et les objectifs stratégiques à atteindre. Cette vision sera ensuite déclinée en actions de plus court terme à l’échelle budgétaire. Les principales étapes sont décrites ci-dessous.
1- Description de la situation initiale
C’est une étape essentielle pour bien identifier les problèmes et orienter le choix des solutions. La connaissance de l’état existant repose sur les données disponibles auprès des différentes instances ; néanmoins, il n’est pas exclu d’avoir besoin de travaux complémentaires comme d’un recensement ou de travaux hydrogéologiques. L’étude devra se conclure par une analyse type FFOM analysant les Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces de la situation existante. Il est important de noter que l’évaluation de l’existant est du type collaboratif entre les experts, le donneur d’ordre et l’opérateur.
2 – Etapes successives par ordre chronologique
- Définition du périmètre concerné, de l’horizon cible et des objectifs stratégiques à atteindre
- Préparation d’un cahier des charges et des termes de référence qui serviront de base à l’évaluation du travail attendu
- Lancement de l’appel d’offres et choix des experts prestataires
- Définition de la méthodologie avec l’attributaire du marché
- Priorisation des actions
- Définition de l’organisation adéquate en termes de ressources humaines notamment, y compris la formation
- Anticipation des investissements nécessaires
- Prise en compte de la durée des consultations y compris, le cas échéant, citoyennes
- Prise en compte de la durée des travaux
3 – Etablissement d’un PMT sur 3 à 5 ans
Il s’agit de la déclinaison de la vision par domaines et grands objectifs à atteindre. Les domaines couvrent l’ensemble des fonctions de l’organisme : technique, patrimoine dont réseaux, raccordements et usines, qualité, ressources humaines et formation, financements, informatique, audit, communication… Chacun de ces domaines sera décliné en plans d’actions.
4 – Déclinaison du PMT en Plans d’actions
Les PA comprennent des objectifs principaux, ces objectifs pouvant eux-mêmes être subdivisés en sous-objectifs puis en actions précises. Pour chaque item, on précisera les points suivants
- L’énoncé précis
- Le responsable
- Les moyens alloués ou à rechercher pour l’atteinte de l’objectif ou action
- La durée avec la date de fin de l’action
- Les indicateurs de suivi et de réussite
5 – Le plan de recherche de financements
Il se construit à partir du PMT avec une application dans les plans d’actions :
- que ces financements résultent de gains de productivité interne comme la lutte contre les eaux non facturées, de pertes physiques (réseaux fuyards) ou de pertes commerciales (compteurs, fraudes…) ;
- ou que ces financements soient à rechercher en externe : collectivités, Banque des Territoires, Agences de l’eau, niveau européen…
6 – La communication
Il est essentiel que ce projet structurant soit compris et accepté par tous les échelons afin qu’il soit fédérateur et porteur de sens pour tous. De ce fait, la communication en amont et tout au long du projet est importante. Trois niveaux de communication sont à envisager : une communication concernant le donneur d’ordre et son personnel, une communication destinée aux organismes et autorités concernées par l’eau et, enfin, une communication grand public pour les usagers.
Conclusion
Par la mise en place d’un schéma directeur d’alimentation en eau potable, la collectivité, qui est responsable de la distribution de l’eau potable de son périmètre, s’assure que le service sera maintenu et continu pour l’avenir dans le respect des conditions réglementaires, sanitaires, techniques et financières satisfaisantes, compte tenu de l’évolution prévisible des besoins.
Un schéma directeur n’est jamais figé et doit faire l’objet d’une révision, en général tous les 5 ans (horizon du PMT) ou bien quand survient un événement majeur. La révision ou actualisation prendra en compte les résultats atteints, les événements marquants et les évolutions observées. La réussite du projet repose beaucoup sur la qualité de la communication et la collaboration entre les parties prenantes et, surtout, de l’implication des responsables des collectivités.