Lors d’épisodes pluvieux, ce sont des milliers de mètres cube d’eau chargés en métaux lourds, hydrocarbures ou encore matières en suspension qui débordent des réseaux et encombrent nos stations d’épuration. L’imperméabilisation des sols empêche l’infiltration de l’eau de pluie provoquant ainsi inondations et dégradation des milieux aquatiques. La gestion traditionnelle par le « tout-tuyau » a aujourd’hui atteint ses limites. Avec 650 milliards d’euros de dommages économiques liés aux inondations et 50 à 77% des eaux françaises n’atteignant pas les objectifs européens de bon état écologique, la gestion des eaux pluviales urbaines est un véritable défi pour les élus locaux.
Eaux de pluie, eaux pluviales et eaux de ruissellement, quelle différence ?
Le terme eaux de pluie fait référence aux eaux issues des précipitations atmosphériques avant qu’elles ne touchent le sol et ne se chargent en polluants autres que ceux naturellement présent dans les gouttes. Eaux pluviales et eaux de ruissellement sont, quant à elles, les deux facettes d’une même et seule eau qui circule à travers la ville. Les eaux dites « pluviales » correspondent à la partie de l’écoulement qui est « gérée » par des dispositifs dédiés (infiltration, stockage, collecte, transport, traitement éventuel). À l’inverse des eaux dites « de ruissellement » dont l’écoulement n’est lui pas géré par de tels dispositifs. En lessivant les surfaces, ces eaux se chargent de polluants divers. Dissous ou sous forme de particules en suspension, leurs concentrations peuvent être plus ou moins importante en fonction de l’intensité des pluies, de la nature des matériaux de surface, de la distance parcourue en ruissellement ou encore de la nature des activités sur ou à proximité de la surface.
La gestion traditionnelle des eaux pluviales repose sur les réseaux. Les plus anciens, dit unitaires, acheminent dans une même canalisation eaux usées et eaux pluviales vers la station d’épuration pour traitement. Les réseaux dit séparatifs, plus récents, sont quant à eux dédoublés. Les eaux usées sont ainsi acheminées vers la station d’épuration pour traitement, tandis que les eaux pluviales sont renvoyées directement vers les rivières, après stockage éventuel pour réguler leurs débits. Extrêmement coûteuse et contraignante cette gestion fait progressivement place à des techniques alternatives favorisant l’infiltration, la rétention et l’évaporation de l’eau au plus proche de son point de chute. Ces techniques peuvent inclure la mise en place de toitures végétalisées, de jardins de pluie, de noues paysagères, de bassins de rétention, de chaussées perméables ou encore de récupérateurs d’eau de pluie.
Qu’est-ce que la compétence GEPU ?
La Gestion des eaux pluviales urbaines (GEPU) a donné lieu à de nombreuses évolutions juridiques ces dernières années. Longtemps rattachée à la compétence assainissement, la gestion des eaux pluviales urbaines est désormais une compétence à part entière du bloc communal. Elle est obligatoire depuis 2020 pour les communautés d’agglomération, obligatoire et rattachée à la compétence assainissement pour les métropoles et les communautés urbaines, mais reste facultative pour les communautés de communes, dans ce cas assumé par la commune. L’article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) la définit comme « un service public administratif correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des « aires urbaines ». Loin d’écarter les collectivités rurales de l’exercice de cette compétence, le terme « aire urbaine » renvoie aux « zones urbanisées » (U) existantes, mais aussi futures, c’est-à-dire celle « à urbaniser » (AU), conformément aux plans locaux d’urbanisme, y compris pour les collectivités rurales.
Quelles sont les responsabilités de la collectivité ?
La collectivité compétente doit tout d’abord définir, après enquête publique, un zonage d’assainissement pluvial délimitant :
- les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement,
- les zones où il est nécessaire de prévoir des installations, assurer la collecte, le stockage éventuel et, si besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’efficacité des dispositifs d’assainissement.
Elle est ensuite responsable de la mise en place du service public. Les missions de ce dernier1 incluent :
- La définition des éléments constitutifs du système de GEPU, en distinguant les parties formant un réseau unitaire avec le système de collecte des eaux usées, et celles constituées en réseau séparatif. Ces éléments comprennent les installations et ouvrages, y compris les espaces de rétention des eaux destinés à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales ;
- La création, l’exploitation, l’entretien, le renouvellement et l’extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages.
Comment est financé le service de gestion des eaux pluviales ?
Côté financement, contrairement aux services publics industriels commerciaux que sont ceux de l’eau potable et de l’assainissement (SPIC), la gestion des eaux pluviales urbaines relève d’un service public administratif (SPA). Il est à ce titre financé par le contribuable et non l’usager et dépend donc du budget général des collectivités. Les modalités de financement varieront légèrement en l’absence de transfert vers l’EPCI.
COMPETENCE NON TRANSFEREE | COMPETENCE TRANSFEREE | |
Modalités de financement² | · Fiscalité communale | · Attribution de compensation
· Fiscalité communautaire |
· Taxes liées à l’urbanisme
· Dotations de l’Etat · Subventions |
En fonction du type de réseau en place, la collectivité compétente en matière d’assainissement peut fixer forfaitairement la proportion des charges de fonctionnement et d’investissement qui relève des eaux pluviales. Ce forfait sera alors versé du budget général de la collectivité compétente en GEPU vers le budget annexe du service d’assainissement (entre 20 et 30% des charges du fonctionnement pour les réseaux unitaires, au maximum 10% pour les réseaux séparatifs).
Quelle articulation entre la GEPU et d’autres compétences ?
En-dehors des aires dites « urbaines », eaux pluviales et eaux de ruissellement pourront tantôt relever de la responsabilité directe des propriétaires fonciers, de la compétence voirie, de la GEMAPI ou encore d’une toute autre compétence, celle de « maîtrise des eaux pluviales et ruissellement ». C’est ainsi que les eaux pluviales de voiries relèvent de la responsabilité du service gestionnaire de la voirie, qu’il soit communal ou départemental. Lorsque la gestion de ces eaux a un lien direct avec l’enjeu de « défense contre les inondations », celle-ci peut relever de la compétence GEMAPI. Enfin, en zones non urbanisées où la création d’un réseau de collecte des eaux de pluies n’est pas justifiée, les eaux de ruissellement3 relèvent de la compétence des propriétaires fonciers.
Ainsi, les parcelles les plus basses se doivent de recevoir l’écoulement naturel des eaux pluviales issues des parcelles les plus hautes. Inversement, les parcelles les plus hautes sont dans l’interdiction d’aggraver la servitude des parcelles les plus basses. L’item 4 de l’article L.211-7 du code de l’environnement prévoit toutefois qu’en cas de défaillance de la part de ces propriétaires, les collectivités puissent intervenir. Cet article explicite de surcroît que les communes, les EPCI et autres échelons territoriaux peuvent, à titre facultatif et possiblement de façon partagée, se saisir d’une compétence complémentaire : celle de la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et de lutte contre l’érosion des sols.
Quels outils pour une gestion intégrée des eaux pluviales urbaines ?
Depuis les années 2000, le ministère de l’Environnement préconise une gestion intégrée des eaux pluviales urbaines. Celle-ci allie gestion traditionnelle et techniques alternatives ainsi qu’une approche plus respectueuse du cycle de l’eau. Les collectivités doivent ainsi axer leurs efforts sur la désimperméabilisation des sols grâce à des matériaux poreux, la déconnexion des réseaux d’eau pluviale et l’infiltration à la parcelle, le ralentissement des flux et la dépollution par les végétaux et le sol. Elles ont pour cela à leur disposition toute une palette d’outils réglementaires à commencer par le zonage pluvial4. En complément, elles peuvent utiliser un schéma directeur de gestion des eaux pluviales (SDGEP).
Ce document permet aux collectivités de dresser un état des lieux concernant la gestion des eaux pluviales sur leur territoire, en prenant en compte les différents enjeux tels que la qualité des milieux aquatiques ou les risques d’inondation, et de définir une stratégie ainsi qu’une programmation d’actions nécessaires à court, moyen ou long terme. Ces deux premiers documents n’ayant aucune portée juridique, leur intégration dans des documents d’urbanisme opposables, tels que le règlement du Plan Local d’Urbanisme (PLU/PLU(i)) ou le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) est fortement recommandé.
1Décret n°2015-1039 du 20 août 2015
2A noter que la taxe « eaux pluviales » n’existe plus depuis 2015
3Explicitée à 4° de l’article L. 211-7 du Code de l’Environnement
4Au titre de la loi sur l’eau du 3 Janvier 1992